Aux Sept-Îles, la mer à tire d’aile

Publié le par Jean-Louis Schmitt

Vu du ciel, une poignée d'îlots dont le seul mérite est de résister aux embruns. Au sol, une biodiversité admirable, souvent unique, se révèle. Quittant la haute mer, des milliers d'oiseaux viennent à terre pour donner la vie. Les Sept-Îles sont devenues leur refuge.

Tout commence par l’inacceptable. Alors que s’éteint le 19ème siècle et que l’on trace les premières lignes ferroviaires, les Chemins de Fer de l’Ouest proposent un odieux safari du côté de Perros-Guirec en « côte du Nord ». Il s’agit de se rendre en bateau vers l’archipel des Sept-Îles pour tirer les « calculots », autrement dits macareux moine. Le massacre ne connaît pas de limite, seul le plaisir de tuer compte.

Dès 1901, un groupe d’amis composé d’un avocat, d’un écrivain et d’un journaliste crée un « syndicat artistique » visant à préserver les paysages du littoral. Précurseurs du futur Conservatoire du Littoral, ces passionnés veulent acheter des terrains pour les soustraire à la construction. Naturellement, le sort des oiseaux massacrés ne les laisse pas indifférents, ils s’investissent également dans leur sauvegarde. Le jeune agronome Albert Chappelier, secrétaire adjoint de la toute nouvelle LPO parvient finalement à convaincre le préfet de prendre un arrêté le 28 août 1912 interdisant définitivement le tir et la détention du fameux macareux moine, tandis que les îlots rocheux sont également protégés avant de devenir, en 1976, Réserve Naturelle Nationale. Ainsi 40 hectares de terres émergées et 240 hectares d’estran deviennent un havre de paix pour une multitude d’espèces.

Dès lors, pas question de mettre pied à terre, en tout cas sur l’île Rouzic qui conserve la plus grande concentration d’oiseaux. En revanche, l’île aux Moines, alias « Ar Jentilez » en breton, offre ses neuf hectares à la découverte. 136 espèces végétales y sont recensées, tandis que le panorama, depuis la fortification édifiée sous Louis XV pour mettre un terme aux trafics de contrebande, permet d’apprécier l’ambiance de ce bout du monde.

Une cohabitation délicate

Les vedettes « Armor Navigation » s’attardent évidemment aussi devant Rouzic qui, après la suspension de la chasse, atteignait le chiffre respectable de 7 000 couples de « calculots ». Les marées noires vont, à nouveau, accabler les oiseaux marins. Il n’en reste plus que 2500 couples en 1966 et, l’année suivante, le naufrage du Torrey Canyon, chargé de 120 000 tonnes de pétrole brut, fera tomber la population à 400 couples. Aujourd’hui, après avoir subi de multiples pressions dont d’autres agressions pétrolières, l’effectif se maintient avec une petite centaine de couples, seul bastion de l’hexagone.

Côté fous de Bassan, en revanche, l’épanouissement de l’espèce n’a cessé sur le petit îlot. En approchant les lieux, dès lors que les oiseaux sont revenus pour donner la vie, on a le sentiment qu’il a neigé sur l’île, « la blancheur de l’île, la blancheur vivante », écrivait le colonel Milon en 1972. Progressivement, alors que l’on approche, les flocons bougent, virevoltent, lancent des cris assourdissants. Près de 19 000 couples de ces oiseaux immaculés apparaissent enfin. Chaque nid est aménagé à une longueur de bec du voisin. Cohabitation délicate. Pour éviter les conflits, les comportements sont souvent ritualisés. L’envol, par exemple, commence par une tête levée, le bec pointant les cieux. Comme un ressort, le fou parvient à s’extraire du sol.

L’apparente explosion de vie ne peut pourtant dissimuler les récentes épreuves subies par le peuple des mers. L’année dernière, la grippe aviaire a frappé violemment la colonie qui a perdu l’essentiel de ses poussins et la moitié de son effectif reproducteur. « Cette pression nouvelle qui pèse sur la biodiversité et les oiseaux marins en particulier s’ajoute pour le fou de Bassan à la baisse des ressources en maquereau en Manche et la capture accidentelle d’oiseaux dans les engins de pêche le long des routes migratoires  » déplore Pascal Provost, conservateur de la Réserve.

Une lueur d’espoir

Au chapitre des bonnes nouvelles, l’extension de la réserve maritime attendue depuis des décennies, est enfin officialisée. Ce sont désormais 19 700 hectares qui permettront une protection durable de la faune et de la flore marine. Les biologistes ont inventorié plus de 1 000 espèces marines du type coquillages, éponges ou anémones dont 10 % classées en danger ou rares.

Des forêts de laminaires, dont certaines de plusieurs mètres, des champs de gorgones, des dunes sous-marines ou des herbiers zostères accueillent quelque 160 espèces de poissons ainsi que les emblématiques phoques gris. L’archipel abrite la première nurserie avec 70 % des naissances françaises. Lors de la balade en mer et même si l’on ne peut préjuger de rien, la rencontre avec un phoque paresseusement allongé sur un rocher ou quelques têtes sortant périodiquement de l’eau sont au programme.

Après le bol d’air marin, la Station LPO de l’Île-Grande à Pleumeur-Bodou reste une porte ouverte, depuis la terre, vers la richesse marine. Elle propose une muséographie consacrée à l’écosystème si particulier des Sept-Îles avec diorama, vidéos en direct, expositions multiples et conférences. C’est également depuis cette maison de la nature que s’organisent les balades à la rencontre de la faune et de la flore locale. Fermé au public pour des raisons compréhensibles de tranquillité, le centre de soin de l’Île-Grande est devenu une référence en matière de traitement des oiseaux victimes des pollutions marines. Mais il porte également secours à bien d’autres espèces victimes comme les hérissons, les rapaces ou les poussins tombés du nid.

En tout, près de 1 000 animaux, dont la moitié d’oiseaux marins, sont accueillis chaque année. Plus de 60 % d’entre eux ayant reçu des soins finissent par recouvrer la liberté. Un bilan insuffisant certes, mais tellement réconfortant…

Allain Bougrain-Dubourg

 

 

 

 

 

 

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Z
On a vraiment toujours été trés forts pour exterminer des epèces animales ! Merci à la LPO et aux centres de soins .
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B
Un beau site avec ces oiseaux à préserver...
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