Justice climatique : l'Affaire du siècle passe au stade contentieux
Les quatre associations, qui ont engagé une action contre l'Etat pour carence dans sa lutte contre le changement climatique, passent à la phase contentieuse. Elles jugent non satisfaisante la réponse du gouvernement à leur demande préalable.
Depuis en haut à gauche: Melbourne, Helsinki, Berlin, Jakarta, Bogota, Amsterdam.
"L'Affaire du siècle se réglera devant les tribunaux", annoncent ce jeudi 14 février les quatre associations qui ont lancé, en décembre, une action contre l'Etat français pour carence fautive dans sa politique climatique. Fortes du soutien de plus de deux millions de personnes, les représentants de la Fondation pour la nature et l'homme, Greenpeace, Oxfam et Notre Affaire à tous ont été reçus par Edouard Philippe.
Mais les ONG sont restées sur leur faim après la rencontre avec le Premier ministre. Elles annoncent par conséquent le dépôt d'un recours contentieux devant le Tribunal administratif de Paris. Le chef du gouvernement avait jusqu'au 18 févier pour apporter une réponse à la demande préalable des associations. "Nous attendons des mesures globales, or, aujourd'hui, nous n'avons pas la moindre proposition", déplore Noélie Coudurier, responsable de campagne climat chez Oxfam France.
Matignon récuse l'accusation
"Le Gouvernement répondra dans les délais impartis à la demande préalable formulée par les quatre associations", indique Matignon dans un communiqué publié quelques heures après la réunion et par lequel il récuse l'accusation d'"inaction climatique". Edouard Philippe met en avant les mesures prises pour lutter contre le dérèglement climatique : arrêt des centrales à charbon, accélération du développement des énergies renouvelables, objectif de neutralité carbone en 2050, plan de sortie des chaudières au fioul... Et invite les signataires de la pétition à s'investir dans le Grand débat pour en faire sortir les mesures supplémentaires qui s'imposeraient. Conformément aux annonces du chef du gouvernement, le ministre de la Transition écologique a publié, vendredi 15 février au matin, un document de dix pages présentant l'action de l'Etat français en faveur du climat.
"L'État français ne tient pas les objectifs qu'il s'est lui-même fixés sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre de la France, le développement des énergies renouvelables ou l'amélioration de l'efficacité énergétique", déplorent de leur côté les ONG. Les solutions sont pourtant connues, rappellent-elles : adopter une fiscalité socialement juste au service de la lutte contre les changements climatiques, mettre en place un service public de la rénovation des logements, donner la possibilité à tous de se déplacer sans polluer et de se nourrir de manière saine et durable. "L'intérêt général doit enfin primer sur les cadeaux aux grandes entreprises", ajoutent les associations.
"Saisine d'un genre nouveau"
Le recours tiendra compte de la réponse écrite annoncée par le Premier ministre, tiennent toutefois à préciser les ONG. "Nous ne souhaitons pas fermer la porte", explique Noélie Coudurier. Mais en tout état de cause, la balle va passer dans le camp de la justice administrative qui va devoir se prononcer sur cette "saisine d'un genre nouveau", selon les mots de la responsable associative. Des recours auxquels les tribunaux sont pourtant de plus en plus confrontés compte tenu de la multiplication des contentieux climatiques inspirés par des succès judiciaires comme l’emblématique procès Urgenda contre le gouvernement des Pays-Bas. Début février, la commune de Grande-Synthe, défendue par Corinne Lepage, est aussi passée à la phase contentieuse. L'ancienne ministre de l'Environnement a déposé un recours devant le Conseil d'État après l'absence de réponse de l'exécutif au recours gracieux adressé en novembre.
Mais pour certains, ces recours, et en particulier l'Affaire du siècle, ont surtout une portée politique. "A supposer que le recours soit déclaré recevable, il ne sera sans doute pas définitivement jugé avant plusieurs années. Or, nous n'avons pas le temps d'attendre", pointe l'avocat Arnaud Gossement dans une chronique destinée à lever les malentendus liés à une telle démarche. "S'agissant du changement climatique, la question est moins juridique que politique. Elle est moins celle de la responsabilité de l'appareil administratif que celle, plurielle et plus complexe, des politiques et de l'ensemble des acteurs économiques et corps intermédiaires", estime le spécialiste du droit de l'environnement.
Laurent Radisson, journaliste (15/02/2019)
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