La belette persécutée pour le bonheur du Pas-de-Calais
Le poids de deux œufs durs à peine et pourtant la belette pèse lourd dans la balance. Elle pourrait même conduire la plus haute juridiction du pays, le Conseil d’État, à se pencher sur son sort. Qu'est ce qui vaut à ce petit mustélidé un tel pouvoir ? Sa pathétique fragilité…
Elle n’a pas le goût du paraître, la discrétion lui convient davantage. Pourtant, lorsqu’elle apparaît fugitivement, comment ne pas être séduit par sa grâce conjuguée à sa beauté ? Un corps effilé lui permettant de passer dans un trou grand comme une pièce de 2 euros, une fourrure brune aux reflets roux coiffant un poitrail et un ventre immaculés, une queue ramassée et des yeux vifs : voilà pour un rapide portrait du plus petit carnivore d’Europe dont la taille se limite à une vingtaine de centimètres.
La belette génère la sympathie, l’étymologie de son nom en témoigne. En italien elle est appelée « donnola », en portugais « doninha », autrement dit « petite femme ». Ailleurs, on l’a baptisée « belle petite bête », « petite fiancée » ou « petite marraine ». Que de l’affectif, en résumé. Par ailleurs, lorsque l’on sait que son régime alimentaire est essentiellement constitué de petits rongeurs du type campagnols ou mulots, on ne peut éprouver que de la reconnaissance pour son rôle d’auxiliaire au côté des agriculteurs.
Son métabolisme souvent qualifié de suractif, l’oblige à manger constamment. Elle traque ainsi ses proies jour et nuit en assurant son rôle non-négligeable de régulation. Les projections effectuées sur les prélèvements concluent que trente belettes consomment quelque 10 000 rongeurs par an et qu’elles ne s’épanouissent que dans les sites où la nourriture est abondante.
Les chasseurs s’en mêlent
Un portrait aussi flatteur devrait mettre la belette à l’abri des tracas. C’est sans compter le point de vue radicalement différent de certains chasseurs. Ces derniers reprochent au petit mustélidé de s’en prendre au gibier. Il est vrai que le monde cynégétique élève, chaque année (dans des conditions souvent discutables) près de 20 millions de faisans, perdrix et autres lièvres destinés à satisfaire les fusils. La belette se sert au passage, c’est incontestable. Ajoutons qu’elle s’en prend parfois aux élevages de volailles et l’on ne s’étonnera pas qu’elle figure sur les listes des espèces dites « nuisibles ». Certes, le terme a été aboli lors de la loi de 2016 sur « La Reconquête de la Biodiversité », il faut désormais parler d’ESOD (Espèces susceptibles d’occasionner des dégâts) mais le résultat reste le même : il faut en finir avec la belette jugée coupable avant même d’en apporter la preuve.
Son sort va se jouer aux côtés de neuf autres espèces, dans les semaines à venir. Le ministère de la Transition écologique a, en effet, prévu de déterminer la liste des « ESOD » d’ici la mi-juillet et la présence de la belette est désormais avérée sur l’inventaire fatal. Partout en France ? Curieusement non ! Seul un département a décidé de lui faire la peau, c’est le Pas-de-Calais. Partout ailleurs, la belette peut vaquer sans risquer d’être sanctionnée. Pourquoi donc le Pas-de-Calais s’apprête-t-il à pouvoir tuer la bête durant toute l’année ? Peut-être faut-il chercher du côté du Président de la FNC (Fédération Nationale des Chasseurs) qui habite précisément ce département… La haute instance cynégétique ne se prive du reste pas pour affirmer sa volonté d’en finir avec la belette. Si elle n’a pas effacé cette dangereuse délictueuse du paysage, elle a tout de même réussi à en faire éliminer près de 15 000 entre 2019 et 2022.
Consciencieusement, l’administration a évalué les dégâts occasionnés à 13 306 euros soit un peu moins de 1 euro par victime. Comment un tel bilan a t-il était établi ? L’affaire devient plus singulière, voire plus mystérieuse. Il y a d’abord eu les éleveurs de lapins ou de volailles qui ont manifesté une perte de … 388 euros. Pour le reste, tout repose essentiellement sur les déclarations des chasseurs pointant la belette au titre de prédatrice de gibier. Sur quelle base d’identification les déclarations sont-elles réalisées ? Des courriers adressés ici et là à l’administration sur le principe de la bonne foi. À ce propos, il serait judicieux de savoir comment distinguer les traces laissées par les martres, les fouines ou les belettes. Autre question qui mérite réponse : comment les 95 autres départements de la France métropolitaine s’accommodent-ils de la redoutable belette alors que le Pas-de-Calais se bat pour l’éliminer ? Une fois de plus, l’évidence s’impose : il s’agit d’un cadeau fait à l’insatiable Président des chasseurs.
La belette a besoin de vous
Les citoyens français ont pourtant la capacité de s’exprimer sur le site du ministère de la Transition écologique avant que ce dernier prenne l’arrêté condamnant la belette et ses huit autres coupables. Un large soutien de l’opinion publique, conjugué à l’action des associations de protection de la nature, peut sauver la belette.
Le cas du putois, lui aussi désigné comme « nuisible » invite à l’espoir. À force d’être chassé et piégé sans mesure, il a fini par rejoindre la triste liste rouge de l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) dans la catégorie « quasi menacée » suite au déclin catastrophique de ses populations. Un rapport de la SFEPM (Société Française pour l’Etude et la Protection des Mammifères), baptisé « Protéger le putois », a permis d’apporter un éclairage suffisamment convainquant pour que le Conseil d’Etat en vienne à statuer en interdisant son piégeage dans les deux derniers départements qui continuaient à le persécuter. Cette décision datant de juillet 2021 pourrait aussi inspirer les juges à l’égard de la belette. C’est en tout cas l’espoir porté par les associations de protection de la nature.
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