Ecouter les alertes des scientifiques sur le glyphosate
Si l'Agence européenne de sécurité des aliments estime que cet herbicide ne présente pas de « domaine critique de préoccupation », les scientifiques considèrent, eux, qu'il y a bien un danger.
La Commission européenne vient de proposer de prolonger pour dix ans l’autorisation du glyphosate, en s’appuyant sur l’avis de l’Agence européenne de sécurité des aliments, qui estime que cet herbicide ne présente pas, je cite, de « domaine critique de préoccupation ». De quoi ravir notre ministre de l’agriculture, Marc Fesneau, qui a déclaré au journal Ouest France : « On fait confiance à la science ».
Mais que dit vraiment la science sur le glyphosate ?
Regardons ce qu’en pensent les institutions de recherche. D’abord, le Centre international de recherche sur le cancer. L’organisme mondial de référence sur cette maladie, classe le glyphosate comme « cancérogène probable » depuis 2015. D’autres travaux scientifiques ont depuis renforcé cette position, notamment une vaste étude publiée en 2019, qui a suivi 300 000 agriculteurs pendant plus de dix ans*.
De son côté, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, autre institution de référence, a décidé en 2021 d’augmenter de « faible » à « moyen » le lien de présomption entre ce type de cancer et l’exposition au glyphosate. Enfin l’Inrae, l’Institut national de recherche agronomique, souligne que le glyphosate est aussi un perturbateur endocrinien, un perturbateur métabolique, un reprotoxique, un neurotoxique et un modificateur épigénétique.
Sans compter, bien sûr, les effets nocifs de cet herbicide sur la biodiversité, qui ont été démontrés par de nombreux travaux scientifiques. Mais alors pourquoi l’Agence européenne de sécurité des aliments a un avis beaucoup moins alarmant sur le glyphosate ? Parce que les experts de cette agence émettent leur avis en écartant la grande majorité des études académiques… Et en prenant en compte des tests réalisés par les fabricants de pesticides eux-mêmes, qui disent en substance « circulez, il n’y a rien à voir » !
Mais si on ne regarde que les études indépendantes, faites par des chercheurs qui n’ont pas de conflits d’intérêt, eh bien la grande majorité d’entre elles, 75%, concluent que le glyphosate à un effet génotoxique. En fait, selon la toxicologue Laurence Huc, directrice de recherche à l’Inrae, les lobbyistes ont aujourd’hui plus d’influence sur les autorités européennes que les scientifiques, et elle qualifie de « truanderie » l’expertise de l’Agence européenne.
Cette situation rappelle celle du Bisphénol A, ce plastifiant aujourd’hui reconnu comme perturbateur endocrinien. Des scientifiques alertaient dès la fin des années 1990 sur la dangerosité de ce produit. Mais ils ont été ignorés pendant des années par l’Agence réglementaire européenne, qui a attendu 2021 pour agir concrètement. Allons-nous revivre la même chose avec le glyphosate ? Réponse dans les prochains mois.
*Conclusion : Les agriculteurs en contact avec le glyphosate ont un risque plus important de développer un cancer du système lymphatique.
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