Vers une généralisation de l'ouverture estivale de la chasse ?

Publié le par Jean-Louis Schmitt

La chasse estivale est-elle en passe de devenir une règle générale ? Il y a quelques semaines, le naturaliste Pierre Rigaux alertait sur les projets d'ouverture anticipée de la majorité des départements français. Malgré la forte opposition exprimée lors de consultations publiques, les premiers avis rendus par les préfectures persistent et signent l'autorisation de chasse estivale du chevreuil, du renard et du sanglier notamment…

« Danger : Chasse en cours »… Photo : JLS (Cliquez pour agrandir)

« Danger : Chasse en cours »… Photo : JLS (Cliquez pour agrandir)

Pierre Rigaux est un naturaliste français connu pour son engagement contre la chasse, notamment auteur de « Pas de fusils dans la nature » l'an dernier, préfacé par Nicolas Hulot. Par un fastidieux travail de recherche sur les sites des préfectures, il listait en mai dernier les consultations publiques sur les périodes d'ouverture de la chasse pour la saison 2020-2021, appelant les citoyens à y répondre pour s'opposer à la chasse cet été. Selon le naturaliste, « la reprise de la chasse [est] prévue dès le mois de juin dans presque tous les départements français ».

Généralisation de projets d'ouverture anticipée de la chasse

Rappelons que la période de chasse ordinaire, dite d'«ouverture générale», s'étale de septembre à février-mars. Cela « suffit amplement » pour Pierre Rigaux, pour qui « il est aberrant d'autoriser la chasse en période de reproduction, qui plus est dans un contexte où la faune sera logiquement perturbée par le retour de la présence humaine dans la nature après la tranquillité du confinement ».

Si les modalités varient selon les départements, « cette chasse estivale prévue est le plus souvent une chasse individuelle (fusil ou arc) visant les chevreuils, les renards et les sangliers, parfois d'autres espèces (cerfs, daims, lapins...) ». Selon le code de l'Environnement, le tir des renards est autorisé par défaut lorsque le tir des chevreuils l'est en été. « Les battues reprennent généralement mi-août, sauf certains départements où elles sont autorisées dès le mois de juin ».

« La chasse en été n'est certes pas nouvelle mais il y a une augmentation des facilitations de cette chasse dite anticipée. » Pierre Rigaux

Ainsi, dans les départements des Alpes, les Alpes-de-Haute-Provence et les Hautes-Alpes comptaient autoriser la chasse au sanglier dès le premier juin (1er juillet pour le chevreuil et le renard dans les Hautes-Alpes). Dans les Alpes-Maritimes, l'autorisation de chasser chevreuils, renards et sangliers était prévue au mois de juin également, tandis que l'Isère parlait du 1er juillet pour ces trois mêmes espèces, avec le daim en plus.

Dans les Pyrénées-Atlantiques, les Hautes-Pyrénées, la Haute-Garonne et les Pyrénées-Orientales, la date du 1er juin était avancée pour le chevreuil, le renard et le sanglier, tandis qu'en Ariège, chasses au chevreuil et au renard étaient envisagées à compter du 1er juillet. Enfin, dans les Vosges, le 1er juin était évoqué pour le chevreuil, le renard, le daim, le mouflon, le cerf sika et le sanglier.

Y a-t-il une dérive progressive de l'ouverture estivale de la chasse ? Pour Pierre Rigaux, « la chasse en été n'est certes pas nouvelle mais il y a une augmentation des facilitations de cette chasse dite anticipée. Un projet de décret en début d'année allait même dans le sens de pouvoir ouvrir au niveau départemental la chasse anticipée des sangliers sans avoir besoin pour les préfets de délivrer une autorisation individuelle (qui est jusqu'alors requise pour les chasseurs). »

En 2019, la Haute-Savoie avait infléchi son arrêté

L'an dernier, une pétition avait rassemblé plus de 100 000 signatures contre l'ouverture de la chasse du 1er juin au 7 septembre en Haute-Savoie, avec la même invitation à participer à la consultation publique. La préfecture avait reçu plus de 10 000 messages, « la quasi-totalité de ces messages [étant] destinée à exprimer une opposition à la mise en place de ces arrêtés », selon la synthèse des observations publiée par le préfet.

En premier lieu, le document notait alors la « vive inquiétude liée à la sécurité des autres usagers de l'espace naturel ». En 2015, un traileur était décédé au Semnoz d'un tir de chasseur, condamné depuis à trois ans de prison, dont un ferme. À l'automne 2018, un vététiste était mort à Montriond. « On doit pouvoir aller se balader sans avoir peur de prendre une balle », nous avait à l'époque déclaré Marc Giraud, porte-parole de l'Association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS) alors que l'accident avait rouvert le débat entre chasseurs et pratiquants de la montagne.

L'été dernier, le préfet de la Haute-Savoie avait fini par prendre en compte les observations du public en interdisant le tir du renard, de même que les tirs dits « pédagogiques » du chevreuil. Quant aux sangliers, leur tir n'était alors rendu possible qu' « en cas de dégâts agricoles avérés et après décision des cellules de crise » incluant notamment le maire de la commune concernée, prenant ainsi en compte les fréquentations et usages du territoire.

« Clairement l'exercice de cette chasse est bien plus encadré que dans le projet d'arrêté initial, notamment en terme d'autorisation préalable, de préparation et d'information aux autorités, en particulier vers le maire » se réjouissait Nicolas Baillon, à l'origine de la pétition. « Cette victoire nous montre qu'il est possible d'agir ! »

Pas de changement de date dans les premières décisions rendues

Les consultations publiques sont désormais closes pour l'ensemble des départements de montagne. À ce jour, la Haute-Garonne, les Pyrénées-Atlantiques et les Alpes-Maritimes ont notamment rendu leur décision. En Haute-Garonne, 439 courriers avaient été adressés à la direction départementale des territoires (DDT), une majorité d'entre eux s'opposant au projet de chasse anticipée à partir du 1er juin ou à la pratique de la chasse sous toutes ses formes.

Dans le bilan publié en parallèle de l'arrêté préfectoral, on peut lire la réponse de la préfecture : « Il convient de rappeler que le projet d’arrêté proposé pour la Haute-Garonne, n’autorise que le tir à l’approche et affût à partir de cette date et que la chasse en battue, collective et utilisant des chiens, un peu plus dérangeante pour la faune sauvage et qui occasionne la majorité des accidents de chasse ne reprendra comme les années précédentes, qu’au premier août ». La préfecture ajoute : « À cette date, vu la température qui rend la chasse en battue éprouvante, les battues ne sont organisées que si nécessaire dans le but principal de prévenir des dégâts aux cultures en zone agricole ».

« La pratique [de la chasse, ndlr] est tout à fait compatible avec les autres usages du milieu naturel et n’a jamais posé de difficultés majeures dans le département. » La préfecture des Alpes-Maritimes

Dans les Alpes-Maritimes, l'arrêté publié le 28 mai stipule une date d'ouverture au 4 juin pour le chevreuil, le renard et le sanglier, avec des restrictions de pratique spécifiques aux trois espèces. La synthèse de la participation du public a recueilli 389 oppositions à la pratique de la chasse en général et à l'ouverture anticipée au 1er juin, contre 6 avis favorables. La préfecture indique que « des participants semblent découvrir la pratique de la chasse anticipée à partir du 1er juin. Les commentaires reprennent la notion de surprise, de possibilité nouvelle et soudaine d’ouvrir la chasse anticipée alors qu’elle est classiquement pratiquée depuis longtemps. »

Concernant la chasse au sanglier, « autorisée uniquement pour les détenteurs d’une autorisation préfectorale délivrée en cas de dégâts agricoles avérés », le préfet des Alpes-Maritimes rappelle qu'en 2019, « 3 autorisations individuelles ont été attribuées et 2 autorisations de chasse en battue », concluant que « la pratique [de la chasse, ndlr] est donc tout à fait compatible avec les autres usages du milieu naturel et n’a jamais posé de difficultés majeures dans le département ». Quant à la chasse au chevreuil, « elle se pratique très tôt le matin (5h30 – 7h00) et en fin de journée (à partir de 20h00 et avant le coucher du soleil) ».

Dans les Pyrénées-Atlantiques, l'ouverture anticipée de la chasse au sanglier dans le massif montagnard aux mêmes dates qu'avancées dans le projet initial est également justifiée par « la nécessité d'intervenir sur les populations de sangliers au moment des semis de maïs principalement et sur les prairies », la préfecture estimant les dégâts à plus 550 000 euros au printemps 2019 et rappelant que « les interventions doivent être justifiées par une problématique de dégâts. »

En Isère, 799 contributions ont été déposées, 402 d'entre elles s'opposant à la chasse d'été (1 seule pour), 100 autres contre la chasse de manière générale, 38 contre la chasse du renard. L'arrêté, lui, n'a pas encore été publié mais la décision est attendue le 12 juin de la DDT. En 2018, la chasse avait ouvert dès le premier juillet malgré l'opposition des associations de défense de l'environnement et les résultats de la consultation publique, là encore majoritairement défavorables.

Montagnes Magazine (02.06.2020)

 

 

 

 

 

 

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Publié dans Chasse, Environnement

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Commenter cet article
C
Encore matière à s'inquiéter ! Les préfets -tout comme les députés, les ministres etc- sont "aux ordres" et ce n'est tout simplement plus acceptable... Diffusons largement ces infos mais aussi nos cris de révolte !
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C
Je suis contre la chasse
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L
les chasseurs se disent que la France leur appartient ; tous ces massacres d'animaux innocents , c'est révoltant
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F
Je retiens que dans les Alpes-Maritimes la pratique de la chasse est tout à fait compatible avec les autres usages du milieu naturel. Ben voyons... Pourquoi s'inquiéter ?! C'est triste à pleurer...
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P
Pauvre monde....
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Z
Ces consultations publiques sont vraiment une grande mascarade! Pauvres animaux jamais tranquilles ! Cela me déchire le cœur!
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K
Rien ne s'arrange !
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D
Priorité quand même aux promeneurs et naturalistes sans fusil
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