Les herbes folles

Publié le par Jean-Louis Schmitt

Photo : JLS

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Elle se dresse parfaitement droite, son corps vacille à peine sous cette brise printanière, ses multiples petits bras se détachent de cet axe en étages plats, ils forment des rosettes, chaque petit bras séparé de son semblable à angle égal porte des épillets contentant les graines devenues rose, violette, légèrement pourpre...

Quelle belle symétrie, quelle harmonie, quel sourire au contemplateur attiré par la douceur des couleurs, la gracilité, la beauté simple, pure que l'on peut retrouver sur le visage de certaines femmes si discrètes, si aériennes aux regards qui brillent, qui pétillent, aux traits dessinés avec la même parfaite symétrie, bouche en amande qui attend le baiser du bien-aimé comme la fin d'un épillet qui laissera bientôt tomber son fruit, de ces femmes qui paraissent si fragiles, restent droites face aux éléments de la nature, de la vie, ces femmes mystérieuses tout comme le nom de cette agrostide fine.

Le balancement de leurs tiges courbées vers la terre entraîne doucement nos corps au rythme donné à cette heure -ci par Dame Nature, le poids de leurs épillets en cette fin de printemps rajoute lenteur, pesanteur, prêts à nourrir le sol gonflés de vie ils s'affaissent comme les seins de ces femmes qui ont donné vie, espoir, qui ont accueilli la tête du cavalier fatigué après l'effort, femmes généreuses pour leurs enfants, pour leurs amants, femmes portées par cette brise qui balance toutes ces herbes folles, comme le souffle du vent qu'elles sentent à chaque pas sous leurs longues jupes, comme une caresse sur leurs cuisses, un effleurement sur leurs jambes, un coup de fouet sur leurs chevilles afin qu'elles continuent leur marche vers… leur marche à la recherche d'un peu de tendresse, d'amour.

Amant intrigué par cette sensualité, ou amant ignorant tout de cette sensualité, de la brachypode des bois, préférant la sétaire dressant droit son corps reproducteur, le montrant de façon arrogante afin de se faire une place parmi toutes ces herbes folles qui se bercent tout au long de la journée de la façon la plus nonchalante. Herbe droite bien seule parmi tant d'autres, droite comme le corps de certains hommes cherchant un point G à stimuler à satisfaire plus qu'à l'envi, à se satisfaire jusqu'à l'épuisement des corps, des plaisirs, des désirs, des liens de vie commune, d'harmonie à deux, à plusieurs.

Sétaire tu me parais bien seul dans ces champs, ces champs de sensualité, ces champs qui seront peu à peu anéantis par vos compagnes délaissant toute vraie féminité pour s'adonner aux modes artificielles, voyantes, provocantes chassant tout imaginaire de vos têtes alors si rapidement satisfaites, pour un temps bien court...

Hélène Sens-Felder (Asswiller le 11 juin 2016)

Photos : Jean-Louis SchmittPhotos : Jean-Louis Schmitt
Photos : Jean-Louis Schmitt

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Publié dans Humeur

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