Highland, la vache au poil pour désherber en douceur

Publié le par Jean-Louis Schmitt

Enfin une débroussailleuse qui ne tombe jamais en panne. Des paysagistes lorrains se sont lancés dans l’éco-pâturage grâce à une race rustique qui broute même les ronciers.

Une journée classique au boulot… Photo : JLS (Cliquez pour agrandir)

Une paire de cornes émerge d’un buisson. La bête rousse qui en sort d’un pas tranquille, museau au vent, frappe par son look préhistorique : une toison dense et longue qui lui recouvre les yeux et pend le long de ses flancs, un corps petit et massif, et ces deux pointes démesurées qui s’étirent de chaque côté de la tête avant de s’élancer vers le ciel gris. La vache Highland Cattle, originaire d’Écosse, est en Lorraine comme chez elle. Les pieds dans l’eau.

Ici il y avait trop de roseaux : ils ferment le milieu, empêchent les autres plantes de pousser, et même les oiseaux ne pouvaient pas y aller, pointe André Masson, en bordure de la Zone humide du Moulin, à Teterchen (Moselle). Trois de ses protégées se sont donc chargées de nettoyer les lieux, missionnées par le Conservatoire d’espaces naturels de Lorraine, qui faisait autrefois débroussailler la zone par des tracteurs à chenilles. Mais ça, c’était avant l’arrivée de la providentielle brouteuse.

Potes à franges

Il n’y a rien à faire, on les met au printemps, on les récupère en automne, assure André, cofondateur de la société Highlands du Warndt. Mais il y a quand même le côté social: il faut aller les voir régulièrement et leur parler pour les habituer à nous. Pas farouches, les quatre génisses s’approchent de leur propriétaire, poussées par la perspective d’un morceau de pain sec et, indifférentes à la pluie fine qui s’abat sur elles. Ancien professeur de technologie, André fait l’inventaire consciencieux des avantages de la bête: Son sabot est aussi gros que celui des autres races de vache, mais elle est deux fois moins grande; cest parfait pour les zones humides. Et malgré ses cornes, elle manœuvre sans soucis dans les fourrés.

Loin de boucher la vue, la frange trop longue évite d’avoir des mouches dans les yeux en été (un point non négligeable dans cette zone marécageuse). Mais l’atout numéro un de la Highland, c’est sa capacité à manger tout ce que les autres herbivores dédaignent. Roseaux, mais aussi ronciers, chardons et pousses d’arbres sont indifféremment engloutis, mâchés, ruminés. L’an dernier, le Conservatoire avait fixé un objectif et on l’a rempli à plus de 90 %, raconte André. Ils étaient ravis!

Avant d’arriver sur une réserve naturelle, les Highlands d’André avaient fait leurs preuves… en ville. Montigny-lès-Metz m’a contacté pour un parc de 2 hectares en bord de ville, ça a eu un impact formidable! Après les prairies Jean-Marie Pelt en 2016, de nouvelles pensionnaires sont venues prendre leurs quartiers au stade Ney en 2017, ravissant les services techniques autant que les passants — qui ont vu naître un veau à même le parc au printemps 2019. En échange de cet entretien garanti zéro phyto, la Ville paye le transport et les frais vétérinaires des bovins. La commune de Metz a embrayé, mettant deux zones à disposition, et proposant à André d’assurer des animations avec les écoles pour faire découvrir les avantages de l’éco-pâturage. La bouille hirsute de la douce Écossaise fait fureur. Et l’éleveur sait jouer de ces charmes : Là où il y a du passage, on met les vaches avec les plus belles cornes; là où personne ne passe, on met des bœufs; et ici, sur la zone humide, on met des génisses, parce quil faut bien les mettre quelque part!

Étrangement, les longues cornes ne s’accrochent pas dans le sous-bois et les Highlands naviguent avec aisance entre les troncs… Photo : JLS (Cliquez pour agrandir)

Avantages en nature

(…) Le troupeau s’élève maintenant à une cinquantaine de têtes, et le petit complément d’activité est devenu une passion pour les cinq associés. Dans la gadoue de leur terrain de Merten, à quelques centaines de mètres de la forêt du Warndt, où commence l’Allemagne, Arnaud Friderich siffle et crie pour rassembler les bêtes. Des mots de patois lorrain se mêlent au français. Arrivent deux vaches blondes et un petit qui court pour tenir la cadence des aînées. C’est bientôt toute une file qui se forme, dans un défilé de poils et de cornes. On a acheté des brunes, des noires, des blanches et des jaunes, raconte Arnaud. Il ne manque que du gris! On distingue un taureau dans le lot. C’est Turbo. On reconnaît bien les mâles aux cornes qui vont vers le bas, alors que celles des femelles sont en forme de lyre, explique le jeune éleveur. Il y a aussi Justine, Lily et Gisela. Elles ont toutes un nom! La plus blonde, cest Perla. Ensuite les deux petits cest Pepito et Pedro. Cest ma conjointe qui choisit les noms, confie-t-il, amusé (…). À une dizaine de mètres, une grande peluche rousse tente de se cacher maladroitement derrière sa mère. Ce petit, il est peut-être de ce matin. Ils ne font que 15 kilos à la naissance, ça fait le poids d’un mouton! 

Les cornes des femelles sont en forme de lyre. Celles des mâles vont vers le bas. Photo : JLS (Cliquez pour agrandir)

Broute épaisse

La balle de foin déballée aujourd’hui n’a pas beaucoup de succès. Tant qu’elles auront de l’herbe, elles ne toucheront pas au fourrage. J’ai vu des veaux bouffer des ronciers ! raconte Arnaud, constamment surpris par la rusticité de la race. Nul besoin de traitement, de vermifuge, ni de répulsif à tiques. Ni même d’abri : le hangar mis à disposition est toujours vide, les vaches préférant rester sous la pluie ou la neige, dans laquelle elles mettent bas sans broncher. Aurait-on trouvé la perle rare de l’élevage français ? S’il y avait de l’argent à se faire avec la Highland, les éleveurs intensifs en auraient ! évacue Pierre, le frère. On a calculé, il nous en faudrait une centaine pour dégager un Smic. André abonde : Ce n’est pas rentable, comme bête, mais c’est formidable, on n’a pas de revenus à dégager. Puis l’ancien prof de concéder : On a commencé à les vendre pas assez cher (…). Après la zone humide et les faubourgs de Metz, les rustiques Highlands pointeraient-elles leurs cornes dans la capitale? Ça ne manquerait pas de piquant.

Aurélien Culat/Oui ! Magazine (5.02.2020)

 

 

 

 

 

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Publié dans Animaux, Portrait

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F
Pas si préhistorique que ça, le look ! Les cheveux sur les yeux, c'est très mode et depuis plusieurs années. Elles sont trop mignonnes. D'ailleurs ça pourrait faire un très bon argument pour nos ados qui ne veulent pas aller chez le coiffeur ! ... ou pas, parce que finalement ça leur va beaucoup mieux à elles. Moi aussi j'adore ce genre de tondeuses. Et en plus elles ne demandent qu'à travailler. Elles sont parfaites.
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C
Qu'elles sont belles avec leur frange qui protège leurs yeux des mouches ! Les photos sont magnifiques... Je suis évidemment triste d'apprendre qu'elles aussi finissent sur les étals des boucheries ! Il n'y a décidément pas de petits profits...
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K
Vachement bien !!!!!!!!
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C
Merci beaucoup pour cet article sur ces fantastiques vaches. Je les adore. On en a 3 au refuge, issues de sauvetages, et on en est fous! Notre terrain est argileux et humide l'hiver, elles s'éclatent à manger ce que les autres herbivores délaissent. Et quel bonheur de les voir se baigner dans la mare en été avec nos oies, cygnes et canards...
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D
oui à l'éco-pâturage, c'est une bonne solution
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Z
Je craque complètement pour leurs bouilles et leur coupe de cheveux! <br /> Une belle initiative ! espérons qu'elle fera des émules!
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J
Je les adore aussi... Juste un "petit" bémol : si leur vie est paisible et certainement plus enviable que celle de nombre de bovins élevés en stabulation, les débroussailleuses écossaises terminent elles aussi leur existence... à l'abattoir !
J
Nous en avons sur les bords de la Zorn depuis une vingtaine d'années. Elles sont adorables.
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