Lettre des animaux aux humains déconfinés : le lézard vivipare
Il a le sang froid et adore se faire dorer au soleil. Alors s'il y en a bien un que le réchauffement climatique ne devrait pas gêner c'est le lézard vivipare. Erreur, un réchauffement de deux degrés montre ses effets délétères sur l'espèce. Quant aux humains...
Le lézard vivipare vit au sol dans des milieux divers mais dont l'eau n'est jamais absente : broussailles, tourbières, fossés et milieux un peu plus pierreux en altitude. Photo : JLS (Cliquez pour agrandir)
Me voilà lézardant, profitant des ultimes caresses chaleureuses du soleil avant d’entrer en léthargie quand « la bise sera venue ». Dès lors, je m’accommoderai bien volontiers du confinement, comme chaque année à la même époque. Il m’arrive même de supporter près de moins 10 degrés sans succomber à l’épreuve.
Nous sommes peu nombreux à pouvoir résister aux adversités climatiques. Mais je dois convenir que, face à l’élévation des températures, nos performances sont beaucoup moins admirables. À Moulis, en Ariège, les scientifiques du CNRS nous ont imposés une expérimentation dont les conclusions sont plus qu’inquiétantes.
Tout d’abord, rassurez-vous, aucune maltraitance durant cette étude. Il s’agissait seulement pour les chercheurs de savoir comment nous supporterions les quelques degrés d’augmentation du climat auxquels la planète ne semble plus pouvoir échapper. Pour en savoir plus, ils ont construit un « metatron », une série de volières enveloppées de tissus et reliées les unes aux autres par des corridors. Dans cet univers, dont vous contrôlez la température et l’hygrométrie, vous avez lâché toute une petite faune disparate du type escargots, insectes divers, batraciens et nous autres, les lézards vivipares.
En certains lieux, vous avez ensuite augmenté la température de 2 à 3 degrés. Résultat, après avoir passé un an dans ces conditions, nous avons perdu près de 34 % de notre « flore intestinale ». Ce handicap s’ajoute à une autre conséquence. En temps normal, nous gérons notre quotidien judicieusement. Trop de fraîcheur et nous recherchons quelques pierrailles bien exposées, trop de chaleur et nous nous réfugions à la fraîche. Dans votre « metatron » nous avons hésité à nous accommoder des fortes températures.
Certains d’entre nous ont emprunté les corridors conduisant à des atmosphères acceptables, d’autres ont tenté l’expérience du « chaud devant ». Vous admettrez que si personne ne nous a forcés à l’une ou l’autre de ces solutions, c’est que nous disposons, à titre individuel, d’une capacité d’appréciation respectable. En clair, nous ne sommes pas des groupes homogènes, identiques, analogues mais bien des êtres capables de choisir notre destin. Dès lors, cessez de nous considérer comme des espèces, des masses, des cohortes ou des troupeaux. Nous sommes avant tout des individus aptes au discernement.
Après cette invitation à davantage de respect, il reste à savoir ce qu’il est advenu des lézards vivipares ayant choisi la surexposition à la chaleur. Les scientifiques ont rapidement constaté qu’ils bouleversaient leur comportement. Plus de pose, de tranquillité ou d’insouciance, c’est la turbulence qui a dicté leur quotidien. Ainsi, alors que notre maturité sexuelle est atteinte seulement lors de la deuxième année, les lézards vivipares exposés ont commencé à s’accoupler dès la première année. Résultat, une suractivité extrêmement préjudiciable puisqu’elle a engendré des disparitions prématurées. En clair, les naissances n’ont pas compensé les mortalités !
Conclusion, avec deux degrés supplémentaires, nous autres, les lézards vivipares nous n’avons guère d’espoir de survivre…
Allain Bougrain-Dubourg (06.10.2020)
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Illustration : Coco/Charlie Hebdo
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