Monsieur le Président, quittez le vieux monde de la chasse et du sang !

Publié le par Jean-Louis Schmitt

J’ai soutenu, en réunion publique comme sur les réseaux sociaux, l’aventure politique d’Emmanuel Macron. Je pensais qu’il était le seul capable de nous éviter le fatal combat des populistes, Le Pen contre Mélenchon. Je me sentais heureux qu’enfin un candidat se proclame européen avec ferveur et le sourire, sans cette moue de dégoût que je voyais sur la figure de tous les autres.

Photo : Thierry Prat/Getty

Un an et demi plus tard, Emmanuel Macron a lancé quelques bons chantiers pour débloquer la France, lui secouer les rhumatismes et l’inviter à marcher. Sa gestion des affaires internationales est plutôt réussie – et chacun sait que, dans ce domaine, rien n’est simple.

Malgré la bonne décision prise à Notre-Dame des Landes, il est, hélas, un domaine où le chef de l’État me consterne : celui de la vie sauvage et de la biodiversité, dont il agite le mot sans le comprendre. Je suis désolé de devoir écrire qu’il ne connaît rien à la nature, ce qui se conçoit, mais qu’il s’en moque, ce qui est grave. Il semble n’éprouver ni compassion pour les animaux et les plantes, ni respect pour ces systèmes écologiques complexes dont dépendent notre air, notre eau et notre terre, notre nourriture, nos espaces de loisir ou nos plaisirs de vivre.

Emmanuel Macron reçoit en pompe élyséenne le patron de la Fédération Nationale des Chasseurs (la FNC), Willy Schraen. Celui-ci affirme à qui veut l’entendre que, depuis le début, le Président lui a tout cédé. Info ou intox ? Il y a évidemment une part de vérité dans les propos du conducator des pétoires. Je redoute que, lors de ces entrevues, Emmanuel Macron n’ait que trop manifesté à quel point il préfère les flingueurs aux amis des bêtes. J’ai peur que le Président ne soit entré dans le jeu pervers des semeurs de cartouches, qui voudraient imposer l’idée selon laquelle ils incarnent les meilleurs (les seuls !) protecteurs de la nature. Non, monsieur le Président : les chasseurs ne jouent pas un rôle écologique utile : ce ne sont que des préleveurs de gibier, le plus souvent viandards, parfois braconniers. Non, monsieur le Président : les tireurs de petits plombs, de chevrotines ou de balles grosses comme le doigt ne savent pas grand-chose des êtres sur lesquels ils braquent leur canon, et dont ils se prétendent abusivement les « gestionnaires » !

Sur ce coup-là, Emmanuel Macron me devient une énigme. Je me demande comment un bel esprit comme le sien, pétri de philosophie et de littérature, connaissant quand même un peu de science, capable de saisir la finesse et les nécessités de la vie sous toutes ses formes, peut cautionner la boucherie chasseresse, et notamment l’ignominie moyenâgeuse que constitue la chasse à courre – avec ses costumes de carnaval ensanglanté et ses cors qui sonnent l’hallali du cerf ou du renard épuisés… La Grande-Bretagne, l’Allemagne et d’autres pays ont interdit cette sinistre pratique qui occupe, chez nous, quatre cents équipages et dix mille participants. J’attends que la France suive l’exemple. Emmanuel Macron aurait confié à Willy Schraen qu’il était « solidaire et défendait toutes les valeurs de la chasse française », ou encore qu’il désirait « soutenir la globalité de ce qui se passe au niveau de la ruralité en matière de chasse et la chasse à courre en fait partie ». Je déplore la myopie de cet homme jeune et moderne, qui se fiche du martyre infligé à des êtres de chair et de sang, au seul prétexte qu’il existe une tradition de sadisme chez des tueurs qui sont aussi des électeurs ! J’espère que le Président comprendra au moins qu’en changeant de chemin, il gagnerait beaucoup plus d’électeurs chez les amis de la vie qu’il n’en perdrait chez les obsédés de la mort.

Emmanuel Macron paraît tellement faible devant les acteurs de la chasse ! Je veux juste lui rappeler que, pour devenir le Président empathique, jeune et inédit qu’il rêve d’incarner, il doit se souvenir que les manieurs de fusil sont aujourd’hui, en France, à peine plus d’un million, et que leurs effectifs ne cessent de décliner. Pourquoi, dès lors, leur offrir des crédits nationaux grâce auxquels ils peuvent abaisser le prix du permis de chasse de 400 à 200 euros ? Pourquoi tolérer que ces individus aillent dans les écoles propager le virus de la souffrance et de la mort jusque dans le crâne de nos petits ? Pourquoi permettre aux tueurs à cartouchière d’adapter un silencieux sur leur arme, sachant que, s’ils abattent chaque année plus de 30 millions d’animaux, les chasseurs causent aussi plusieurs dizaines de morts humaines et des centaines de blessés, sans oublier d’autres victimes chez les ânes, les vaches ou les chiens ? Pourquoi cautionner la survie des piégeages dits « traditionnels » aux petits oiseaux (tenderie, gluau…), qui ne sont que barbaries ? Pourquoi désirer rétablir les « chasses présidentielles » à Chambord – ces massacres de cerfs ou de sangliers aux seules fins de la diplomatie ? Pourquoi concéder au patron des chasseurs de France le fait que l’État accroîtra les périodes de chasse au gibier d’eau, et notamment (contre le vœu du Parlement européen) la traque aux oies sauvages ? Les superbes oies sauvages, monsieur le Président ! Celles-ci seraient tirées en pleine période de constitution des couples reproducteurs… Souvenez-vous de vos lectures d’enfant, du "Merveilleux voyage de Nils Holgersson" sur le dos d’un jars… Ne préférez-vous pas ce rêve d’harmonie au fracas des fusils ?

Il est une autre façon de vous racheter aux yeux de la nature et des naturalistes, monsieur le Président. Elle consiste à montrer que vous vous occupez de la biodiversité au point de favoriser la survie de nos plus grands prédateurs. Aidez les associations de protection de la nature à conserver ces merveilles de l’évolution qu’on appelle le lynx, le loup ou l’ours brun ; dans nos DOM-TOM, le requin-tigre ou le requin-bouledogue ; sans oublier le renard, le chacal doré et tous les autres de moindre taille… Dites « non » au massacre organisé de ces carnivores nécessaires ! Abaissez (supprimez !) les insupportables quotas d’extermination des loups que vous avez cautionnés ! Faites réintroduire d’autres ours dans les Pyrénées, afin de constituer dans ces montagnes une population de plantigrades suffisante pour y garantir la survie de l’espèce. Un trésor de la vie. Et un bonheur pour nos ruraux, nos randonneurs, nos naturalistes, nos artistes, nos cinéastes, nos poètes – et nos enfants jusqu’à plus de cent ans !

 

Yves Paccalet (5 février 2019)
Philosophe, écrivain, naturaliste

 

 

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" Un pays qui n'ose pas interdire la chasse à courre, les combats de coqs ou les courses de taureaux a-t-il le droit de se prétendre civilisé ? On peut en douter." Théodore Monod

 

 

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C
Excellent. Comment peut-on continuer à tolérer ce plaisir sadique, morbide de la chasse-plaisir ?
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P
Il est grand temps que ces amoureux de la torture (car qu'est ce qu'un animal blessé et non tué,sinon de la torture?) aient encore le droit de sévir au cours de ce siècle que l'on est en droit de penser humain, dans un état soucieux de la préservation des "droits de l'homme" et qui a été cité en exemple au temps des "siècles de lumière". Il semble qu'une minorité -pourtant électrice- soit en mesure de dicter ses avantages-de massacre- à une majorité autrement soucieuse de conserver à la vie animale ses capacités de vivre tranquillement sans être obsédé par la peur de se voir massacrer pour le plaisir de quelques attardés pour qui "réaliser un tableau " de mort est important.
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L
Je ne pense pas qu'il faille attendre grand chose malheureusement de ce gouvernement là. <br /> Cela m'attriste profondément...
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Z
Il n'y a rien à attendre pour la protection animale de la part ce gouvernement inféodé aux semeurs de morts et aux ramasseurs de profits . Je voterai pour le parti animaliste , afin que la question animale émerge sur le devant de la scène politique . Ce parti doit grandir et je me sens le devoir de participer à sa campagne.
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D
J'adore l'humour de Pierre.....un régal
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O
Merci Dominique. En fait Macron n'a pas vraiment de pouvoir de décision, il fait là où on lui dit de faire, mon chat est plus rebelle. Ces gens sont des illusions, des hologrammes mais avec néanmoins un pouvoir de nuisance certain. Une marionnette je ne sais pas. Fin, lettré probablement. un tantinet arrogant sans doute, je ne peux que lui recommander de nombreuses visites la galerie de l'évolution et de paléontologie. Ce sera ma prescription du dimanche;
J
Voilà le petit message que j'ai adressé à Yves Paccalet suite à sa chronique :<br /> Cher Yves,<br /> Votre soutien à Macron fut, pour moi, une réelle énigme ! Comment un esprit aussi éclairé que le vôtre a-t-il seulement pu se laisser endormir par ces sirènes du capitalisme, de la finance et des lobbys ? Vous reconnaissez aujourd’hui vous être fait duper et je vous sais gré de l’écrire ici, sans ambages : je retrouve enfin Yves Paccalet que j’ai, par ailleurs, admiré ! Merci donc d’avoir fait cette mise au point qui vous ramène vers le monde de ceux qui ne partagent pas ces idées morbides où l’on ‘’protège’’ avec une carabine… E. Macron se fiche royalement de la biodiversité, de l’environnement en général et, j’ose le dire : du vivant en particulier ! Le savoir et le comprendre ne changera hélas rien à l’affaire mais, au moins sommes-nous fixés sur le véritable personnage qu’incarne le Président de la République ! Bien cordialement à vous…
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D
Je ne suis pas sûre que Mélenchon soit ou ait été populiste; certes il s'est déconsidéré récemment avec ses réactions surdimensionnées, mais il reste son programme qui est celui que tous les Français pas milliardaires attendaient , avec notamment des projets précis pour la transition écologique, la fin des élevages industriels , pour une redistribution bien plus juste de l'argent des richesses produites par les travailleurs...etc; je n'appelle pas cela du populisme mais la volonté de respecter le peuple et l'emmener vers un avenir meilleur; il avait été classé premier au vu de ses volontés et propositions cause animale par L214 dans son enquête sur les 11 candidats de départ et on pouvait voir la place de Macron...nous étions prévenus!<br /> Il aurait peut-être échoué mais je n'ai jamais supporté qu'on le rapproche de Marine Le Pen, les 2 extrêmes ne se touchent pas contrairement à ce que disaient alors les vedettes des médias, tellement inquiètes que l'on mette en péril le cercle des privilégiés auquel elles appartiennent, la ploutocratie qui se prétend démocratie !<br /> Macron est le pire que nous pouvions avoir pour la cause animale qu'il aggrave....oui il est une énigme !<br /> Bien sûr je suis en empathie totale avec cet article, mais je peux dire que la cause animale est mal partie. J'ai voulu participer ( sans grandes illusions mais parler au nom des animaux, était une opportunité que j'ai voulu saisir) au débat citoyen organisé dans ma ville; bien que cela ne soit pas à l'ordre du jour fixé en haut lieu , on a accepté de me donner la parole, mais dans le public, dont je rejoignais pourtant toutes les remarques ô combien, mais il m'avait fallu choisir un sujet tant j'aurais eu à dire, j'ai senti passer l'amusement, puis ça a été carrément l'impossibilité de m'exprimer; j'envoie à Jean-Louis le compte-rendu que j'ai essayé de rendre drôle Et si nous ne pouvons avoir confiance dans aucun parti et aucun politicard, Mélenchon compris, il y a maintenant pour nous éviter de voter blanc le Parti Animaliste dont les propositions sont très pointues .<br /> Que Jean-Louis me pardonne d'avoir frisé ici la tribune politique; je lui adresse personnellement mon topo qui portait les chiffres montrant point par point (chasse, corrida, élevages, expérimentation etc etc) la volonté des Français très souvent au-dessus des 70 %, mais je ne me décourage pas et les ai postés sur le site du grand débat, bien consciente que Macron l'a organisé pour se refaire une santé mais si par ci par là les propositions pour les animaux entraient dans des oreilles compatissantes ayant un petit pouvoir...
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J
Merci Dominique : cette tribune -au contraire d'autres...- est largement ouverte à ceux qui souhaitent s'exprimer sur la condition animale et l'environnement en général ! Le débat prend parfois des tournures tout à fait inattendues et, grâce notamment à certains trublions, dévie des fois considérablement du thème initial... On leur pardonne évidemment volontiers leur outrecuidance qui, en l’occurrence, n’est nullement méchante mais vise simplement à dédramatiser le sujet… enfin, c’est ce que je pense ! Pour en revenir à ton commentaire, chère Dominique, connaissant ton engagement, je ne suis nullement surpris de ton intervention ou, du moins, de ta tentative d’intervention visant à remettre l’animal –et sa condition- également au centre du débat ! On a tendance à l’oublier –ou à l’occulter sciemment- mais, tant que subsistera toute cette violence exercée sur les animaux en général, notre société ne pourra pas évoluer ! Merci dons à toi pour ce message qui rejoint naturellement le mien, pleinement !
M
Je suis complètement d'accord avec Domi.<br /> Comme ce serait formidable ! <br /> Et pourquoi pas ?
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D
s'il s'abonne à ton blog ce sera partie gagnée
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D
j'ai bien une idée Jean-Louis, il faut convaincre le président, et tu es à même de le faire : tu l'invites dans ton domaine, tu lui fais respirer ton jardin, tu l'emmènes faire des photos de tes chevreuils : ce sera son Chemin de Damas ; Giscard allait bien manger chez les Français
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J
Cher Domi, je n’ai pas le poids –et c’est véritablement le cas de le dire pour qui connaît les intéressés !- d’un Schraen assisté de son Coste de toutou lobbyiste et, pour tout dire, même que n’ayant aucune sorte d’influence, je préfère ma place à la leur : ces gens-là ont peut-être, sans doute même, un pouvoir considérable mais, il leur manque toutefois certaines notions indispensables pour faire d’eux des humains enfin respectables et dignes : le respect du vivant et l’empathie à l’égard de ces êtres que eux souhaitent plus que tout maintenus à l’état d’êtres éminemment ‘’inférieurs’’… Verser une larme sincère de compassion à l’égard de ces bêtes maltraitées, massacrées… ne risque pas en effet de leur arriver, à ces brutes qui, au contraire semblent jouir de cette mort qu’ils donnent et qui fait d’eux des quasis Dieux… enfin, à leurs yeux car, pour moi, ce ne sont et restent que de méprisables individus !
O
J'avais oublié, Benalla ne sera pas là vraisemblablement, il est pris ailleurs semble t'il.
O
C'est entendu je tiens à être invité. Nous mangerons des tartes bios sans gluten, nous musarderons sous la treille, nous jouerons de l'accordéon, nous convaincrons l'imposteur à force d' arguments imparables. Aux abords du village volèterons des nuées de gardes du corps et de CRS qui entameront l'hymne à la joie dans la douceur du couchant (ce sera au mois de mai), avant de repartir pour la capitale. Le lendemain notre jeune président métamorphosé, auréolé d'une gloire nouvelle (sondages à 78% d'opinions favorables), le front ceint de rameaux d'olivier et de bardane prendra enfin les mesures qui s'imposent, une foule de décrets et lois favorables à l'écologie, à la planète, au climat, la faune, la flore, aux ours bruns et blancs, aux coquelicots etc. Hallelujah.