Quand l’arbre ne cache plus la forêt

Publié le par Jean-Louis Schmitt

Dernier né des parcs nationaux, celui des forêts n'a pas généré l'enthousiasme lors de sa création en décembre 2019. Trois ans plus tard, les perspectives de préservation se dessinent, tandis que la cathédrale verte s'offre aux visiteurs. Le site se révèle plein de promesses. Balade dans ses sous-bois…

Je dois confesser mon a priori. Un parc national de forêts qui se satisfait de chasse à courre, de coupes de bois et autres traques à la bécasse ne me paraissait guère conforme à l’éthique. Même si le Parc National des Cévennes, lui aussi habité et tolérant de multiples activités, nous avait préparés au paradoxe. Trois ans après sa création, le constat est beaucoup moins brutal. D’abord parce que le Parc national, à cheval entre la Bourgogne (Côte d’Or) et la Champagne (Haute-Marne), a connu un accouchement douloureux. « Ça n’a pas été facile. Il a fallu une dizaine d’années pour obtenir des consensus sur la charte du Parc national, les territoires concernés et les activités », reconnaît Philippe Puydarrieux, directeur du Parc national, qui croit cependant ferme en l’avenir. « Le défi consiste à maintenir des activités qui peuvent paraître préjudiciables à la nature et en même temps mettre en place des dispositions de protection fortes de la biodiversité ».

Toujours un « en même temps » qui sème le doute… Pour nous rassurer, les premières années d’existence témoignent d’une réelle bonne volonté. Le Cœur du Parc national de forêts s’étend sur 566 km2 pour une couverture à 95 % forestière. Singularité, le site compte la plus importante diversité d’essences d’arbres par hectare en France, jusqu’à une quinzaine, le hêtre étant le plus répandu.

Les forestiers ont recensé l’intimité de cette cathédrale verte; ils annoncent 50 millions darbres! Le parfum des essences invite à prendre de la hauteur. Il est possible de pratiquer la grimpe darbre en arbre à laide de cordes et de harnais, encadré par des professionnels de la Maison de la Forêt, à Leuglay, dès l’âge de 7 ans. Se prendre pour Tarzan conduit parfois à revisiter l’histoire.

Des cigognes balisées

Lors des balades au sommet, des guides ne manquent pas de rappeler que 80 % des forêts actuelles du Parc national étaient déjà présentes à l’époque de la Révolution Française. De là-haut, le regard se pose aussi au plus près du sol. « L’essentiel de la richesse faunistique de nos forêts se cache dans le sol, les feuilles et le bois, avec ses invertébrés », rappelle volontiers Philippe Puydarrieux. La jungle est effectivement à nos pieds avec les insectes « saproxyliques », qui se nourrissent du bois, tandis que des papillons, parfois reliques comme la Matrone ou le Damier du frêne, trouvent encore ici refuge. Hommage également aux inévitables escargots de Bourgogne dont la famille compte plus d’une cinquantaine d’espèces abritées par la forêt. Certains sont également considérés comme rarissimes, tel le cochlostone bourguignon (un petit escargot que l’on ne retrouve nulle part ailleurs au monde).

Au-delà de cette biodiversité qui accueille évidemment des sangliers, des cerfs et des chevreuils et le puissant chat forestier, la cigogne noire s’impose comme l’espèce emblématique du Parc national de forêts. Craintive, sensible au dérangement, elle peut quitter son nid à la moindre alerte. Il convenait d’en savoir plus pour assurer la meilleure protection. C’est pourquoi quatre de ces échassiers nicheurs au Parc national ont été équipés de balises GPS pour les suivre jusque dans leur hivernage en Afrique de l’ouest.

Divona, la plus ancienne, est en fait un mâle âgé de 13 ans. Équipé alors qu’il n’était que poussin, il a été suivi durant cette longue période jusqu’au bord du fleuve Sénégal. À ce jour, il est père d’au moins une cinquantaine de cigogneaux. Et chaque année, il niche à moins de 7 km de l’arbre qui l’a vu naître. Vient ensuite Sylvana, équipée en 2021. « Elle a probablement connu une belle histoire avec Divona mais le couple ne s’est pas reconstitué en 2022 », constatent les ornithologues. Rien n’interdit qu’il se recompose dans les années à venir.

Une truffe protégée

Elfik fait également partie des oiseaux suivis à la trace. C’est la première cigogne noire à avoir rejoint le Parc national depuis l’Afrique le 26 mars dernier. Un mot enfin pour ne pas oublier Toutatis. Âgé d’environ 7 ans, il se reproduisait sur le territoire forestier depuis au moins 2019. Sa dépouille a été retrouvée dans le sud-ouest de la France, une enquête est en cours pour déterminer les causes de son décès.

Changement de décor avec les incontournables marais tufeux du plateau de Langres, typiques du Parc national de forêts et présents en grand nombre (+ de 100). Les étranges cascades formées par un empilement de vasques sont composées de roches poreuses, légères, souvent friables, formées de dépôts calcaires. « Sous-sol moins dur que la pierre mais dans lequel la charrue ne peut pénétrer », résume le Larousse encyclopédique. Quoi qu’il en soit, le tuf qui tremble sous les pas du promeneur fut exploité au titre de carrière ou pâturé jusqu’au début du XXème siècle tandis que l’eau y circulait langoureusement. Rien d’étonnant à ce qu’une flore admirable y ait pris racine, tel le rare choin ferrugineux, la swertie pérenne ou les linaigrettes. Sans oublier la ligulaire de Sibérie, classée vulnérable dans la liste rouge.

Un petit peuple insolite ne manque pas de profiter de l’humidité avec notamment l’aimable batracien sonneur à ventre jaune ou la rare écrevisse à pattes blanches. Au hasard des sentiers, la truffe de Bourgogne mérite d’être citée. Moins célèbre que la noire du Périgord, elle est produite dans des truffiers dont les racines des arbres ont été « ensemencées » avec le précieux champignon. Une occasion de rappeler que, dans ce Parc national, qui prêche un avenir durable, la cueillette en tous genres est rigoureusement réglementée.

Allain Bougrain-Dubourg

 

 

 

 

 

 

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B
Merci pour ce beau partage, Jean-Louis<br /> Bon jeudi
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