Espèces « nuisibles » : laissons vivre les présumés coupables !

Publié le par Jean-Louis Schmitt

Qualifiés autrefois de nuisibles, on les a pudiquement rebaptisés « ESOD », comprendre « espèces susceptibles d'occasionner des dégâts ». Le nom ne change rien à l’affaire, ces présumés coupables doivent disparaître…

Mise à part en Essonne, le Renard roux est toujours considéré comme ‘’espèce susceptible d'occasionner des dégâts’’ sur le reste du territoire français… Photo : Jean-Louis Schmitt (Cliquez pour agrandir)

Mise à part en Essonne, le Renard roux est toujours considéré comme ‘’espèce susceptible d'occasionner des dégâts’’ sur le reste du territoire français… Photo : Jean-Louis Schmitt (Cliquez pour agrandir)

En France, le Code de l’Environnement prévoit que le ministère de l’Écologie, chargé de la chasse, fixe tous les 3 ans par arrêté, la liste des espèces qualifiées de « nuisibles » jusqu’en 2016, pudiquement renommées depuis « ESOD » pour « espèces susceptibles d’occasionner des dégâts ». Une série de bonnes intentions justifie évidemment l’invitation au massacre. On parle de « la santé et la sécurité publique », de « la protection de la flore et de la faune sauvage », de « la nécessité de prévenir des dommages importants aux activités agricoles, forestières et aquacoles et à d’autres formes de propriétés »…

Il n’en fallait pas tant pour sortir des fusils et ajuster les pièges en tous genres afin d’en finir avec la belette, la fouine, la martre des pins, le renard roux, le corbeau freux, la corneille noire, la pie bavarde, le geai des chênes et l’étourneau sansonnet qui ont tous le triste privilège de figurer sur la liste des indésirables. Seul le putois, autrefois également voué à la destruction, a été absous en 2021 grâce à l’action des associations de protection de la nature.

Pour venir à bout de ces malvenus, la répression ne fait pas dans la dentelle. Dans chaque département où ils sont classés ESOD, pour « espèces susceptibles d’occasionner des dégâts », ces animaux peuvent faire l’objet d’actes de destruction par une « autorisation individuelle » ou lors de battues administratives tout au long de l’année.

Comme si la sentence n’y suffisait pas, ces espèces figurent également sur la liste des 89 espèces chassables en France métropolitaine et peuvent être tirées en nombre illimité par tout détenteur du permis de chasse, soit entre le début du mois de septembre et la fin février. Reste à savoir de quel crime on les accuse.

Accusés, levez-vous!

L’un des premiers intéressés, le renard roux, serait coupable de s’en prendre à quelques volailles. Ce n’est pas faux. Mais pourquoi détruire tous les renards d’un département alors que la prédation ne se fait qu’autour d’un élevage? Auxiliaire de lagriculteur, on lui reconnaît la capacité de capturer près de 6 000 petits rogneurs chaque année qui, sans lui, affecteraient les récoltes. On lui reproche également de colporter les pires maladies. Mais les causes de son rejet s’expliquent principalement par les chasseurs qui n’apprécient pas la manière dont goupil se gave du gibier qu’ils ont patiemment élevé avant d’être relâchés dès l’ouverture de la chasse.

Résultat : plus d’un demi-million de renards sont tués en France par tirs, piégeages, chasses à courre, battues administratives, sans oublier, chaque année, bien sûr, l’aimable vénerie sous terre. Autrement dit, acculé dans son terrier par des chiens qui y sont introduits, l’animal (renard ou blaireau) finit par être achevé à coups de couteau, de barres métalliques ou de tout autre moyen aussi barbare.

Les mustélidés (fouines, martres, belettes) figurent aussi dans le sinistre tableau de chasse. Eux aussi sont coupables de menacer les volailles. Sur la simple présomption de leur culpabilité, 75 000 d’entre eux passent de vie à trépas chaque année. Les oiseaux sont également en en bonne place sur la liste. Au total, 1,5 million d’oiseaux sauvages sont éliminés, chaque année. On leur reproche essentiellement d’avaler des semis à la campagne et de faire du bruit en ville. Devant un pareil massacre jugé toujours plus insuffisant, il convient de lever le voile sur la réalité.

Présumés coupables

Sollicitée par la Ligue de Protection des oiseaux et l’Association Protection des Animaux Sauvage, la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité travaille actuellement sur l’évaluation des données scientifiques permettant de confirmer – ou non – la culpabilité des ESOD. Or, alors que l’enquête n’est pas close, il apparaît déjà un incroyable vide scientifique et une question en suspens : « Les prélèvements d’ESOD réduisent-ils les dégâts imputés à ces mêmes espèces? »

Dans la littérature scientifique sur ce sujet, les mustélidés, par exemple, n’apparaissent quasiment pas. On trouve quelques éclairages sur la corneille noire, tandis que le renard est pointé dans environ 1/3 des références. Quant aux dommages sur l’agriculture, ils ne sont quasiment pas étudiés, de même que pour les conséquences aux autres formes de propriétés privées. En revanche, la question des effets sur la santé est plus largement étudiée, notamment à propos du renard et de son lien avec l’échinococcose (maladie parasitaire due au développement, dans le foie, de la larve d’un petit ténia).

En se penchant avec attention sur le dossier ESOD, on constate que le mot « susceptible » est particulièrement meurtrier. On condamne avant de juger, voire d’avoir les éléments de culpabilité. Or, en droit de l’environnement, il convient d’évaluer les dégâts avant d’anéantir. À l’évidence, les preuves ne sont pas au rendez-vous. C’est si vrai que, dans le cas des cormorans, par exemple, les associations de protection de la nature se sont souvent retournées devant les Tribunaux Administratifs pour faire suspendre les abattages injustifiés. Le Conseil d’État a même été jusqu’à interdire le tir des cormorans près des eaux vives alors qu’il était largement pratiqué.

Quoi qu’il en soit, la mort, la souffrance et l’agonie ne sont pas les seuls remèdes à la délicate cohabitation avec les ESOD. Il existe des possibilités de protection ou d’effarouchement qui mériteraient prioritairement d’être mises en œuvre.

En lançant la campagne « Présumés coupables, laissons-les vivre », la LPO en appelle autant à l’exécutif qu’à l’opinion publique pour amener le ministère de la Transition Écologique à la raison. En juin 2023, il devra à nouveau établir la liste des ESOD et leur répartition sur le territoire. Elle signera la mort de milliers d’animaux sauvages pour les 3 ans à venir. L’élémentaire devoir d’indulgence s’impose.

Allain Bougrain-Dubourg

 

 

 

 

 

 

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Z
J'ai la rage au coeur contre ces destructeurs d'espèces vivantes , ces tueurs avec la permission de l'Etat ! Et tellement de peine pour leurs victimes!
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S
il a mangé mes poules, mais je considère que c'est pour la biodiversité, j'ai par mégarde<br /> laissé ouvert une trappe et ops, il passe voir tous les jours .... sacré renard<br /> j'ai trouvé dans le journal une annonce , c'est Dimitri en moselle qui livre à domicile des<br /> poules rousses prêtes à pondre ,c'est le bien le cas, c'est 8 € la poule , et j'ai 7 oeufs<br /> tous les jours , super son téléphone : 06 15 06 64 64 <br /> quelle chance d'avoir des oeufs frais , poules nourries avec un complément de graines<br /> de LIN pour la qualité des oeufs en Oméga 3<br /> si vous voulez recevoir mon dossier jardinage et poules , document excel je vous l'envoi<br /> gratuitement : sjo48005@gmail.com , jo schneider 78 piges retraité ALSACE
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B
Merci encore à Monsieur Bougrain-Dubourg...<br /> Pauvre renard et autres animaux considérés comme nuisibles...<br /> C'est l'Homme le nuisible... Hélas !!!!!!!
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J
Tuer avec des armes mettant en position de force absolue le chasseur, des animaux qu’ils classent comme concurrents avant tout. Voilà la logique aveugle d’une minime partie de la population soutenue pour d’obscures et perverses raisons jusqu’au sommet de l’état. Tristes sires se croyant au summum de l’intelligence mais volontairement sans la moindre conscience des méfaits de leurs actes. <br /> Il suffit pourtant de regarder ce qu’ils ont détruit dans les dernières décennies et pas qu’en ce qui concerne la nature, pour mesurer les courants d’air circulants dans leur étage crânien.
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J
Le titre de cette campagne LPO est parlant.
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