Tourbières : le trésor des pauvres

Publié le par Jean-Louis Schmitt

Cette semaine, avec Allain Bougrain-Dubourg, nous allons nous balader dans nos tourbières, menacées par la sécheresse. Tapis végétal gorgé d'eau, elles invitent pourtant au miracle. Mais jusqu'à quand conserveront-elles le précieux liquide ? Visite guidée dans un univers singulier…

C’est après la dernière glaciation, il y a quelque 12 000 ans, que les tourbières ont choisi d’occuper l’espace. Tout dans leur épopée s’inscrit dans le temps, leur constitution pour commencer. Il leur faut un sol saturé en permanence d’une eau stagnante ou très peu mobile. Faute d’oxygène suffisant au besoin des bactéries et autres champignons qui assument la fonction de décomposer et recycler la litière végétale, cette dernière ne se minéralisant que très lentement ou partiellement. En s’accumulant, elle finit par former un dépôt de matière organique, la tourbe.

À l’échelle de la planète, on évalue à 4 millions de km² la surface des tourbières présentes à 80 % dans l’hémisphère nord. En France, elles se dispersent sur quelque 100 000 hectares, soit seulement 0,2 % du pays. Mais toutes ne se ressemblent pas. Il y a celles qui dépendent quasi exclusivement des eaux de pluie et celles qui reçoivent des eaux de surface ou souterraines. S’ajoutent à ces critères, l’acidité du milieu, les influences climatiques, la nature des populations végétales et bien d’autres facteurs qui laissent perplexe le non-initié.

Un milieu des plus riches

La richesse biologique est cependant référente. Les sphaignes, sortes de mousses qui comptent 35 espèces en France sur 300 dans le monde, aiment les tourbières acides. Grâce à leur croissance lente mais régulière, elles colonisent de larges surfaces avec la particularité de mourir sans pourrir. Les futures générations peuvent donc s’en servir de support.

La droséra à feuilles rondes s’inscrit également dans le paysage. Plante carnivore, elle piège les insectes grâce à ses poils recouverts d’une substance gluante. Une fois capturée, elle empoisonne sa proie jusqu’à l’avoir digérée. Ne pas manquer de s’attarder devant la linaigrette vaginée, reconnaissable à son aspect « boule de coton » qui n’est pas la fleur mais le fruit de la plante. Les orchidées sont également très présentes, tandis que les renouées s’épanouissent.

Les libellules occupent évidemment l’espace, de même que certains reptiles tels les lézards vivipares ou les batraciens comme la grenouille rousse. Même la mort semble s’épanouir dans ce milieu si particulier : on constate que des cadavres retrouvés dans les tourbières conservent bien souvent des morceaux de peau ou d’organes internes.

Une valeur écologique indispensable

Au milieu du siècle dernier, au Danemark, dans la tourbière de Tollund, le cadavre d’un homme ayant vécu au IVème siècle avant Jésus Christ, fut retrouvé dans un parfait état de conservation. Il avait même une corde autour du cou avec laquelle il fut pendu. Il aurait succombé lors d’un sacrifice humain alors qu’il avait 30 à 40 ans. Sa reconstitution est aujourd’hui visible au Pavillon des Sciences de Montbéliard. Véritables mémoires biologiques, les tourbières conservent également les pollens et les spores en tous genres. Accumulés lors des couches qui se sont succédé au fil des siècles, ils permettent d’identifier la végétation des périodes écoulées. Une science très particulière se consacre à la démarche, la « palynologie ».

Alors qu’autrefois les tourbières étaient considérées comme improductives, voire nocives pour la santé, elles ont peu à peu gagné en crédibilité. Lorsque l’énergie venait à manquer jusqu’au début du XXe siècle, les familles les plus pauvres extrayaient la tourbe après avoir asséché la parcelle. Le combustible ainsi obtenu ne valait pas le bois mais coûtait peu. Plus tard, la tourbe a servi de support aux cultures. En France, elle est encore utilisée pour l’horticulture ou le maraîchage. Mais les scientifiques lui reconnaissent une valeur écologique indispensable puisqu’elle joue le double rôle de rétention d’eau et de restitution en fonction des situations climatiques. Elle permet également de purifier le liquide en le filtrant et en l’assainissant.

Désormais grandement protégées par des réglementations ou des réserves, les tourbières restent fragiles. Le Pôle-relais tourbières, géré par la Fédération des Conservatoires d’Espaces Naturels basé à Besançon, rappelle que l’urbanisation, la constitution des routes ou encore le drainage pénalisent gravement ces milieux naturels complexes sans parler du réchauffement climatique.

Partir à leur découverte

Certains pays Européens ont ainsi détruit plus de 80 % de leur territoire, tandis qu’en Europe, 300 000 km², soit 50 % des tourbières, ont disparu. « C’est d’autant plus affligeant que leur destruction ou leur assèchement conduit à émettre surtout du C0² alors que les tourbières sont les écosystèmes les plus efficaces pour le stockage du carbone à long terme », précisent les biologistes. En référence, les chiffres sont éloquents. En ne couvrant que 3 % de la surface de la terre, les tourbières stockent deux fois plus de carbone que l’ensemble des forêts.

Reste à savoir comment partir à la découverte des fameuses tourbières. Les superficies les plus importantes sont à rechercher à l’étage montagnard ou dans les vallées de la moitié nord de la France. Le Jura, les Vosges, le Massif central sont également riches. Le bassin Parisien, celui de la Loire, du Rhône ou de la Garonne conservent aussi de beaux sites. Il existe un Atlas des tourbières permettant de faciliter le choix d’une balade insolite. De nombreuses sorties nature et autres chantiers de restauration sont identifiables sur le site du Pôle-relais tourbières.

Christine Dodelin, Conservatrice du Parc Naturel du Morvan, ne manque jamais de promouvoir les tourbières. « Nous en avons notamment six, ouvertes au public et en accès libre. Il existe des sentiers d’interprétation et des parcours permettant une expérience de nature originale, accessible à des personnes à mobilité réduite ou malvoyantes. » Ici et ailleurs, les tourbières attendent les curieux de nature …

Allain Bougrain-Dubourg

 

 

 

 

 

 

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Z
Article trés intéressant . <br /> Amitiés jean-Louis.
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J
U e tourbière se trouve sur la commune. Nous ne faisons pas de publicité pour la préserver.
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B
C'est très intéressant...<br /> Des tourbières bien menacées par la sécheresse...<br /> Bonne journée Jean-Louis
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