M. Wauquiez multiplie par... 40 les subventions aux chasseurs

Publié le par Jean-Louis Schmitt

L’assemblée de la région Auvergne-Rhône-Alpes doit valider jeudi 22 septembre une subvention de 3 millions d’euros à la Fédération régionale des chasseurs, alors que les subventions aux associations d’environnement ont été drastiquement réduites.

M. Wauquiez multiplie par... 40 les subventions aux chasseurs

Mauvaise nouvelle pour la « galinette cendrée » : les chasseurs ont désormais le champ libre en Auvergne-Rhône-Alpes (Aura), la deuxième région de France la plus peuplée. Ce n’est pourtant pas un sketch et le responsable n’est pas un inconnu : Laurent Wauquiez, à la tête du conseil régional depuis le début de l’année, veut faire valider une enveloppe de 3 millions d’euros de subventions destinée à la Fédération régionale des chasseurs (FRC). Un projet de partenariat, présenté comme inédit, que Reporterre s’est procuré et qui sera soumis au vote de l’assemblée régionale jeudi 22 septembre.

Laurent Wauquiez tient donc ses promesses : en pleine campagne pour les élections régionales, le député de la Haute-Loire et président par intérim de Les Républicains avait adressé une lettre aux chasseurs que Reporterre avait rendu publique — dans laquelle il annonçait « un juste rééquilibrage des subventions qui ont beaucoup trop profité ces dernières années à des écologistes dogmatiques et guidés par des motifs purement idéologiques ».

Un juste rééquilibrage ? La somme de 2.955.210 euros, répartie sur trois ans, correspond, à 30.000 euros près, à l’ensemble des subventions touchées en 2015 par les associations de protection de la nature… (voir ici).

Depuis, celles-ci ont par ailleurs vu leurs aides drastiquement réduites. À l’image de la Frapna, la fédération des associations de protection de la nature de la région, dont la subvention de fonctionnement a été réduite à néant, alors qu’elle emploie plus d’une centaine de salariés. « Une décision justifiée par le fait que la région ne subventionnerait plus le fonctionnement des associations, rappelle Corinne Morel-Darleux, conseillère régionale d’opposition du rassemblement de la gauche et des écologistes. Or, les chasseurs vont justement toucher 750.000 euros de fonctionnement… Il y a un double discours. »

« Il faut arrêter avec les clivages simplistes »

Trois millions d’euros, c’est surtout une très belle augmentation pour la FRC. Jointe par téléphone, la fédération reconnaissait ne « presque rien » recevoir de la région jusqu’à présent. Selon les chiffres qu’elle indique, la subvention aurait été de 70.400 euros en 2015 et de 74.950 euros pour 2016. L’aide régionale, étalée selon la convention jusqu’en 2018, se verrait donc multipliée par… 40. Une belle plus-value, dont « la concomitance avec le changement de majorité n’est pas fortuite »,reconnaît volontiers Marc Chautan, chargé de mission pour la FRC. Une nouvelle preuve de « la logique purement clientéliste », selon Jean-François Debat, qui dénonce la tentative de « s’acheter les faveurs des 119.000 chasseurs de la région ». Le président du groupe socialiste va même plus loin et accuse Laurent Wauquiez de « s’offr[ir] sur le dos du contribuable un accès à leur fichier pour pouvoir communiquer avec eux directement à huit mois des présidentielles ».

Face à un tel déséquilibre, les chasseurs pointent la « fragilité du modèle économique choisi par les associations » [de défense de l’environnement] : « Ceux qui râlent le plus sont ceux qui se sont copieusement servis jusqu’à maintenant », poursuit Marc Chautan.

Pourtant, à en croire ces mêmes associations, ce n’est pas tant la somme évoquée que l’exclusivité des politiques publiques concernées qui dérange. « Il y a une volonté d’hégémonie, d’instaurer une pensée unique. Alors qu’on peut travailler ensemble, on l’a même déjà fait », dit Éric Feraille, président de la Frapna. En cause, le Schéma régional de cohérence écologique (SRCE), qui s’intéresse notamment aux corridors biologiques et aux réservoirs de biodiversité, utiles pour maintenir un certain niveau de diversité dans le patrimoine génétique des espèces,« en-dessous duquel ces espèces sont condamnées à disparaître, comme c’est arrivé à l’ours des Pyrénées », explique Éric Feraille.

Jusqu’alors, ce SRCE bénéficiait d’un pilotage tripartite entre la FRC, la LPO (Ligue de protection des oiseaux) et la Frapna — dans une ambiance plutôt constructive, à en croire les chasseurs eux-mêmes : « Nous avons de bonnes relations avec la plupart des salariés de ces associations avec lesquelles nous collaborons sur de nombreux dossiers environnementaux », dit Marc Chautan. Mais, avec l’arrivée de Laurent Wauquiez à la tête de la région, exit les deux associations environnementalistes. « Le problème n’est pas de savoir si les chasseurs sont les mieux placés pour faire de l’environnement, mais qu’ils soient les seuls : il faut une diversité d’acteurs pour entretenir le vivant. C’est comme en agriculture : ce qui la tue, c’est la monoculture, observe Corinne Morel-Darleux. Il faut arrêter avec les clivages simplistes, les écologistes contre les chasseurs… »

« Laurent Wauquiez a un modèle de société très guerrier »

C’est pourtant cette caricature qui a semblé guider la décision de la majorité dirigée par M. Wauquiez : « Il y a deux façons de voir la ruralité, la préservation de la biodiversité, l’aménagement du territoire : soit on le voit du côté des bobos des villes, soit on discute avec les acteurs du monde rural, qui connaissent le territoire parce qu’ils le pratiquent tous les jours et tous les week-ends lorsqu’ils chassent », déclarait à l’AFP la semaine dernière Philippe Meunier, vice-président en charge de la chasse et de la pêche.

Les chasseurs se retrouvent ainsi également les seuls dépositaires de l’éducation à l’environnement en Auvergne-Rhône-Alpes. « C’est tout sauf une association désintéressée : pour eux, l’éducation à l’environnement, ça sert à faire de nouveaux petits chasseurs et à désensibiliser les enfants à la mort des animaux… Il ne peut pas y avoir ce seul son de cloche dans les écoles, c’est du prosélytisme », dénonce Éric Feraille.

Jusqu’alors, la tâche incombait au réseau Graine, qui officiait dans ce domaine depuis 20 ans et regroupait 169 membres. C’était avant qu’on apprenne, il y a dix jours, la suppression totale de sa subvention de 276.000 euros.

Une somme qui se retrouve, finalement, presque entièrement dans ce nouveau projet de partenariat avec les chasseurs : « Il y est inclus une subvention de 240.000 euros par an pour l’éducation à l’environnement. Comme quoi, ce qui ne semblait plus être une priorité pour la région en reste finalement une… » glisse, amère, Aurélie Alvado, en charge de la communication pour le réseau Graine, qui prévoit de son côté plusieurs licenciements pour les semaines à venir. « C’est très violent et très “testostéroné”, cette manière d’opposer sans cesse les acteurs les uns aux autres. Laurent Wauquiez a un modèle de société très guerrier », dit M. Feraille.

Un débat qui intervient d’ailleurs au moment où Laurent Wauquiez en soulève un autre : « Je suis contre l’accueil des migrants dans notre région et je ne l’accompagnerai pas. La France n’a pas la capacité d’accueillir autant de migrants avec autant de chômage et autant de difficultés autour de l’emploi », déclarait-il en fin de semaine dernière.

En Auvergne-Rhône-Alpes, c’est sûr, démagogie et clientélisme s’écrivent en lettre capitale.

Barnabé Binctin-Reporterre (21 septembre 2016)

Publié dans Environnement, Chasse

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D
Décidément quel sale type !!!
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J
Les bobos des villes ont bon dos mais ne feront pas dodo pour faire plaisir aux sados.<br /> Les "bobos" pro animaux sont le nouveau nom des résistants aux collabos.
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