Taxer la viande, une option de plus en plus envisageable

Publié le par Jean-Louis Schmitt

La mise en œuvre de l’accord de Paris poussera certains gouvernements à introduire une taxe sur le bétail afin de réduire la consommation de viande. Une décision qui pourrait faire économiser plus de 500 milliards de dommages climatiques…

 

Photo d'illustration : JLS

 

Le réseau FAIRR a publié un nouveau rapport le 12 décembre 2017 sur la manière dont les « taxes comportementales » sur la consommation de viande pourraient améliorer la santé publique et réduire les risques climatiques. Le livre blanc estime que les taxes récemment introduites sur le sucre, sur le carbone et sur le tabac pourraient être appliquées à la production de viande puisque les pays explorent de nouveaux moyens de respecter les engagements de l’accord de Paris.

 

Pour Jeremy Coller, le fondateur de FAIRR, « les taxes comportementales sont de plus en plus communes. Ces dernières années, 16 pays ont adopté une taxe sur le sucre. Les dégâts que cause l’industrie de la viande sur notre santé et notre environnement l’exposent à des taxes similaires. Il est de plus en plus probable que nous voyons l’idée d’une taxe sur la viande devenir une réalité. L’octroi continu de subventions pour la viande est le contraire de ce qui est nécessaire pour que les décideurs politiques et pays respectent l’accord de Paris. Les investisseurs devraient commencer à prévoir cela. Si les politiques veulent couvrir le coût réel des épidémies animales comme la grippe aviaire ou les maladies humaines comme l’obésité, le diabète ou les cancers, tout en s’attaquant au double défi du changement climatique et de la résistance aux antibiotiques, alors arrêter de subventionner l’industrie de la viande et commencer à la taxer semble inévitable. »

 

Le rapport du FAIRR cite une recherche de l’université d’Oxford, qui révèle qu’éliminer complètement la viande des régimes alimentaires mondiaux permettrait d’économiser 1 600 milliards de dollars en coûts liés à la santé et l’environnement d’ici à 2050. Un changement rapide vers des régimes alimentaires végétariens et équilibrés permettrait d’économiser plus de 500 milliards d’euros liés aux dégâts du changement climatique. Plus de 180 juridictions ont mis en place une taxe sur le tabac, 60 ont instauré une taxe sur le carbone et 25 au total sur le sucre. Même si le rapport ne précise pas ce que la taxe sur la viande couterait, il propose que les entreprises mettent en place un « prix fictif » interne – comme c’est le cas pour le carbone – pour prendre en compte les futurs coûts. FAIRR publiera officiellement le rapport en 2018.

 

Défaite de la viande

 

L’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) estime que l’industrie de l’élevage est responsable de 14,5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Les prévisions indiquent par ailleurs que la consommation mondiale de viande augmentera de 76 % d’ici à 2050. Des pays comme la Suède et le Danemark ont déjà exploré l’idée d’une taxe sur la viande. Copenhague envisageait de mettre en place une taxe de 2,7 dollars par kilogramme. Selon une étude de l’Institut de recherche technique suédois, les agriculteurs européens pourraient réduire les émissions en s’éloignant des pratiques d’élevage et en incluant de nouvelles technologies agricoles. Cette approche combinée pourrait réduire les émissions de près de 50 %.

 

Un rapport du think tank Chatham House estime quant à lui qu’un changement dans les habitudes alimentaires pourrait permettre d’économiser chaque année six gigatonnes de CO2, alors que l’université d’Oxford révèle que des surtaxes de 40 % sur le bœuf et de 20 % sur le lait pourraient compenser les dégâts que ces industries causent sur les populations via le changement climatique. Des études soutiennent que si la trajectoire de la consommation de viande et de lait se poursuit, le secteur agricole sera responsable de l’émission de 20 gigatonnes de CO2 par an, alors que la limite établie par l’accord de Paris est de 23 gigatonnes. Ce qui ne laisse plus que 3 gigatonnes d’émissions pour les autres secteurs de l’économie mondiale. Durant les négociations climatiques de la COP23 à Bonn, les représentants de FAIRR ont appelé les délégués à « mettre les vaches au même niveau que les voitures » en priorisant les actions de réduction des émissions dans le secteur de l’élevage.

 

Matt Mace/edie.net

 

 

Pour aller encore plus loin…

Dans sa récente tribune dans Libération.fr, David Chauvet a mis le doigt sur un véritable tabou : la taxe sur la viande. Il poursuit sa réflexion dans son dernier ouvrage. La condition animale, les finances et la santé publique ou le dérèglement climatique imputable à la viande sont autant de questions soulevées dans cet essai court et incisif, qui débouche sur cette proposition choc : « à choisir entre taxer la viande et le carburant, il vaut mieux taxer la viande »…

 

 

 

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"La souffrance d'un animal est plus importante que le goût d'un aliment" Matthieu Ricard

 

 

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J
Si cette mesure doit être adoptée, je doute que ce soit dans un avenir proche. De toute façon, elle aurait pour principal résultat de diminuer la consommation de viande des classes sociales les plus modestes, qui n'y seront donc pas très favorables, sans affecter celles des plus élevées. Même si la proportion de végétariens volontaires est sûrement plus grande dans ces dernières. Personnellement, j'ai peu de chance d'être concerné compte tenu de mon âge et de l'espérance de vie associée. La consommation de viande diminuant régulièrement, je crois qu'on peut laisser les mentalités s'adapter, avec du temps, au rythme des des découvertes de la médecine sur le sujet et des préconisations de santé qui suivront comme pour le tabac et l'alcool. Bien que je ne pense pas que le risque de santé soit aussi évident. De toute façon, le développement de l'obésité et de certaines maladies, vont dans le bons sens pour augmenter la qualité, le bio et les conditions d'élevage des animaux avant que les végétariens deviennent majoritaires. Ce qui n'est sans doute pas pour demain !
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K
Je ne mange quasiment plus de viande...<br /> Bonne soirée Jean-Louis
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F
La réduction de la production/consommation de produits animaux est une nécessité incontournable si on veut espérer sauver notre possibilité d'existence sur cette planète ! Si les agriculteurs et éleveurs en particulier sont dans une situation difficile, ils le doivent en grande partie aux politiques agricoles tournées vers le profit. Ces politiques toxiques ont mené à la destruction des terres et des gens...pour en sortir il faudrait réorienter toute la politique agricole vers des productions utiles aux humains et saines. Il faut aider les éleveurs à se reconvertir dans les productions végétales pour les humains.
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D
poisson d'avril, va dire ça aux gilets jaunes, et restauration de la gabelles pour ne pas encourager le poisson fumé
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J
Eh non Domi, ce n'est pas un poisson d'avril et, s'il est certain que la mesure -si d'aventure elle finissait par être actée- parait impopulaire, il n’en est pas moins vrai qu’elle serait tout aussi juste que le sont les taxes sur le tabac, l’alcool, les carburants etc. De toute manière, jamais les consommateurs ne payeront le prix réel de ce qui nuit à leur santé –et l’excès de protéines animales en fait partie- puisque le prix exorbitants des soins inhérents aux maladies n’est jamais pris en compte. Et pour cause…
C
Compte-tenu du clivage sociétal, de l'évolution des citoyens et de nos sociétés, de l'obligation pour tous de transformer nos pratiques pour maintenir l'"à-venir", ces options font partie sans conteste des solutions.
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C
Bonjour , vous avez une solution pour lutter contre le suicide des agriculteurs , à noter que leur salaire moyens n ' assurent plus leur subsistance !
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J
Je n’ai évidemment pas de solution miracle mais quelques certitudes ! Ainsi, je pense que dans le monde agricole (comme ailleurs en fait…) il y a d’authentiques nantis : ce n’est pas la majorité, loin de là et bien au contraire ! Ces "gros" se partagent allègrement la galette ne laissant aux "petits" que quelques menues miettes… Je trouve les drames qui en découlent tout aussi insupportables que vous et ne peut qu’inviter les vrais paysans –au sens noble du terme- à changer radicalement leur manière de travailler et de produire ! Il faut en finir avec cette agriculture productiviste qui ne respecte même pas ce qui fait vivre les travailleurs de la terre à savoir, le sol lui-même…
Z
Voilà au moins pour une fois une taxe que je ne paierai pas! Y'en a à qui ça va donner des aigreurs d'estomac!
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J
De gré ou de force, il faudra bien que l’humanité change ses habitudes alimentaires qui, pour partie, sont devenues complètement démentes avec les conséquences que l’on sait sur la santé, sur l’environnement et, bien entendu, sur le traitement insensé des animaux destinés à la consommation ! Un sujet de réflexion d’actualité puisqu’il est désormais prouvé que l’élevage ou tout au moins une grande partie de l’élevage –l’intensif qui est de plus en plus l’abominable "norme"- est largement responsable du dérèglement climatique…
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O
Comme le souligne J.Louis une taxation de la viande ne me paraît pas plus illégitime que celle du gazole. Encore que dans un pays rebelle comme le nôtre ça ne va pas être évident. Le gaulois réfractaire mangeur de sangliers ne sera pas facile à convaincre. Enfin quand je dis rebelle, j'entends hors périodes de collaboration et de juteux marché noir où le gigot était taxé d'office. Pour l'application de l'impôt steak et saucisson il faudra s'attendre à quelques contorsions législatives et à une certaine hostilité de la part des bouchers-charcutiers et agriculteurs, ce qui est compréhensible. Pédagogie et sens de la nuance seront indispensables.
J
Mon cher Domi, bien sûr qu’on "radote" mais n’est-ce pas le cas de tout un chacun qui a des convictions ? Je sais bien qu’il y a des choses qu’on ne souhaite pas entendre parce que ça bouleverse des habitudes qu’on n’a justement aucune envie de changer ! En ce qui me concerne, je pense qu’il n’est pas une chose qu’il convient de prioriser mais tout un mode de vie qu’il faut révolutionner ! Si cela passe indéniablement par des comportements individuels à faire évoluer, l’attitude de toute notre société est condamnée à changer évidemment aussi et sans doute de manière importante et, encore une fois, de gré ou de force car, devant l’urgence qui est celle devant laquelle nous nous trouvons, nous n’avons plus vraiment le choix ! Quant à la prétendue "culpabilisation" des non-végétariens : chacun interprète selon sa propre sensibilité !
D
au lieu de se priver de la poule au pot commençons par arrêter la course aux armements, les excès de déplacements motorisés et de chauffage-climatisations polluants, les épandages de pesticides, les modes de construction énergivores, l'usage du charbon, et arrêtons de culpabiliser les non-végétariens, cet acharnement devient insupportable. Une fois l'info diffusée, pourquoi radoter ???