Extinction des espèces : la liste des prochaines victimes
L'Union internationale pour la conservation de la nature (l'UICN) vient de dresser une mise à jour de sa liste des espèces menacées. Et cette information ne remporte pas le succès médiatique qui lui est dû…
Emblématique de l’Alsace, autrefois surnommé « la marmotte de Strasbourg », le Hamster commun a presque disparu de France. Hier classé parmi les espèces nuisibles et à ce titre éliminé, le petit animal a sévèrement été mis à mal par la monoculture du maïs, réduisant considérablement ses derniers habitats. Depuis 1993, c’est une espèce protégée en France. (Source : site Hamster-Alsace.fr) (Cliquez pour agrandir)
Il y va de l’extinction des espèces comme du réchauffement climatique : on sait que c’est foutu, mais ça ne nous empêche pas de continuer à foncer tête baissée dans le mur. Et, semble-t-il, avec encore plus d’indifférence pour la mort des bêtes que pour la montée du thermomètre. C’est ce que montre le peu de bruit médiatique suscité par la dernière mise à jour de la liste d’espèces menacées dressée par l’UICN, l’Union internationale pour la conservation de la nature.
Sur quelques 120 000 espèces étudiées, on apprend que près d’un tiers sont menacées d’extinction prochaine (et pire encore : vu qu’il s’agit d’une estimation, un nombre bien plus grand d’espèces passent sous les radars). Dans ce genre de faire-part morbide, il faut évidemment des stars pour émouvoir le grand public. Difficile de faire la une des journaux télévisés avec la disparition d’un moucheron thaïlandais ou d’un crapaud péruvien. Bien souvent, on découvre le nom de ces espèces le jour même de leur mort. On se dit « tiens, ça existait ce machin -là » ? C’est, par exemple, le cas du grand hamster d’Alsace, l’un des nouveaux venus dans la mise à jour de l’UICN. Qui, hormis quelques naturalistes chevronnés, connaissait l’existence de hamsters sauvages en Alsace ? Le jour où on l’apprend, c’est presque du passé.
La destruction de l’habitat en première ligne
Parmi les espèces les plus fragiles, on savait depuis longtemps les singes en mauvaise posture (sur 104 espèces de primates africains, 53 sont menacées de disparition), mais l’UCIN révèle que la situation est déjà apocalyptique à Madagascar, où, sur 107 espèces de lémuriens, 103 sont en train de dégringoler la pente fatidique de l’extinction.
La destruction de l’habitat est l’une des premières causes de l’extinction des espèces. Mais il en est bien d’autres, comme la chasse (pour les lémuriens…) ou les pesticides (pour le hamster…). Les cétacés, eux, souffrent surtout de collisions avec les navires et de prises accidentelles dans les filets de pêche. En première ligne, on trouve l’espèce dite « baleine franche de l’Atlantique nord », extrêmement mal en point avec une population de moins de 250 adultes fin 2018 – ce qui lui vaut sa nomination dans la funeste liste de l’UICN.
Maki catta (Lemur catta, aussi appelé Maki mococo, maki à queue annelée ou encore lémur à queue annelée). Photo : JLS (Cliquez pour agrandir)
Et les médecines alternatives…
Dans cette mise à jour, on trouve aussi le champignon-chenille (Ophiocordyceps sinensis), qui survit sur le haut-plateau tibétain. Son problème à lui, c’est la médecine traditionnelle chinoise. En effet, il est censé guérir les troubles érectiles, de là son surnom de « viagra de l’Himalaya » (ces propriétés aphrodisiaques auraient été découvertes par les bergers, tout étonnés de voir leurs bêtes se livrer à de frénétiques fornications après avoir mangé ces champignons – du coup, ils se sont mis à en manger aussi). À cause de ces propriétés bénies des dieux et des gourous, ce champignon magique est vendu 100 000 euros le kilo. D’où surexploitation. D’où disparition programmée.
Et ces faire-part de proche décès ce ne sont pas des paroles en l’air. Selon le dernier rapport de l’Ipbes (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques) 435 espèces se sont définitivement éteintes ces dix dernières années, et 41 autres ont déjà disparu du milieu naturel, ne subsistant que dans des parcs ou des zoos. En somme, nous voilà rendus à l’absurde situation où l’on doit mettre la nature en cage pour la protéger…
Antonio Fischetti/Charlie Hebdo (25.07.2020)
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