Un oiseau, symbole des espèces menacées en Alsace, proche « d’une fin irrémédiable »

Publié le par Jean-Louis Schmitt

Le courlis cendré, grand oiseau de 50 centimètres de haut et symbole du patrimoine (naturel) alsacien, autrefois espèce commune dans la région, ne compte plus à peine que cinq couples en 2023

Le courlis cendré (Numenius arquata) également dénommé « courlis eurasien » ou « courlis européen ». Photo : Jean-Louis Schmitt

Il pourrait bientôt n’être qu’un lointain souvenir. Un oiseau, symbole passé du patrimoine naturel de l’Alsace figurant sur les panneaux touristiques le long de l'A35 tout comme le château du Haut-Koenigsbourg ou le Parlement européen. Espèce commune dans les plaines d’Alsace et le ried il y a quelques années encore, le courlis cendré a pratiquement disparu, et cela dans une indifférence générale. Aussi, la LPO d’Alsace tire la sonnette d’alarme car il ne reste plus que cinq couples répertoriés en 2023. Un nombre insuffisant pour sauvegarder ce bel oiseau haut d’une cinquantaine de centimètres, marqueur surtout de la qualité de la biodiversité des plaines alsaciennes.

Si le courlis cendré reste présent en France, l’Alsace ne dispose plus à ce jour d’habitat suffisant correspondant à ses exigences explique l’association. « C’est un des rares oiseaux qui niche au sol et il a besoin de grands espaces, plusieurs hectares. Deux couples résident dans le ried de l’Ill, et deux à trois autres en Alsace Bossue, soit l’annonce d’une fin irrémédiable », relève Cathy Zell de la LPO Alsace.

« Le cycle naturel de reproduction du courlis ne concorde plus avec la nature »

En cause, les activités humaines. Les prairies sont de plus en plus fertilisées quand elles ne sont pas tout simplement transformées en prairies intensives ou remplacées par des cultures. Aussi, « les herbes sont plus hautes, plus tôt dans l’année, poursuit Cathy Zell. Et la période de fauche est décalée. Le cycle naturel de reproduction du courlis, d’avril à juin, ne concorde plus avec la nature. Les petits poussins ne peuvent pas se déplacer dans les herbes hautes. Dès l’éclosion de l’œuf, ils ont déjà les yeux ouverts et leur duvet et deviennent une proie facile pour les prédateurs. Et certains passent dans les machines lors du fauchage. »

Autre raison avancée, les promeneurs, les VTTistes, les conducteurs de quad, ceux qui se baladent à cheval, ceux qui promènent leur chien sans laisse… Le courlis cendré a besoin d’espace et de tranquillité pour cette période de reproduction et protéger ses petits. « Or, c’est à ce moment-là que l’on a envie de sortir, au printemps, de se balader dans les dernières prairies fleuries », souligne Cathy Zell.

Des solutions existent « mais il n’y a pas de budget »

Si, de l’autre côté du Rhin, entre Fribourg-en-Brisgau et Baden-Baden, plus d’une trentaine de couples de courlis élèvent chaque année des dizaines de poussins, c’est parce que leur territoire est sanctuarisé pendant la période de reproduction. Des prairies entières, très grandes, sont protégées par des filets électriques afin de garder les promeneurs sur les sentiers et éloigner les prédateurs. D’abord en créant un petit périmètre de sécurité là où se trouvent les œufs, puis un plus grand, très grand, lorsque les poussins se déplacent. « Les Allemands ont mis en place une stratégie de grands ensembles de plusieurs dizaines à centaines d’hectares, d’un seul tenant, détaille Eric Brunissen, chargé de mission LPO et spécialiste du courlis cendré. Ils mettent le paquet pour agir sur tous les facteurs qui le favorise, avec des zones de tranquillité efficaces. Ils préfèrent aussi le pâturage au fauchage, ce qui permet d’avoir des zones où l’herbe est plus courte et où les poussins peuvent aller se laver près des cours d’eau, se sécher les plumes… Enfin, les prairies de fauche sont fauchées tardivement, elles ne sont pas fertilisées. Tout cela créé des conditions favorables au développement des courlis. »

« On peut préserver les espèces fragiles et contribuer à la préservation de la biodiversité. Des protocoles existent mais il faut des budgets pour ça. Les clôtures électriques coûtent cher et il faudrait aussi trouver un accord financier avec les propriétaires des prairies, les agriculteurs, décaler les périodes de fauche », assure pour sa part Cathy Zell.  « En Alsace, poursuit Eric Brunissen, on n’agit pas sur tous les facteurs en même temps. Dans le reste de la France, il y a des sites où les conditions sont naturellement favorables et où il y a beaucoup de points de pâturage et moins de fauches comme l’Aubrac (Aveyron). D’une région à l’autre, les facteurs peuvent varier, mais la situation n’est pas bonne en Alsace. »

L’interdiction de chasser le courlis cendré sur une année, obtenue difficilement en juillet, est censée encourager l’oiseau à nicher sur les terres Alsaciennes. Ce sursis, trop court selon la LPO, ne devrait pas changer le cours de l’histoire.

Gilles Varela/20 Minutes

 

 

 

 

 

 

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B
Quelle tristesse !!<br /> Pourquoi ne pouvons nous pas sanctuarisé un petit coin pour les protéger comme on le fait de l'autre côté du Rhin ?
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D
Mais qu’attend le Monde pour se sauver lui-même? Et ce faisant sauver son extraordinaire diversité. Oui bien triste !
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Z
Que c'est triste!
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J
L'Allemagne semble plus motivée pour la protection de ces oiseaux.
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