Une nouvelle espèce de petit lémurien identifiée à Madagascar

Publié le par Jean-Louis Schmitt

Des scientifiques ont identifié une nouvelle espèce de petit lémurien à Madagascar. Appelée Microcebus jonahi ou microcèbe de Jonah, l'animal mesure moins de trente centimètres de long et est déjà, comme ses congénères, en danger d'extinction.

Le microcèbe de Jonah arbore une fourrure dense d'un brun rougeâtre et une bande blanche entre les deux yeux. Photo : © Dominik Schüssler

Les lémuriens sont des primates endémiques de l'île de Madagascar. Une centaine d'espèces sont à ce jour répertoriées dont le maki catta (Lemur catta), reconnaissable à sa queue rayée, qui fait partie des plus connus. Ce groupe abrite pourtant des spécimens encore plus étonnants : les microcèbes, des primates à la taille extraordinairement petite qui comptent désormais un nouveau membre.

Dans une étude publiée par la revue American Journal of Primatology, des scientifiques annoncent en effet avoir découvert une nouvelle espèce de microcèbe. Un petit animal qu'ils ont nommé Microcebus jonahi ou microcèbe de Jonah en hommage au professeur Jonah Ratsimbazafy, un biologiste et primatologue malgache spécialisé dans l'étude et la conservation des lémuriens de Madagascar.

Une centaine d'individus scrutés à la loupe

En raison de leur petite taille et de leur nature nocturne, ces primates sont relativement difficiles à observer dans leur milieu naturel. Distinguer une espèce d'une autre n'est donc pas une tâche aisée. A l'heure actuelle, 25 espèces de microcèbe sont dénombrées mais les chercheurs soupçonnent l'existence de spécimens suffisamment différents pour être considérés comme une espèce à part entière.

Pour remettre le compteur à zéro, une équipe internationale de scientifiques a mené une vaste étude dans le nord-est de Madagascar. Sur un ensemble de cinq sites différents, ils ont analysé un total de 117 individus dont ils ont comparé l'ADN mais aussi les mensurations, la couleur du pelage, les habitudes de reproduction ou encore l'habitat.

Ils ont ainsi constaté que certains microcèbes semblaient appartenir à une lignée suffisamment différente des autres pour être considérée comme distincte. "Nous avons démontré que les nouveaux individus appartiennent à une lignée différente, une espèce encore jamais décrite", a expliqué dans un communiqué, Lounès Chikhi, généticien de l'Instituto Gulbenkian de Ciência au Portugal et co-auteur de l'étude.

Microcebus jonahi est légèrement plus grand que les autres microcèbes. Il mesure une vingtaine de centimètres de long, du nez à la queue, et pèse moins de 70 grammes. Ses oreilles sont petites, sa fourrure est courte mais dense et d'une couleur brun rougeâtre. Il se distingue également par la présence au niveau de ses yeux d'une bande blanche qui court jusqu'à son front.

Ces recherches n'ont pas seulement permis de mettre en évidence un nouveau primate. Elles bousculent également les connaissances concernant les espèces déjà décrites. Les résultats de l'étude suggèrent en effet que deux d'entre elles, M. mittermeieri et M. lehilahytsara, pourraient finalement ne pas être distinctes mais des travaux supplémentaires seront nécessaires pour le confirmer.

A peine décrit, déjà menacé

Si Microcebus jonahi vient à peine de rejoindre le groupe des lémuriens en tant que nouvelle espèce, il n'échappe malheureusement pas aux pressions qui pèsent sur eux. Sur les 107 espèces de lémuriens décrites, 103 sont considérées comme menacées et 33 sont classées en danger critique d'extinction par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

Ces animaux décrochent ainsi le sombre titre de primates les plus menacées sur Terre. Et la situation du microcèbe de Jonah ne semble pas meilleure que celle de son congénère, le microcèbe de Mme Berthe (Microcebus berthae), plus petit primate au monde qui figure sur la liste rouge de l'UICN dans la catégorie en danger critique.

D'après la nouvelle étude, M. jonahi évolue dans une zone forestière limitée au sein du parc national de MananaraNord et dans une forêt communautaire située à proximité du village d'Ambavala. Son habitat couvrirait ainsi une surface très réduite d'environ 1.500 kilomètres carrés et ce, dans une région particulièrement touchée par la déforestation.

"Nos données montrent de façon préoccupante que les populations géographiquement limitées de M. jonahi [...] présentent un risque élevé d'extinction locale et probablement permanente lié à la déforestation et la fragmentation de l'habitat", écrivent les auteurs dans leur rapport. Dix espèces de microcèbe sont actuellement classées comme menacées et quatre sont en danger critique.

En décembre dernier, une étude a dressé un bilan inquiétant pour les forêts de Madagascar. Depuis les années 1950, l'île aurait déjà perdu 44% de sa couverture forestière et la tendance est loin de s'inverser. Les auteurs ont estimé que si la déforestation continue au rythme actuel, l'habitat des lémuriens pourrait chuter de 81% d'ici 50 ans. Et de plus de 90% en y ajoutant les effets du changement climatique.

Interrogé par le site Mongabay, le Pr. Jonah Ratsimbazafy s'est dit ravi de l'identification de cette espèce nommée en son honneur et a fait part de son inquiétude quant à son avenir. "C'est une bonne nouvelle dans une mauvaise période", a-t-il réagi. Avec plus de 11.000 cas et 100 morts, Madagascar est en effet durement touchée par l'épidémie de Covid-19.

Emeline Férard/Géo (05/08/2020)

https://geo.img.pmdstatic.net/pad/http.3A.2F.2Fprd2-bone-image.2Es3-website-eu-west-1.2Eamazonaws.2Ecom.2Fgeo.2F2020.2F08.2F05.2F9da6df09-9596-4211-8486-eabd13bf8fb2.2Ejpeg/650x487/quality/80/9da6df09-9596-4211-8486-eabd13bf8fb2-jpeg.jpegLa nouvelle espèce de microcèbe évolue dans une zone forestière limitée au nord-est de Madagascar où la déforestation est très présente. Photo : © Dominik Schüssler

Vidéo : Madagasdcar : sanctuaire de la biodiversité. Lémurien Indri Indri (4:25)

 

 

 

 

 

 

 

Si vous avez apprécié cette publication,

partagez-là avec vos amis et connaissances !

Si vous souhaitez être informé dès la parution d’un nouvel article,

Abonnez-vous !

C’est simple et, naturellement, gratuit !

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
J
Intéressant mais comme ils vivent dans un des pays les plus pauvres du monde, y-a-t-il une solution ?
Répondre
C
C'est à la fois chouette et triste : en attendant, ça aura occupé, durant quelques temps, des chercheurs (trouveurs) ce qui n'est pas mal non plus...
Répondre
D
L’avantage d'avoir découvert ce petit lémurien à temps c'est que, dans 5 ans, au moins on saura qu'il a existé ! Entre temps, les bras ballants, on l'aura déclaré "rare", "menacé", puis, finalement "en voie disparition", avant de l'inscrire, penaud, mais un peu tard dans la liste des "disparus à jamais".<br /> Quel dommage que les cons, les spéculateurs, les pollueurs, les exterminateurs et les politiques complices ne subissent pas le même sort ! Cela ferait enfin des vacances pour la planète…
Répondre
B
Adorable petit lémurien hélas menacé.<br /> Beau reportage télévisé.<br /> Bonne fin de journée Jean-Louis
Répondre
C
Génial une nouvelle espèce, mais déjà en voie d'extinction, quelle tristesse... Merci pour tes articles Jean-Louis, c'est toujours un plaisir.
Répondre
J
La question de Domi est pertinente. Si la découverte d'une espèce sert à attirer les touristes ou à fournir les zoos mondiaux.
Répondre
D
Les études elles-mêmes ne mettent elles en danger les plus fragiles?
Répondre