De l’œuf à la poule
Hommage à Princesse qui vient de nous quitter : elle avait neuf ans et demi (pour une poule de cet âge, c’est quasi « canonique » et, pour le coup, le « demi » ça compte…). Princesse a eu un destin peu commun : poussin d’un jour, elle était en effet destinée à nourrir les cigognes d’un parc de la région ! Le destin en a décidé autrement et, ensemble, nous avons traversé quasiment une décennie avec tout ce que cela comporte…
La poule Princesse. Photo : JLS
Mais, avant d’en revenir au cas particulier de Princesse, il n’est jamais superflu de rappeler le sort terrifiant de ces millions de poules pondeuses confinées dans des élevages de plus en plus gigantesques et donc dépourvus de la moindre once d’humanité (1) ! Âgées de quelques semaines (18 pour être précis) les jeunes poulettes vont rejoindre l’une ou l’autre de ces « usines » (2) dont elles ne ressortiront qu’environ 70 semaines plus tard, après avoir pondu quelques 300 œufs par an. Le calvaire ne s’arrête pas lors de la « mise à la réforme » puisque les malheureux volatiles connaîtront encore les affres d’un ultime transport qui les mènera vers un abattoir situé parfois à plusieurs centaines de kilomètres… Mais, n’allons pas trop vite !
Les bâtiments de ponte
Ce sont pour la plupart d’immenses hangars dépourvus de fenêtre : difficile pour le néophyte d’imaginer que derrière ces murs ce sont des dizaines de milliers de poules qui survivent dans un univers de cauchemar où tout -l’éclairage, les tapis de fientes, l’évacuation des œufs, la distribution de la nourriture, de l’eau…- est automatisé (3) ! Afin que la rentabilité soit maximale, les volailles y sont entassées (5 à 60 par cage selon les élevages) : elles ont généralement si peu d’espace que le moindre déplacement occasionne naturellement une gêne pour les compagnes de misère…
Le vacarme dû à la densité de population confinée est évidemment assourdissant, insupportable pour tout être normalement constitué… Pourtant, les captives n’ont d’autre alternative que d’endurer cet enfer le temps que durera leur [courte] vie ! La folie très logiquement les guette et, après quelques semaines de ce traitement dément, la plupart des poules « développent des anomalies du comportement » (4)…
Et puis, il y a toute la batterie de traitements et vitamines nécessaires afin que les volailles « tiennent le coup » ! Le récent scandale lié au Fipronil n’est qu’un exemple parmi d’autres de produits (parfaitement légaux… ou pas) utilisés dans ces élevages où les risques sanitaires, concentration oblige, sont bien évidemment considérables… Mais, que le consommateur se rassure : il peut tout à son aise continuer à se gaver d’œufs issus de ces élevages monstrueux puisque les différents ministères veillent scrupuleusement aux grains J !
Photo : L214
Grandir vite, mourir jeune
Si la vie d’une poule pondeuse n’est guère enviable, celle des poulets dits « de chair » ne l’est guère davantage ! La demande de viande de volaille à bas prix ne cessant d’augmenter (5) les élevages concentrationnaires continuent très logiquement à se développer de même… Le gigantisme des installations semble, là encore, n’avoir aucune limite et, sur les 845 millions de poulets élevés chaque année en France, la plupart (80 %) le sont de manière intensive avec généralement de 17 à 22 oiseaux au m² ! La densité de population est telle –certains élevages disposent de bâtiments (injustement appelés « poulaillers ») de 40 000 individus- que « plus ils grandissent, plus leurs conditions de vie se dégradent. Cette surpopulation provoque de sérieux problèmes de bien-être et les poulets souffrent de nombreuses pathologies. Privés d’exercice essentiel pour le développement osseux, ils souffrent souvent de problèmes de locomotion. La litière n’est généralement pas changée durant la durée de vie des animaux et devient progressivement humide et chargée en ammoniac provenant des excréments. Le contact prolongé avec cette litière provoque souvent des inflammations cutanées chez les poulets... » (6).
Les races étant soigneusement sélectionnées sur des critères basés essentiellement sur la rapidité de la croissance, le calvaire des poulets en question n’excède généralement pas 40 jours (environ 6 semaines) au bout desquels les animaux atteignent leur poids idéal d’abattage !
Pour ceux qui douteraient encore de la réalité des conditions de vie décrites ici, de nombreuses vidéos sont disponibles sur les réseaux sociaux et, bien mieux que les mots, montrent les affres endurées par ces malheureuses bêtes durant leur courte vie !
Photo : L214
L’abattoir, comme une délivrance
Ultime étape d’une existence véritablement hallucinante, l’abattoir peut en effet être perçu comme tel ! Pour autant, les choses ne se passent pas aussi simplement et, avant de passer de vie à trépas, les volailles doivent encore passer par d’incontournables cases tel le « ramassage » où elles sont entassées en grand nombre dans des caisses (7) et le transport toujours éprouvant qui s’effectue selon le cours du marché sur des distances plus ou moins longues… !
Enfin, arrivées à l’abattoir, « elles sont sorties des caisses, suspendues conscientes à des crochets sur une chaîne automatique. Elles sont ensuite plongées dans un bain électrifié, saignées, déplumées, éviscérées puis conditionnées pour la consommation. L'accrochage, l'étourdissement électrique et la saignée ne sont pas des opérations indolores. Elles occasionnent stress et souffrances à un grand nombre d'oiseaux » (8)…
Photo : L214
Tout part… de l’œuf
Avant de « produire » des poulets ou des poules pondeuses, n’oublions pas l’étape du couvoir ! C’est là que tout commence en effet… D’emblée, balayons l’image bucolique de la mère-poule veillant jalousement sur ses poussins dont l’industrialisation à rapidement eu raison !
Dans ces couvoirs gigantesques éclosent quotidiennement des milliers de petites boules jaunes qui, selon les commandes, sont expédiées vers les élevages ! Certains couvoirs sont spécialisés dans la production de femelles (destinées à devenir des poules pondeuses donc) d’autres ne fournissent que des mâles (futurs « poulets de chair »). Or, dans les deux cas, les « produits non commercialisables » sont impitoyablement « détruits » et, souvent de manière violente (broyés ou entassés vivants dans d’énormes sacs poubelles)… Et c’est précisément de là que venait notre Princesse : un enfer dès le premier jour d’une existence qui aurait dû s’achever illico ! Le sort en aura décidé autrement et notre merveilleuse poule rescapée n’aura laissé indifférent aucun des nombreux visiteurs qui l’ont croisé dans le jardin où, en compagnie d’autres compagnons d’infortune, elle aura vécu une belle et, finalement, exceptionnellement longue vie de… Princesse !
JLS
- En France, elles sont entre 40 et 50 millions à vivre ce cauchemar au quotidien !
- Seules 25% des poules pondeuses françaises ont un accès à l’extérieur des bâtiments (bio : 7%, label rouge 5% et plein air 13%) : tout le reste ne connaîtra jamais autre chose que l’univers sordides des cages où elles sont entassées…
- Voir à ce propos la vidéo de L214 sur l’élevage des poules pondeuses.
- « Mouvements stéréotypés prolongés, agressivité (voire cannibalisme) envers leurs congénères. Leurs os sont très fragiles à cause du manque de lumière et du manque d'exercice… » (Source : L214)
- En 30 ans en France, la consommation de volailles par habitant a plus que doublé, passant de 12 kg/habitant en 1970 à plus de 25 kg aujourd'hui. (Source : CIWF France)
- Source : CIWF France
- « Effectué à grande vitesse par des travailleurs recrutés pour l’occasion, donc souvent inexpérimentés, [le ramassage] se fait rarement en douceur. Il occasionne fréquemment des fractures aux pattes, surtout pour les poules qui ont vécu un an en cage. » (Source : L214)
- Source : L214
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