Les bruants à couronne dorée s'éloignent de leurs lieux de prédilection lorsqu’ils perdent leurs amis
Tous les ans, les bruants à couronne dorée se retrouvent au même endroit pour passer l’hiver. En étudiant une population d’oiseau de Santa Cruz, des chercheurs ont remarqué que la perte de compagnons de vol pouvait influencer le bruant dans le choix de son territoire d’hivernage.
Un bruant à couronne dorée, aux Etats-Unis. Chaque année, les bruants à couronne dorée rejoignent la côte ouest américaine pour passer l’hiver avec leurs compagnons. Photo : Jean-Lou Zimmermann/Biosphoto via AFP
Se retrouver chaque hiver, c’est le défi annuel des bruants à couronne dorée, petits oiseaux migrateurs des montagnes canadiennes. Une fois la période de reproduction terminée, les petits passereaux se défont de leur couronne dorée, et quittent les montagnes pour aller passer l’hiver jusqu’à 5.000 km de leur nid, sur la côte ouest du Canada et des Etats-Unis. Après 10 ans d’observation d’une population de bruants passant l’hiver dans un jardin botanique de l’Université de Santa Cruz, en Californie, des écologistes de l'Université de Nebraska-Lincoln s’interrogent. Pourquoi chaque année, les mêmes individus se réinstallent-ils en moyenne à moins de 30 m du centre de leur aire de répartition de l’année précédente ?
Pour comprendre si les raisons de cette fidélité au lieu d’hivernage sont d’ordre social ou logistique, les chercheurs ont identifié les oiseaux grâce à des bagues multicolores. De 2009 à 2019, l'observation attentive par des dizaines de chercheurs et de bénévoles a permis de cartographier à la fois la distribution géographique et les réseaux sociaux de chaque oiseau. Les résultats de leur étude sont publiés dans la revue The Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS).
Quels liens unissent les bruants à leur territoire d’hivernage ?
L’objectif pour les écologistes est alors de déterminer les liens qui unissent les oiseaux à leur territoire d’hivernage. Apprécient-ils le même territoire pour ses propriétés, comme sa diversité d’arbres et de buissons, ou son abondance de nourriture ? Ou bien partagent-ils cet espace parce qu'ils se plaisent en compagnie des individus qui s’y trouvent ? "Nous voulions savoir si l'une de ces forces avait la priorité. S'intéressent-ils à cette parcelle spécifique de buissons, qui est une très belle parcelle où ils reviennent chaque année ? Ou est-ce que ce sont leurs amis, leurs compagnons de troupeau, avec lesquels ils reviennent pour passer du temps et trouver des ressources ?", explique l'auteur principal, Annie Madsen, chercheuse postdoctorale à l'Université de Californie à San Diego.
Les résultats de 10 ans d’observation de la population de l’arboretum de Santa Cruz révèlent que plus un bruant à couronne dorée passe d'hivers consécutifs à Santa Cruz, plus celui-ci semble se fixer et développer une affinité pour un site particulier. "Il y a de beaux buissons partout. Mes collaborateurs disposent des tas de graines de millet (…) de sorte qu'il y ait de la nourriture partout. Et pourtant (les moineaux) reviennent toujours à ces endroits très spécifiques de l’arboretum", s’étonne la chercheuse. Ce n’est donc pas seulement pour des questions de ressources que les passereaux choisissent leur territoire pour l’hiver.
‘’Ils Construisent un capital social important’’
Mais parfois, le trajet ne se passe pas comme prévu. En étudiant les réseaux de chaque individu, Madsen et ses collègues ont découvert qu'un moineau était susceptible de perdre environ 52 % de ses compagnons de vol au cours des années de migration vers Santa Cruz. Lorsque ses amis les plus proches ne revenaient pas, le bruant avait même tendance à s’éloigner de son territoire antérieur l’année suivante. La perte d’un compagnon de vol de longue date aurait alors pour effet d’estomper les liens d’un oiseau avec son territoire. "Certaines de ces relations se construisent sur plusieurs années", déclare Annie Madsen. "Et lorsqu'un moineau revient encore et encore, non seulement il entretient des liens d'amitié avec tous ses compagnons de volée qui reviennent, mais il en crée également de nouveaux. Ils construisent donc un capital social important".
C'est d'autant plus révélateur, selon les chercheurs, que les ressources sont généralement moins rares et moins prisées l’hiver. Les bruants n’auraient en théorie pas besoin de l’aide d’autres oiseaux pour survivre. Mais là encore, des questions restent en suspens pour comprendre la nature de ce lien social. "Qu'il s'agisse de cohésion sociale - les individus restent ensemble parce qu'ils préfèrent être ensemble - ou peut-être en partie parce qu'ils essaient d'éviter les interactions de dominance avec d'autres individus, il semble qu'il y ait quelque chose, là. Il y a quelque chose d'important dans le fait d'avoir des compagnons de troupeau familiers", conclut la chercheuse, qui poursuit les recherches pour comprendre ces étonnants liens d’amitié.
Enola Tissandié/Sciences et Avenir
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