Le comédien qui murmurait à l’oreille des chevaux

Publié le par Jean-Louis Schmitt

Jean Rochefort, la moustache la plus légendaire de France, le cavalier le plus élégant de l'Hexagone, et l'acteur à la verve iconique et au verbe gracieux, a tiré sa révérence.

Parmi les passions du comédien décédé dans la nuit du 8 au 9 octobre, les chevaux avaient une place particulière. Entre deux tournages, il montait dans la forêt de Rambouillet, où il s'était installé. Et il en tirait des leçons d'élégance et de vie.

Il disait que les chevaux lui avaient appris des fondamentaux qui l'avaient fait progresser dans son métier d'acteur. «Ne pas en faire trop, ne pas demander deux choses à la fois.» Il répétait souvent cette formule et en souriait, coquin. Les chevaux, un souvenir d'enfance. Les chevaux, des amis de la famille. Il y eut un grand-père cocher, mais qui progressa beaucoup dans la vie et devint un bourgeois entreprenant.

Mais c'est le jeu du comédien qui passionna d'abord le jeune Rochefort. La vocation de l'équitation lui était venue relativement tard, alors qu'il tournait Cartouche, à l'orée des années 1960. Il a la trentaine. Il commence à être connu au cinéma, il continue à beaucoup jouer au théâtre - et sous la direction de Claude Régy, autour de Delphine Seyrig - mais les chevaux entrent dans sa vie pour toujours.

Jusqu'au début des années 2000, il aura monté à cheval chaque fois que les tournages ne l'éloignaient pas trop de chez lui. Ensuite, il y eut l'aventure assez cauchemardesque du tournage de L'Homme qui a tué Don Quichotte « de Terry Gilliam. Ce cavalier hors pair, confronté à des conditions différentes, et notamment une selle qui n'avait rien à voir avec ses belles selles anglaises. Harnaché trop lourdement, il voit ses vertèbres s'écraser, littéralement. Une double hernie discale interrompt le tournage... Ceci est une autre histoire, mais, de ce moment, le cavalier Rochefort ne montera plus ses chers chevaux. Il doit demeurer couché sept longs mois.

Il continue de vivre auprès de ses chers amis. Surveille son élevage. S'inquiète des uns et des autres. Mais il ne sera plus jamais en selle vraiment. Dans l'espoir de remonter un jour, il dessinait des selles, quelques années après le tournage avorté.

Toute sa vie fut organisée pour les chevaux

Des années auparavant, en pleine maîtrise de ses moyens, et alors que depuis une bonne dizaine d'années, il était entré dans la cour des éleveurs, avec ses chevaux célèbres et ses pouliches fertiles, il avait tourné un film documentaire très joli, Rosine, histoire d'une jeune fille éprise d'équitation.

Toute la vie de Jean Rochefort fut organisée pour les chevaux. Il s'était installé près de Rambouillet. Comme Georges Wilson, qui était à Clairefontaine. Comme son ami Henri Virlogeux, près de Sonchamp. Mais ce dernier se contentait d'une famille de chats et de chiens. Pas comme la grande carcasse de Wilson qui avait lui aussi un amour profond des chevaux, mais ne développa jamais ses écuries autant que Jean Rochefort. Lui aimait être considéré comme un éleveur. Il voyageait beaucoup pour assister aux ventes et pour, toujours, prendre des cours.

Il faisait des stages, comme un éternel débutant, en Espagne, en Autriche, en France, au Portugal, partout il allait à la rencontre de ceux de son «métier», qui fut son jardin, loin de l'agitation médiatique et des succès de théâtre et de cinéma.

Des haras d'Auffargis à la maison de Grosrouvre, c'est un gentleman, amoureux des tweeds anglais et de la noblesse des animaux qui aura su trouver sa vraie place dans le monde très rigoureux de l'équitation. En 2004, Jean-Pierre Raffarin lui avait remis la médaille du Mérite agricole. Et cela, il en était très fier...

Armelle Héliot/Le Figaro (09/10/2017)

En quelques dates…

- 1930 : naissance à Paris, d'un père cadre dans l'industrie pétrolière, originaire de Dinan, et d'une mère comptable.
- 1947 : il prend des cours de théâtre à l'école de la rue Blanche. Il entre ensuite au Conservatoire national de Paris, où il a pour condisciples Jean-Paul Belmondo, Claude Rich et Jean-Pierre Marielle.
- 1961 : premier succès au cinéma avec Cartouche.
- années 1970 : acteur favori d'Yves Robert, avec qui il tourne de nombreux films très populaires (Le grand blond avec une chaussure noire, Le retour du grand blond, Un éléphant, ça trompe énormément)...
- 1973 : il tourne dans L'horloger de Saint-Paul, de Bertrand Tavernier, qu'il considère comme un tournant majeur dans sa carrière.
- 1976 : il obtient le césar du meilleur acteur dans un second rôle pour Que la fête commence, de Bertrand Tavernier.
- 1978 : césar du meilleur acteur pour Le crabe-tambour, de Pierre Schœndœrffer.
- 1999 : césar d'honneur pour l'ensemble de sa carrière.
- 2015 : à 85 ans, il tourne dans Floride, de Philippe Le Guay, avec Sandrine Kiberlain.

 

Lire aussi - Jean Rochefort, la fièvre du cheval

Publié dans Disparition

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J
J'aimais l'acteur, le comédien et son humour parfois noir ! J'aimais l'homme lorsqu'il évoquait les chevaux avec ses yeux qui, instantanément, se mettaient alors à briller... Il respectait beaucoup -me semble-t-il- l'animal ce qui me le rendait naturellement encore plus sympathique !
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