« Connaître et protéger la nature », cinquante ans d’engagement

Publié le par Jean-Louis Schmitt

Créées à l’initiative d'un instituteur perdu dans un village des Ardennes, les Clubs CPN (Connaître et Protéger la Nature) n'ont cessé de sensibiliser des générations d'enfants en les invitant à la découverte et à la protection de la biodiversité. Un demi-siècle plus tard, la démarche mérite que l'on revisite le passé.

C’était le temps du déclin. Alors que les « Trente glorieuses », visant à reconstruire la France d’après-guerre, achevaient leur œuvre destructrice de la nature, cette dernière était à l’agonie. Le remembrement, le cortège de produits chimiques, l’assèchement des zones humides et plus simplement le mépris à l’égard de ce que l’on ne qualifiait pas encore de biodiversité, avaient conduit à décimer toutes les espèces dites « emblématiques ». Les cigognes blanches comptaient moins de 10 couples réfugiés en Alsace, les castors n’étaient guère plus d’une trentaine du côté du Rhône tandis que les vautours fauves avaient déserté le ciel cévenol. Ce fut le temps aussi où, conscients d’une odieuse maltraitance de la nature, des initiatives s’enracinèrent pour tenter d’inverser la tendance.

Du côté des Ardennes, Pierre Déom, jeune instituteur se lance dans l’aventure : « La volonté était de montrer aux enfants qu’ils avaient autour d’eux une richesse merveilleuse, passionnante à découvrir. Face à la nature sauvage, très menacée à l’époque, notre espoir était simplement de leur faire Connaître et Protéger. » Ainsi naissaient les clubs CPN (Connaître et Protéger la Nature) avec l’ambition de rayonner dans tout le département des Ardennes. Un premier cahier de 16 pages imprimé à la Ronéo sert de trait d’union. Il s’agit de donner des conseils pratiques aux enfants, de les lancer sur de grandes enquêtes dans la nature, de publier leurs lettres, leurs poèmes et leurs dessins.

Générations La Hulotte

Dans les belles histoires, les petits miracles sont inévitables. L’inspectrice d’académie, séduite par le dynamisme des jeunes, permet l’acheminement en franchise postale du premier numéro de La Hulotte dans les 1 000 écoles primaires des Ardennes. Le travail de rédaction semble pourtant insurmontable. Pierre Déom, qui reste l’unique rédacteur et dessinateur de la revue (dite « la plus lue dans les terriers! ») doit simultanément continuer dassumer son rôle denseignant. En 1974, La Hulotte passe pourtant de 2 700 à 6 000 abonnés. Partout en France on veut découvrir les histoires d’animaux sauvages dessinées et racontées avec autant de rigueur que d’humour. Aujourd’hui encore La Hulotte accompagne des générations d’enfants et d’adultes, créant de nombreuses vocations.

Dans le même temps, les clubs CPN continuent leur bonhomme de chemin. En 1974, les équipes comptent 30 clubs, 60 en juin 1980 et deux ans plus tard, les 90 clubs engrangent près de 700 membres. Comment s’organisait cette vie associative? Amélie Sander, administratrice durant plus de 20 ans, convient que la spontanéité du moment l’emportait sur la rationalité : « Il n’y avait pas de règle. Parfois un adulte : instituteur, professeur, le père ou la mère, le grand frère ou la grande sœur, prenait l’initiative d’organiser des sorties nature mais souvent les activités se décidaient et s’organisaient en commun, tout simplement. »

Au début des années 1980, l’éducation à l’environnement commence à rayonner en France. Le mouvement « Jeunes et Nature » ou « l’Association Nationale Sciences et Techniques Jeunesses » viennent enrichir l’initiative des CPN. L’association grandit mais connaît aussi les inévitables difficultés de la croissance. Pas facile d’installer une démocratie participative. Devenue Fédération, l’association créée dans le petit village de Boult-aux-Bois multiplie pourtant les initiatives. Les idées ne manquent pas, les jeunes ne doutent de rien. Un dossier « spécial chevreuil » permet, par exemple, de découvrir les techniques d’affût. Ailleurs, c’est le « printemps des grenouilles » qui enthousiasme les enfants. On leur apprend à creuser une mare, à aménager les plantes adaptées et à observer la colonisation de batraciens et de libellules qui ne tardent pas à s’installer.

Les CPN se veulent rigoureux mais conviviaux. Tout ce qui peut conjuguer ces deux principes est bon à prendre. Cela tombe bien, la nature a besoin d’un coup de main. Et même davantage! Douze actions pragmatiques pour sauver la chouette chevêche sont proposées tandis que « 1 000 défis pour la planète » génèrent également la ferveur. Comme dautres associations de l’époque, les CPN sont condamnées à se professionnaliser. Les sorties natures organisées au hasard des inspirations n’y suffisent plus, il faut initier la formation des animateurs, structurer l’encadrement, gérer les déplacements. Les Clubs CPN qui ambitionnent de devenir une « école de naturalistes » investissent dans la démarche en affichant aujourd’hui un bilan respectable.

Adieu l’école buissonnière

À l’image des CPN, d’autres clubs analogues se sont constitués en Afrique (170 clubs). L’opération « Aux arbres citoyens »  lancée en France est adaptée par les clubs africains sous le titre « Arbres à palabres ». Il s’agit de développer des pépinières, l’opération connaît un succès inespéré.

Aujourd’hui, chacun s’accorde à dire l’urgence de mobiliser les générations futures. Les CPN ont incontestablement fait leur part, sensibilisant des milliers de gamins. Mais le devoir de précaution semble condamner la spontanéité des premières heures. Désormais, il n’est plus question de proposer à quelques enfants les plaisirs de « l’école buissonnière ». La réglementation, légitimement à cheval sur la sécurité ou les déviances de pédophilie, ne permet plus les balades champêtres comme par le passé. Il faut un encadrement si rigoureux qu’il en devient désespérant.

L’instituteur qui proposait d’assister à la prodigieuse métamorphose des têtards ou le grand-père qui entraînait dans ses vagabondages bucoliques ses petits-enfants semble appartenir à un autre temps. Celui de l’étonnement, de la curiosité et du rêve qu’inspirait la découverte de la nature sur le terrain, les bottes dans la boue. « L’éducation est l’arme la plus puissante que l’on puisse utiliser pour sauver le monde  », disait Nelson Mandela.

Allain Bougrain-Dubourg

 

 

 

 

 

 

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Commenter cet article
D
Merci pour cet article et la citation de Mandela … si juste ! Pour la Nature, ses habitants, la tolérance, le respect <br /> l’Ecole va peut-être enfin éduquer à refuser les embrigadements . J’ai cru voir ici… une biche? Mais chez nous en ce 1er juillet et pour tout le mois, c’est une douce brebis ravie du câlin d’un séduisant humain qui s’est invitée dans notre petite salle, pour notre plus grand plaisir. Merci Jean-Louis !
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Z
Merveilleuse Hulotte! Que cette aventure et cette philosophie perdurent!
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B
Oui La Hulotte accompagne des générations d’enfants et d’adultes...<br /> J'y suis abonnée depuis de nombreuses années...
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J
La Hulotte continue de nous enchanter. Quelle belle aventure.
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