Pesticides et sécurité des riverains : l'État doit renforcer les règles

Publié le par Jean-Louis Schmitt

Le Conseil d'État ordonne à l'État que les règles d'utilisation des pesticides à proximité des habitations soient complétées pour mieux protéger la population. Il donne six mois au Gouvernement pour renforcer ces règles.

Le Conseil d'Etat, dans une décision rendue lundi 26 juillet 2021, demande au gouvernement de renforcer sous six mois la réglementation encadrant l'épandage des pesticides "pour mieux protéger la population". Photo : JLS (Cliquez pour agrandir)

Le Conseil d'Etat, dans une décision rendue lundi 26 juillet 2021, demande au gouvernement de renforcer sous six mois la réglementation encadrant l'épandage des pesticides "pour mieux protéger la population". Photo : JLS (Cliquez pour agrandir)

Dans une décision rendue le 26 juillet, le Conseil d'État a annulé partiellement les dispositions du décret et de l'arrêté du 27 décembre 2019 sur les zones de non-traitement (ZNT) des pesticides autour des habitations. Pour rappel, dès le 1er janvier 2020, le Gouvernement avait fixé dans cet arrêté les distances minimales d'épandage des pesticides à 5 et 10 mètres, selon les types de cultures. Pour les substances les plus préoccupantes, cette distance a été établie à 20 mètres « incompressibles ». Toutefois, le décret prévoyait des dérogations à certaines de ces distances, lorsque le traitement est effectué dans le cadre d'une charte d'engagements de l'utilisateur approuvée par le préfet.

Ces deux textes ont fait l'objet de nombreux recours de la part d'ONG (collectif des maires anti-pesticides, Criigen, Agir pour l'environnement, France Nature Environnement, Générations futures, UFC-Que Choisir, etc.), mais aussi plusieurs communes (Tremblay-en-France, Compans, Mitry-Mory, Champigny-sur-Marne) et de personnes physiques. L'arrêté a également fait l'objet de recours de la Coordination rurale, de la chambre d'agriculture de la Vienne et de la société Vento-Sol.

Des distances de sécurité insuffisantes

« Ces distances minimales et les conditions d'élaboration des chartes ont été contestées devant le Conseil d'État par des associations, communes et agriculteurs « bio » qui les jugeaient insuffisamment protectrices et par des agriculteurs et une chambre d'agriculture qui les considéraient excessives », rappelle le Conseil d'État.

La plus haute juridiction administrative décide donc d'annuler l'article 1 du décret car il n'impose pas l'information préalable des riverains. Elle estime que les chartes d'engagements d'utilisation « doivent prévoir l'information des résidents et des personnes présentes à proximité des zones d'épandage en amont de l'utilisation des pesticides ».

 

« Les distances minimales d'épandage des produits dont la toxicité n'est que suspectée, qui ont été fixées à 5 mètres pour les cultures basses comme les légumes ou les céréales, sont insuffisantes. » Le Conseil d'État

 

Le Conseil d'État annule également l'article 8 de l'arrêté en tant qu'il ne prévoit pas des distances de sécurité suffisantes pour les produits classés comme suspectés d'être cancérigènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR 2). Il constate que l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) recommande une distance minimale de 10 mètres entre les habitations et les zones d'épandage de tout produit classé cancérogène, mutagène ou toxique, sans distinguer si leurs effets sont avérés, présumés ou seulement suspectés. Le Conseil d'État juge par conséquent que « les distances minimales d'épandage des produits dont la toxicité n'est que suspectée, qui ont été fixées à 5 mètres pour les cultures basses comme les légumes ou les céréales, sont insuffisantes ».

Les chartes annulées

Enfin, le Conseil d'État annule l'arrêté car il ne prévoit pas de dispositions destinées à protéger les personnes travaillant à proximité des zones d'utilisation des pesticides. Il juge que le Gouvernement « doit prévoir des mesures de protection pour les personnes travaillant à proximité d'une zone d'utilisation de pesticides, ce que la règlementation en vigueur ne fait pas ».

Le Conseil d'État ordonne au Gouvernement de compléter cette réglementation sous six mois. Il annule par ailleurs les conditions d'élaboration des chartes d'engagements départementales et de leur approbation par le préfet, « car celles-ci ne pouvaient être définies par un décret, mais uniquement par la loi ». Et ce, conformément à la décision rendue le 19 mars 2021 par le Conseil constitutionnel qui avait censuré ces chartes.

Les ONG requérantes se sont félicitées de la décision du Conseil d'État, à l'instar de Générations futures qui salue « un nouveau désaveu pour le Gouvernement ». Pour le cabinet Huglo Lepage, qui a défendu le collectif des maires anti-pesticides : « le Conseil d'État a reconnu que les demandes des requérants étaient parfaitement fondées puisque les personnes travaillant dans les terrains voisins des utilisateurs de pesticides ne bénéficiaient pas de protection, les textes ne prévoyant de protéger par les distances de sécurité que les résidences ».

« Les agriculteurs qui persistent à utiliser des produits nocifs pour la santé devront donc respecter toutes les parcelles voisines y compris lorsqu'elles ont une activité agricole » s'est aussi réjoui Daniel Ibanez, auteur de l'un des recours…

Rachida Boughriet/Actu-Environnement.com (27.07.2021)

 

 

 

 

 

 

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B
Oui il faut renforcer les règles...
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C
Des distances prétendument de "sécurité" de 5 ou 10 mètres, voilà qui frise le ridicule qui, contrairement aux pesticides, ne tue pas !
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Z
Totalement de l'avis de Mario.
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M
Triste d'en arrivé à être obligé de passer par les juges pour des décisions de bon sens.Reste à faire appliquer la loi sur le terrain et ce ne sera pas facile tant les agriculteurs productivistes ont tendance à ignorer les lois qui les dérangent, sachant qu'ils ne risquent rien ou presque vu qu'ils disposent de l'appui des chambres d'agricultures, de la fnsea et des politiques pour les défendre envers et contre tout.
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