Cloner son chien… à quel prix ?

Publié le par Jean-Louis Schmitt

Nous vivons dans un drôle de monde. Un monde où des milliers de chiens sont euthanasiés tous les ans, parce qu’ils n’ont pas de maison et que les refuges n’ont plus de place pour les accueillir. Mais aussi un monde où les plus riches peuvent, pour la "modique" somme de 89 000 €, cloner leur chien décédé…

Les premières chiennes clonées tenues par trois des collègues de Hwang Woo-suk. Photo : Ahn Young-Joom/Sipa

Je ne m’attarderai pas ici sur cette somme astronomique qui, selon moi, serait bien mieux investie dans des refuges pour animaux. Mais si je devais m’offusquer de toutes les dépenses gargantuesques et inutiles de ce monde, nous y serions encore demain. Le coût d’un clonage de chien va bien au-delà de ces 89 000€ et là est le problème.

Deux entreprises prolifèrent sur ce marché morbide.

Deux laboratoires font fortune dans le marché du clonage de chiens. ViaGen, un labo texan, et Sooam Biotech, créé par le scientifique sud-coréen Hwang Woo-Suk.

L’éthique n’est pas au cœur des préoccupations de Hwang. En 2004, il annonce avoir réussi à cloner un embryon humain. 2 ans plus tard, l’article où il expose ses recherches s’avère être une arnaque phénoménale. Hwang y a falsifié des preuves, lui permettant ainsi de détourner des fonds publics. Hwang a également payé, en toute illégalité, certaines collègues pour pouvoir prélever leurs ovules. Ce scientifique au palmarès effrayant échappe à sa sentence de 2 ans de prison. Selon le juge : « il s’est repenti sur ses crimes ».

Mais aujourd’hui, au cœur de Sooam Biotech, Hwang reproduit les mêmes expériences – cette fois-ci, sur des chiens. C’est plus simple – car qui pour défendre des chiennes porteuses exploitées ? Pour l’instant, personne. Ces expériences se déroulent sans le moindre remous.

Exploitation des mères porteuses et euthanasie de chiots handicapés

En moyenne, faire naître un chien cloné nécessite 3 mères porteuses, et 12 embryons. C’est en tout cas ce qu’affirme Sooam Biotech. Rudolf Jaenisch, pionnier dans la recherche des cellules souches, affirme, lui, que "le clonage est inefficace, beaucoup de chiots meurent très tôt, naissent difformes… Les êtres clonés vivent aussi moins longtemps". Qu’arrive-t-il aux mères porteuses qui n’arriveront pas à faire naître un chiot sain ? Aux petits qui naissent lourdement handicapés ? Bien évidemment, aucune information n’est divulguée à ce sujet.

Les mères porteuses sont spécialement conçues pour être dociles et douces. Elles subissent ainsi les fantasmes des scientifiques et de leurs riches clients, sans broncher. Elles passent leur vie enfermées dans une cage stérile, dopées aux hormones pour être le plus fertile possible. Peu importe les lourdes conséquences sur leur santé. De toute manière, une fois trop vielles pour faire des portées, elles ne sont plus utiles. Deux fois par an, juste avant leurs chaleurs, elles subissent une opération pour prélever leurs ovules. Le noyau cellulaire d’un chien décédé est implanté dans cette cellule reproductrice ; puis la chienne passe de nouveau sur le billard pour être inséminée.

Ce procédé est réitéré jusqu’à ce qu’un embryon parvienne à survivre. S’il y arrive, 2 mois plus tard, la chienne subit une césarienne. La plupart du temps, le chiot est mort-né, ou difforme. S’il vit, il est nommé d’un numéro. Que la naissance soit réussie ou non, le processus recommence immédiatement après. Chaque chienne porteuse doit être rentabilisée.

Se nourrir du deuil des plus riches : un business rentable

Comment ViaGen et Sooam Biotech arrivent-ils à convaincre leurs clients à participer à ce processus mortifère ? Simplement parce que ces laboratoires ont bien compris comment acheter les plus fortunés. Ils profitent du deuil qu’apporte la perte d’un animal. Ils vendent une sorte de renaissance de leur chien décédé, puisque le clone aura les mêmes gènes… Ce sera une copie conforme.

L’experte en bioéthique Jessica Pierce, nous dévoile d’ailleurs un partenariat morbide, proposé par un laboratoire à un cabinet vétérinaire de soins palliatifs. Le laboratoire en question souhaitait ainsi se faire recommander, par les vétérinaires, à leurs clients en deuil.

La clef de leur modèle économique est évidente : se nourrir de la détresse des gens qui viennent de perdre leur compagnon. Révoltons-nous contre ce genre de pratique. Oui, la perte d’un animal est tragique. L’exploitation de mères porteuses, et l’euthanasie de milliers de chiens qui ne trouvent pas de famille l’est encore plus.

Je me doute bien que je prêche des convaincus – mais si cette lettre doit finir sur une morale, la voici : la mort de nos chiens apporte un immense chagrin, c’est inévitable. Ne nous consolons pas en finançant des entreprises malfamées. Quand vous serez prêt, adoptez plutôt un chien qui a été abandonné. Vous ne ferez pas revenir votre compagnon, mais vous sauverez une nouvelle vie.

 

Claude Lefevre et ses trois chiens bien uniques, Pénélope, Maki et Merlin

 

 

 

 

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Publié dans Animaux, Point de vue

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Z
Écoeurant d'égoïsme et d'indifférence au malheur des animaux et à leur souffrance.
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D
Ecoeurant, je passe sur le problème éthique, bien évoqué ici, et je reviens sur 2 termes: fantasmes et deuil; je les réfute; il s'agit en fait d'appât du gain immonde pour les concepteurs et pour les personnes qui achètent comment parler de deuil, on est en deuil d'une personne qu'on aime, or leur défunt chien, ils ne l'aimaient pas pour lui, mais pour eux, puisque lui disparu, il n'a plus le bonheur de vivre, définitivement perdues ses longues galopades, son plaisir à attendre son repas dans la cuisine, les caresses reçues et données etc etc ; eux croient les retrouver avec le clone mais pour lui comme pour nous tous c'est fini; alors cette bêtise nombrilique pouah !!!<br /> Je me permets d'évoquer mon vécu actuel personnel, je le sais identique chez beaucoup de vrais amis des animaux...<br /> Félix, que Jean-Louis a déjà évoqué ici comme épagneul anti chasse...il a une peur bleue des pigeons et cela nous ravit, a comme tant d'autres dans ce pays et ailleurs été adopté dans un refuge, à l'âge de 4 ans ; pas pour nous faire plaisir car si je ne peux vivre sans chien nous avions toujours son prédécesseur lui aussi rescapé et toujours en forme...pour lui...actuellement à 16 ans et demi, eu égard à sa haute taille l'équivalent de 120 ans chez 'humain, il est toujours heureux de vivre, trottine, se régale, monte et descend l'escalier et dort comme un ange.<br /> Pour lui nous ne pouvons plus partir en vacances car il a besoin de ses soins, ses habitudes, son environnement; mais c'est d'un coeur léger que nous l'acceptons. Comme il se doit lui seul compte, pas notre petit ego. "Parce que vous le valez bien "; ah comme cette devise de la société individualiste a fait du mal !!! Devenue bénévole dans son refuge j'ai vu des moins que rien venir abandonner leur vieux chien , nous en avons adopté un : Titou, 12 ans, qui a eu une fin de vie super heureuse jusque 15 ans et demi mais j'ai vu aussi des personnes venant adopter un vieux chien.... de 15 ans parfois...Alors notre Félix comme tous ses prédécesseurs je sais bien que je ne pourrai lui rendre ses folles galopades quand il ne sera plus; même si j'étais milliardaire je ne voudrais pas créer son clone qui ne lui rendrait pas la vie; tout comme vous tous ici et tant d'autres...! Ces gens sont infâmes, comme il est rappelé ici ils pourraient adopter un autre chien qui leur rendrait au centuple les bienfaits dispensés mais ils n'y pensent même pas! Les refuges débordent en effet non seulement de chiens retirés pour maltraitance mais surtout de chiens que leurs maîtres ont acheté pour se faire plaisir, comme les partants pour le clonage, car ils sont devenus des objets de consommation, jetables....Oui tout cela est écoeurant ...et inquiétant !
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T
pas lu
O
Pourquoi parler d'éthique? L'éthique est à géométrie variable au gré des circonstances. Il s'agit là de science amusante. Vu l'état de la planète on ne peut pas en vouloir aux savants de pratiquer un "eugénisme" rigolo et inventif, alors si en plus c'est lucratif. J'ai moi même songé à faire cloner une blatte chère à mon coeur, j'ai encore en mémoire son doux regard au moment du départ, c'était poignant. Elle me manque beaucoup.
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F
Moi aussi je veux faire cloner mon phasme Kiki. Clone ta blatte comme ça on fait des combats avec mon phasme.
J
Ce n'est pas une histoire de clone, mais de clown, toutefois, ça ne fait pas rire.
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C
On peut comprendre que certaines personnes aient envie de retrouver le double de l'animal aimé et, hélas, disparu ! Cependant, se posent des questions éthiques qui, comme souligné dans cette chronique, ce ne sont pas les moindre... En fait, à travers cet exemple, ressort le mythe de l'immortalité qui occupe bien des chercheurs et doit préoccuper pas mal d'autres esprits tordus !
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J
En voilà encore une idée saugrenue alors que nos refuges sont quasiment tous au bord de l’implosion tant ils doivent faire face aux abandons… En même temps, la richissime "clientèle" qui a recours à des laboratoires qui pratiquent ce genre de procédés, ne fréquente vraisemblablement pas les refuges SPA et ne se soucie probablement pas davantage de tout ce que ces clonages induisent comme cruauté pour les mères porteuses ou encore les chiots non conformes aux attentes… <br /> Rien que de savoir que cela puisse exister, me glace le sang !
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