La migration des rapaces et des cigognes sur le col d’Organbidexka

Publié le par Jean-Louis Schmitt

Dans les Pyrénées, le col d'Organbidexka a été soustrait aux chasseurs par des ornithologues. Découvrez l'histoire de ce col emprunté par les cigognes et les rapaces migrateurs.

La saison des migrations bat son plein. Il y a deux semaines, Julien Perrot était sur un col des Alpes suisses pour observer des petits oiseaux migrateurs. Aujourd'hui, nous le retrouvons sur un col dans les Pyrénées pour observer des oiseaux bien plus grands, des rapaces et des cigognes en compagnie de deux experts.

Organbidexka, col libre

Daniel Auclair est naturaliste et réalisateur de documentaires animaliers. C'est le complice de la minute nature depuis le tout premier épisode en mars 2016. Depuis, Daniel fournit beaucoup des images animalières que vous pouvez voir dans ces vidéos.

Les deux compères sont entourés de brebis sur ce col des Pyrénées basques. "Nous sommes sur un lieu magique, explique Daniel, le col d'Organbidexka. C'est un endroit mythique dans le milieu de l'ornithologie, notamment pour l'observation et le dénombrement des oiseaux migrateurs. Mais cela n'a pas toujours été le cas."

Dans cette partie des Pyrénées, les chasseurs tirent les palombes, appellation locale du pigeon ramier. Dans les années 1970, le col d'Organbidexka et les montagnes alentour étaient recouverts de huttes de chasses et parcourus par des chasseurs. Des ornithologues ont alors monté l'association Organbidexka, col libre pour soustraire une partie de la chaîne pyrénéenne aux chasseurs. Daniel Auclair, qui a été président de l'association, connaît très bien l'histoire du col. "Actuellement, les crêtes sont en paix et un peut observer pacifiquement la migration des oiseaux. On doit cela à l'engagement de trois ornithologues qui ont loué ce col en 1973, avec leurs deniers personnels pour le soustraire à la chasse. Ces trois naturalistes ont choisi ce col en particulier parce qu'il était moins cher que les autres, car il est moins bien placé pour tirer des pigeons.

Ce qui rajoute du panache à l'histoire, c'est que la position plus basse de ce col, qui justifie son coût moindre, est idéale pour l'observation des oiseaux."

Depuis cinquante ans, les jumelles et télescopes ont remplacé les fusils et les ornithologues se relaient pour observer les oiseaux et étudier leurs migrations.

Couloir migratoire

Le col d'Organbidexka est exceptionnel pour la migration des oiseaux. Daniel Auclair nous en explique la raison. "Les oiseaux qu'on va observer aujourd'hui sont des planeurs. Ils utilisent les ascendants thermiques, l'air chaud, pour se monter sans effort et planer ensuite vers le sud sans un coup d'aile. Ce sont de grands oiseaux comme les cigognes blanches et noires, ou des rapaces comme le circaète Jean-le-blanc, l'aigle botté ou la bondrée apivore. Ces oiseaux partent du Nord de l'Europe et traversent la France selon un axe nord-est sud-ouest. Arrivés au sud-ouest de la France, ils se heurtent aux Pyrénées. Le pic d'Anie qu'on voit derrière nous et qui culmine à 2500 mètres est l'un des derniers sommets que les oiseaux migrateurs vont rencontrer. Ils cherchent alors un passage un peu plus à l'ouest et arrivent ici, au col d'Organbidexka. Comme la configuration des lieux fait qu'on peut très bien les compter, on voit passer des milliers d'oiseaux et des dizaines d'espèces différentes."

Au fil des années, cet endroit est devenu une école ornithologique. Derrière Julien et Daniel, un groupe d'une vingtaine de personnes observe les oiseaux. Daniel précise leur activité. "L'action consiste à détecter un oiseau avec les jumelles puis annoncer au groupe ce qu'on voit en l'ayant identifié à la longue vue. Parmi les plus connaisseurs, les ornithologues peuvent donner un âge à l'oiseau, un jeune de l'année ou un adulte et donner le sexe si c'est un mâle ou une femelle. On suit ensuite les oiseaux jusqu'à ce qu'ils passent les crêtes du Sud. On note le nombre d'individus, l'espèce et l'heure de passage. Chaque jour, il y a un responsable de la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) qui a pris la suite d'Organbidexka col libre. Les naturalistes ont même réussi à soutirer à la chasse un chalet pour y installer une exposition sur la migration et informer le public qui passe. Il y a donc deux permanents de la LPO qui assurent maintenant le suivi scientifique de la migration."

Julien rejoint le groupe d'observateurs et rencontre le responsable du jour. Adam Wentworth est spotter. Il explique son rôle sur le col. "Un spotter est sur le col toute la saison, de juillet à octobre. On compte les rapaces qui passent en migration. Les premiers oiseaux à entamer la migration sont les milans noirs qui partent en juillet. Ensuite les bondrées en août et maintenant c'est plus diversifié avec le circaète, l'aigle botté et les cigognes noires qui commencent, mais aussi les balbuzards. En octobre, ce seront les milans royaux et le début des grues. Tous ces migrateurs vont en Espagne."

Pendant l'interview, le spotter regarde dans ces jumelles. "Un balbuzard approche !" Le balbuzard pêcheur est un rapace facile à reconnaître. Il avance en battant lourdement des ailes. Adam décrit l'oiseau avec passion. "Il peut planer, mais il passe par tous temps, dans la pluie, dans le vent. Dans ces cas-là, il bat des ailes. D'ici on reconnait déjà quasiment l'oiseau à sa manière de voler. On utilise beaucoup la silhouette de vol pour identifier les rapaces. Surtout de loin comme la bondrée, la buse et les milans. Avec le balbuzard, c'est plus facile. Ses battements d'ailes sont lourds et ses ailes sont assez longues et sombres. On peut voir ses couleurs. Le dessus est blanc alors que le ventre et bien noir. Adam observe un peu plus attentivement le rapace et ajoute, c'est un mâle adulte. Il a une bande pectorale pas du tout marquée et il est très blanc sur le dessous des ailes. C'est la marque des mâles adultes. Les jeunes ont le dessus des ailes très écaillé parce que ce sont de nouvelles plumes." Toutes ces connaissances ornithologiques sont impressionnantes, mais Adam reste modeste. "Ça prend un peu d'expérience, mais ça s'apprend assez vite." Ce rapace est né en Europe du Nord ou peut-être en France et il va aller passer l'hiver au Sénégal. Il y passe deux ans. Les jeunes ne rentrent qu'à leur troisième année.

Ce col est exceptionnel par bien des aspects, son histoire, mais aussi les quantités d'oiseaux qui l'empreinte. Adam dévoile un chiffre étonnant. "Lors du plus gros rush de milan noir ici, on en a compté 14000 en une journée. C'est un des spots d'Europe où on peut voir le plus de rapaces migrer."

Sébastien Poiret

Vidéo : La Migration des Cigognes et des Rapaces (La Minute Nature n° 363) 10:44

La migration des rapaces et des cigognes sur le col d’Organbidexka

Migrations secrètes

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N
Merci pour cet article. Iraty, quelle nature belle et magique !
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J
Comme toujours, excellente minute nature.
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