En Brenne, l’eau c’est la vie

Publié le par Jean-Louis Schmitt

Des prairies et des landes, des boisements et des bruyères et surtout des étangs à perte de vue. Le paysage est planté. Unique, singulière, parfois mystérieuse, la Brenne, au cœur de l'Indre, s’offre à la curiosité. La diversité des milieux naturels favorise l'explosion de la vie sauvage. Bienvenue dans le Parc Naturel Régional de Brenne, l'un des plus remarquables de France.

En Brenne, l’eau c’est la vie

Surnommée le « pays des 1 000 étangs », la Brenne en compte en réalité plus de 3 300, auxquels on peut ajouter quelque 1 600 mares et 450 bassins ou plans d’eau divers. C’est dire que le Parc Naturel Régional cohabite avec les délices… ou les tourments de l’eau. De Henry de Monfreid à Jean Rostand, en passant par Antoine de Saint-Exupéry, George Sand ou Émile Zola, ils furent nombreux les intellectuels à avoir laissé vagabonder leur admiration autant que leur inspiration dans cet univers de 1 766 km2.

Ici, plus que nulle part ailleurs, c’est l’Homme qui a dessiné la nature sauvage d’aujourd’hui. Faute de profiter de terres suffisamment nourricières, les moines du 7e siècle, décident d’engager des travaux titanesques pour aménager des bassins destinés à la pisciculture. Pari réussi. Aujourd’hui, plus de 300 propriétaires récupèrent environ 800 tonnes de poissons, chaque année : 60 % d’entre eux sont des carpes, tandis que les brochets, les tanches et autres gardons composent les 40 % restants. « La Brenne c’est la deuxième région piscicole de France », se réjouit Joël Deloche, président du Syndicat des Exploitants Piscicoles. Lors des pêches, les poissons ne finissent pas immédiatement à la casserole. Triés, pesés, répartis par espèces dans des bacs oxygénés, 75 %  d’entre eux rejoignent des rivières ou des étangs privés spécialement pour le repeuplement. Ce savoir-faire ancestral a conduit la pisciculture de Brenne à figurer au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO en 2021.

Admirer le ciel

La Brenne reste évidemment le territoire du peuple du ciel. Ici les oiseaux, chacun selon ses mœurs, semblent trouver le bonheur. Parmi les stars du lieu figurent les grues cendrées. Venues de Scandinavie, elles font escale dès l’automne en nombre sans cesse croissant, 40 000 seulement il y a quelques décennies, près de 400 000 aujourd’hui. Ces grands échassiers dépassant les 1m15 sont devenus une attraction qui s’ajoute au spectacle offert par les 380 espèces d’oiseaux fréquentant la Brenne. Le pygargue à queue blanche, prestigieux rapace pouvant atteindre 2m40 d’envergure, a exploré les lieux en 2011. D’autres fréquenteront le territoire durant les années suivantes. Pour autant, l’espèce n’a pas encore fait de la Brenne une nurserie potentielle mais les ornithologues ne désespèrent pas qu’avec le temps, le pygargue devienne un familier des lieux.

En attendant, la terre sauvage de Brenne attire une multitude de photographes et cinéastes animaliers. Jean-François Helio, Nicolas Van Ingen, Robert Ansel, Laurent Charbonnier ou Patrick Luneau figurent parmi les incontournables mais d’autres, moins célèbres, tentent aussi de saisir les coulisses de la vie sauvage.

Dans ces étangs pleins de promesses, le spectacle est constant. Une quinzaine d’observatoires en bois ont été aménagés afin d’observer la faune sans la déranger. Ils sont accessibles 24h sur 24h et 7 jours sur 7. La Maison du Parc indique leurs emplacements précis.

Chaque saison offre sa singularité. D’avril à juin, les parades nuptiales déchaînent les plans d’eau. Les guifettes moustac, sosies des sternes pierregarin, se chamaillent pour un îlot flottant. La tête noire et les flancs flamboyants du grèbe à cou noir animent le paysage, les foulques macroule s’investissent dans la construction d’un nid imposant, partout la vie explose. Côté rapace, la bondrée apivore qui se rassasie de guêpes, de bourdons et de leur couvain, ou le circaète Jean-le-Blanc, amateur de serpents, occupent également l’espace. En automne, des dizaines de milliers de petits échassiers limicoles fuient les vagues de froid en faisant escale en Brenne. Même l’hiver est aussi accueillant, notamment pour les passereaux.

Cistude d’Europe, tortue de Brenne  (Emys orbicularis). Photo : Jean-Louis Schmitt (Cliquez pour agrandir)

Et regarder où l’on marche

De tous les animaux qui fréquentent le Parc Naturel Régional, l’un d’entre eux mérite une mention particulière, c’est la tortue cistude devenue, du reste, l’emblème des lieux. Après s’être enfouie dans la vase durant l’hiver, les premiers rayons du soleil printanier l’invitent à se réchauffer. Le site de « l’observatoire cistude » permet de découvrir certains rassemblements. Ils constituent les derniers bastions avec quelques milliers d ‘individus recensés dans le parc alors que l’espèce n’a cessé de décliner partout en France depuis deux décennies. Gilles Dézécot, chargé de mission à Indre Nature, évalue les risques : « La tortue est prisonnière dans un espace restreint. À terme, ce sera un véritable problème génétique pour la survie de l’espèce ». Les territoires de pontes, des zones sablonneuses ensoleillées, s’estompent aussi face à la progression de la forêt, sans parler du réchauffement climatique. Même la circulation peut être préjudiciable. Déplorant le nombre de tortues écrasées, le Parc a installé des panneaux routiers invitant à la vigilance.

Dans l’Indre, le Parc de la Haute-Touche, établissement du Muséum National d’Histoire Naturelle a mis en place un programme d’élevage. La nurserie produit plus d’une centaine de bébés par an. Un Plan National d’Action (PNA), initié par le ministère de la Transition écologique, a été engagé pour 10 ans (jusqu’à 2029) pour tenter de sauver la petite tortue ne dépassant guère la vingtaine de centimètres.

De la protection des espaces favorables à la réduction des espèces exotiques concurrentes, en passant par des projets de réintroduction, tout semble mis en œuvre pour réussir. La société Herpétologique de France, qui s’investit dans cette opération de la dernière chance, conserve espoir en avertissant « si vous voyez une tortue, surtout ne la ramassez pas. C’est interdit. Et elle sera beaucoup mieux dans la nature que chez vous ». Avis aux amateurs!

Allain Bougrain-Dubourg

 

 

 

 

 

 

Si vous avez apprécié cette publication,

partagez-là avec vos amis et connaissances !

Si vous souhaitez être informé dès la parution d’un nouvel article,

Abonnez-vous !

C’est simple et, naturellement, gratuit !

 

 

 

 

 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
S
Magnifique région apparemment ! Notre pays est si beau.. Et j'ai appris que le pygargue résidait dans cet endroit .. Bon dimanche à vous deux Jean Louis.. Bises
Répondre
M
Une très belle région et un paradis pour les ornithos.
Répondre
B
Oui superbe article...
Répondre
Z
Superbe article ! Superbe endroit! I have a dream...<br /> Bonne journée Jean-Louis!
Répondre