La notion d'espèce « nuisible », un non-sens scientifique
Le 25 juin 2023, sur Nature d'ici et d'ailleurs

Comme tous les trois ans, le ministère de la Transition écologique s’apprête à publier la liste des espèces susceptibles d’occasionner des dégâts, c’est le nouveau nom pour dire nuisibles.

Dans cette liste on trouve par exemple : le corbeau freux, la corneille noire, le geai des chênes, le renard, la belette ou encore la fouine. Si leur classement comme nuisible est reconduit, ces espèces pourront continuer à être chassées toute l’année, sans limitation. C’est ainsi que près de 7 millions de renards ont été tués en France ces quatre dernières années.

Officiellement, si ces espèces sont classées nuisibles, c’est parce qu’elles causent des dégâts aux activités humaines. Les renards, les fouines ou les martres sont par exemple accusés de se servir dans les élevages de volailles. Quant aux corneilles et aux corbeaux, on leur reproche d’abîmer les cultures en mangeant des graines.

Sauf que ces dégâts sont simplement déclarés par des particuliers, des agriculteurs ou des chasseurs, sans qu’aucun contrôle ne soit effectué pour s’assurer de la réalité des préjudices. Et la situation est parfois ubuesque, comme dans le Pas-de-Calais, le fief du président de la fédération nationale des chasseurs, Willy Schraen, et le seul département de France où la belette est considérée comme nuisible.

Écoutez bien : dans le Pas-de-Calais, les chasseurs ont tué environ 15 000 belettes entre 2018 et 2022, soi-disant parce qu’elles mangent des poules. Et devinez quel est le montant des dégâts qui leur est imputé pour justifier ce massacre ? 388 euros dans les élevages professionnels et 8285 euros dans les jardins des particuliers, où les poules ne sont pas protégées. On a donc tué 15 000 belettes pour 8673 euros de dégâts présumés. Pour ceux qui la considèrent comme nuisible, la vie d’une belette vaut 50 centimes.

Qu’en pensent les scientifiques ?

Ils sont vent debout car la notion d’espèce nuisible est un non-sens scientifique. Les ornithologues de la Ligue pour la protection des oiseaux alertent sur le cas du geai des chênes, considéré comme nuisible, alors qu’il est l’un des principaux planteurs d’arbres en France, lui qui dissémine des glands un peu partout dans nos forêts.

Le grand biologiste Gilles Bœuf, que j’ai eu au téléphone et qui était l’invité de la matinale jeudi dernier, rappelle que les renards, fouines et autres belettes sont des espèces indigènes, apparues bien avant l’humain, qui ont une place indispensable dans les écosystèmes, notamment en régulant les populations de rongeurs.

Et puis, quand on y réfléchit, c’est quand même cocasse que nous, les humains, choisissions qui est nuisible et qui ne l’est pas. Nous qui avons colonisé la terre entière, du fond des mers au sommet des montagnes, rasé des forêts pour construire nos villes, changé le climat et provoqué la sixième extinction de masse.

Hugo Clément

 

 

 

 

 

 

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