Pigeons malaimés…

Publié le par Jean-Louis Schmitt

A hanter nos squares et caniveaux, avec sa tête qui accompagne sa démarche d’un mouvement saccadé d’avant en arrière, le pigeon est le mal aimé de notre nature en ville. Moche, il serait vecteur de maladies, prolifique et pas très intelligent. En somme, une nuisance invasive. Mais est-ce bien vrai ?

Pigeons bisets : bain de soleil à Strasbourg… Photo : JLS (Cliquez pour agrandir)

Pigeons bisets : bain de soleil à Strasbourg… Photo : JLS (Cliquez pour agrandir)

Quel est cet animal ?

C’est le nom de la célèbre photographie de Robert Doisneau : un pigeon perché sur la tête de l’un des enfants alignés à la pissotière de l’école. Autrement-dit : même là ! Avec tous ces pigeons, on ne peut pas être tranquille : ni place Saint-Marc à Venise, ni à Cracovie. Et a fortiori pas à Paris : 100 000 pigeons recensés, soit un pour vingt-deux habitants !

Trop, c’est trop : raison pour laquelle la loi interdit de nourrir les pigeons, rangés dans la catégorie des animaux errants, « sauvages ou redevenus tels, notamment les chats ou les pigeons ». Cette interdiction concerne la voie publique et les voies privées. L’amende se monte à la coquette somme de 450 euros. Cela fait cher de la baguette de pain émiettée.

En même temps, certains hôpitaux (celui de Granville ou celui de l’île d’Yeu) recourent au service des pigeons pour le transport d’analyses de sang. Et l’US Navy utilise leur acuité visuelle pour sauver des naufragés. Alors !?

Le Pigeon biset est également un grand amateur d’œuvres d’art… Photo : JLS (Cliquez pour agrandir)

Le Pigeon biset est également un grand amateur d’œuvres d’art… Photo : JLS (Cliquez pour agrandir)

Le pigeon biset, notre pigeon à tous

Vous me direz, il y a pigeon et pigeon. Celui qui semble presque faire partie du mobilier urbain est le pigeon biset (Columbia livia) : avec son plumage gris terne, certes rehaussé de vert virant violacé au niveau de la gorge, il s’harmonise avec le ciel des mauvais jours. Et se fond si bien dans la ville, qu’il aurait pu être inventé par Decaux.

S’il s’envole en nuées à la moindre alerte, c’est pour mieux revenir en groupe, au pied de la grille d’un arbre, au ras-du-sol dans les caniveaux, à la terrasse d’un bistrot, sur une poubelle publique et sur les bancs publics qu’il corrode de ses déjections. Tout juste s’il ne prend pas le métro ! Ce qu’il fait ? Il cherche sa pitance !

Or, savez-vous que sa vie en ville est difficile ? Eh oui, faute de grives, le pauvre mange des merles : car ce granivore n’en voit pas passer beaucoup. C’est même la raison pour laquelle, à force de se nourrir de bouts de pizzas et de reliefs de repas humains, son espérance de vie ailleurs d’une quinzaine d’années, se réduit en ville à moins de six ans.

Son milieu naturel n’est pas la ville, mais les falaises et rochers, ceux des côtes picardes et bretonnes, et du Massif Central. Quant à ses confrères en ville, ce sont le pigeon ramier ou palombe (Columba palumbu), un peu plus gros et qui se distingue par sa tâche blanche sur le cou, et le pigeon colombin (Columba oenas), le plus petit des trois.

Vous me direz aussi, il n’y a pas que Paris : eh oui, il y a aussi le « bleu de Gascogne », la « manotte d’Artois », le « mulhousien » qui est très rond, le « roubaisien » qui est sec comme un cycliste, le « Montauban » qui est tout blanc, etc : on pourrait presque faire le tour de France des pigeons ! Sans compter les huppés, le « huppé picard » ou le « huppé de Soultz ».

Le pigeon ramier est également citadin... Photo : JLS (Cliquez pour agrandir)

Le pigeon ramier est également citadin... Photo : JLS (Cliquez pour agrandir)

Un oiseau décidément intelligent

Le pigeon messager est capable de franchir une centaine de kilomètres et d’arriver à destination sans se tromper. Il est entraîné à cela, avec quelques subterfuges : le retour à son nid, ou le veuvage forcé, qui lui fait franchir des distances inouïes pour retrouver la donzelle.

Mais, de lui-même, le pigeon est intelligent : apprenez qu’à défaut d’avoir un cerveau pariétal, il a une densité neuronale six fois supérieure à celle de l’être humain. Résultat, la distance étant plus courte entre ses neurones, il est cent fois plus réactif. La preuve, quand vous essayez d’en attraper un, qui est le plus vif ?

De surcroît, ainsi que l’ont démontré des travaux scientifiques, il maîtrise des notions aussi abstraites que l’espace et le temps. Faites-lui aussi une tâche noire sur le poitrail, et placez-le devant un miroir. Le pigeon se regardera et grattera la tâche, preuve qu’il se reconnaît dans le miroir.

Le Pigeon voyageur est capable de parcourir des distances impressionnantes en un temps record… Photo : JLS (Cliquez pour agrandir)

Le Pigeon voyageur est capable de parcourir des distances impressionnantes en un temps record… Photo : JLS (Cliquez pour agrandir)

Un moindre mal écologique

Par chance, les maladies dont le pigeon est le vecteur, ne sont pas transmissibles à l’être humain : il ne transmet pas même la grippe H5N1, à laquelle il résiste fort bien. A ce jour, pas le moindre risque de contracter une vilaine maladie par les pigeons. D’ailleurs, au regard de leur nombre, il y aurait déjà quelques épidémies !

En revanche, la nature a horreur du vide : quelle espèce viendrait combler la « niche écologique », une fois les pigeons éradiqués ? Allez savoir. Ou peut-être, mieux vaut-il ne pas le savoir. En somme, ne nourrissez pas les pigeons, mais ne soyez pas non plus « pigeons » de la pensée unique qui les envisage comme une nuisance !

Une flaque d’eau et c’est le plaisir d'un bain collectif… Photo : JLS (Cliquez pour agrandir)

Une flaque d’eau et c’est le plaisir d'un bain collectif… Photo : JLS (Cliquez pour agrandir)

Pigeons malaimés…

Source : Tout Vert

 

 

 

 

 

 

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B
Je les aime les pigeons !!!!!!!!!! Na !!!<br /> Un mal aimé et ça me révolte...
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Z
Et moi je les aime les pigeons, cette attitude à leur égard est intolérable ! <br /> Ta dernière photo est magnifique et émouvante .
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D
Tu ne crois pas si bien dire Jean-Louis, déjà Goupil s’ embourgeoise: il dort il mange il dort il mange … et ne regarde plus guère les rares oiseaux de passage. J’espère qu’ils vont revenir….
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J
Encore un très bel article , de grande qualité d'écriture (comme toujours en somme) ; bref, du "Grand Jean-Louis" ! Bravo !
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J
- à ta réponse ci-dessous : - tu es bien modeste Jean-Louis ! Et celui que tu nommes SDF ( = "Sûrement un Défenseur de la Faune" ..? ) ou bien ( " Sâge De la Forêt ".. ) ... promis j'arrête là ..! - Je lui trouve un air apaisé à la fois de Brassens , de Jean Ferrat ( avec sa sublîme chanson d'Ouraloup / Oural - Loup ; son fidèle berger Allemand) voire de Léo Ferré ou de Cavanna ! Mes classiques préférés de la mare aux c-anars : ce qui expliquerait la connivence avec ce gallinacé tellement utile à notre engeance . - Permets moi cependant de te renouveler mes remerciements pour tout ce que tu as déjà fait depuis notre rencontre : l'affaire du Spitzberg , l'adoption de Tommy de Valenciennes ( le Beauceron martyrisé, recueilli par les gendarmes) , le soutien pour l'adoption d'Urfa , la beauceronne enchaînée et atteinte à vie du Staphylocoque doré et de neurologie dégénérative mais qui ont vécu respectivement ... 16 et 15 ans ! Et ton aide via la clinique de Molsheim pour le cancer d'Udo (lymphome mâlin de haut grade et dcd à 6 ans , mon meilleur chien sur des dizaines d'autres ) et j'en oublie ! - Je vais répondre avec ton autorisation à l'article sur la tauromachie à Nîmes , faisant partie (membre ) de plusieurs assoc. anti -tauromachiques , mais plus tard et avec pondération car quand je vois ces abjections , mon sang ne fait qu'un tour ... amitiés , J-Ph .
J
C'est gentil Jean-Philippe mais, il faut rendre à César ce qui lui appartient : en ce qui me concerne je ne suis l'auteur que de la mise en page de l'article en question et des photos... mis à part la dernière (celle du SDF) qu j'ai trouvé sur internet et qui m'a vraiment ému !
D
Tu as de la chance Jean-Louis avec deux chats d'avoir encore la visite de ces pigeons que j'ai eu la joie de voir rassemblés à l'heure du nourrissage; nous en avions beaucoup aussi,des ramiers parfois, des moineaux mais depuis que Goupil chat errant s'est installé chez nous ..avec notre accord enthousiaste....plus aucun pigeon; qq moineaux furtifs au bout du jardin où je mets de la nourriture en hauteur; c'est un peu triste ! J'aimais bien quand ils tenaient leur séminaire dans notre houx en piaillant à qui mieux mieux. Et le bain des pigeons qui faisaient la queue devant "leur" piscine" improvisée puis se séchaient au soleil; que c'est dur d'aimer tous les vivants en particulier les oiseaux et les chats. La chienne au moins les laisse tranquilles et que dire de Félix chien de chasse anti chasse qui les regardait picorer !
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J
Ne désespère pas Dominique : ton Goupil, désormais bien à l'abri de la faim et au calme chez vous, finira peut-être par se contenter de regarder les oiseaux évoluer autour de lui sans ressentir le besoin de les pourchasser ! Nous avons actuellement une famille de mésange -les parents et 5 ou 6 jeunes- pour qui nous avons remis une mangeoire en fonction : Gayluck et Cahouète sont souvent postés à quelques mètres à peine du lieu de nourrissage et ça se passe bien : l'instinct du chasseur ne disparaît pas en un clin d'oeil -et parfois jamais pour certains redoutables individus- mais il faut garder espoir... Les "petits miracles" existent !
C
J'étais trop intriguée, même si je suis en congé de réseaux sociaux pour le mois d'août. Très intéressant cet article et rassurant de savoir que ce n'est pas vrai qu'ils peuvent nous rendre malade! Personnellement, je les trouve beaux. Bises et bon mois d'août à vous deux!
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J
Merci Cléo d'avoir fait une petite entrave à ton congé des réseaux sociaux pour lire cet article et d'avoir pris le temps de le commenter...<br /> Je te souhaite également un très bon mois d’août : chez nous, il s'annonce plutôt maussade mais, conséquence de nos manquements, le changement climatique se fait de plus en plus sentir avec des extrêmes assez impressionnants !
J
Super la relation de l'homme entouré de pigeons confiants et reconnaissants!<br /> Excellente l'indication du pigeon dans la transmission d'analyses de sang ou le sauvetage de naufragés.
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J
On n'y pense pas souvent mais, pour certains SDF, ces oiseaux sont d'un immense réconfort ! J'ai beaucoup aimé cette photo que je ne pouvais qu'adjoindre à cette publication...
C
Bel article superbement illustrés ! Merci à vous Jean-Louis pour ce partage très instructif !
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J
Merci Claire : vos compliments me vont droit au cœur... Votre retour aussi !
J
Chez nous, aux Joubarbes, aucune forme de spécisme : nous nourrissons aussi bien les moineaux que les pigeons, qu'ils soient bisets ou, plus class : voyageurs de passage ! De fait, ils sont une trentaine à venir quotidiennement chez et, pour rassurer ceux qui craignent une quelconque explosion de la population à cause de ces nourrissages : la population est stable depuis 20 ans que nous sommes là !
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J
Sa passion pour les statues, les clochers d'église, les monuments divers lui vaut pas mal d'ennuis.
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J
On peut voir le problème différemment : le fait que les fientes de pigeons souillent certains monuments très (trop) appréciés par eux créent de nombreux emplois ! Il n'y a qu'à voir le nombre d'entreprises qui se sont spécialisées dans le nettoyage des monuments en question ! Il y en d'autres aussi, que j'aime beaucoup moins qui sont, elles, spécialisées dans la capture et la "destruction" des volatiles honnis...
D
comme pour beaucoup de choses, c'est question d'équilibre<br /> par exemple les charmants écureuils de nos forêts peuvent devenir encombrants dans certains parcs, américains par exemple
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J
Le sujet de l'équilibre est... disons quelque peu "brûlant" car, il faudrait dès lors aborder également la densité de population... humaine et là, oula, ça craint !
J
J’apprécie bien un couple de ramiers un peu lourdauds qui me rendent visite tous les jours ainsi que les écureuils qui vont encore manger et cacher plus de noisettes que moi. Même les mexicains on peu plus effrontés me plaisent et donnent de l’animation dans les parcs.