Laissons coasser les grenouilles
Les amphibiens sont le groupe animal le plus menacé au monde. Le son des grenouilles qui coassent est devenu insupportable pour quelques habitants de la commune de Frontenex en Savoie. Car dans le jardin d’une de leur voisine, Colette, 92 ans, se trouve une mare. Et dans cette mare, se trouvent des grenouilles. Ces grenouilles, comme toutes les grenouilles, coassent pendant la nuit quand arrivent les beaux jours.
Photo : Jean-Louis Schmitt (Cliquez pour agrandir)
Alors les quelques riverains mécontents se plaignent auprès du maire et crient leur désespoir devant des caméras de télévision, pour dire à quel point ces coassements les empêchent de dormir. Ils demandent à ce que les grenouilles soient déplacées, mais Colette refuse. Ses grenouilles, elle y tient et de toute façon, la destruction et le transport de ces animaux sont interdits par la loi, car il s’agit d’espèces protégées, extrêmement fragiles.
Le groupe des amphibiens, auquel appartiennent les grenouilles, est tout simplement la classe d’animaux la plus menacée du monde. Il n’existe pas de chiffres précis car ces créatures sont peu étudiées par rapport aux oiseaux par exemple, mais on sait que la moitié des espèces d’amphibiens présentes en France sont en déclin et qu’un quart est même menacé de disparition à court terme.
Les causes sont multiples : destruction des zones humides, écrasement par les voitures, urbanisation, pesticides, et sécheresses à répétition.
Dans le village où j’ai grandi, il y avait une mare à côté de ma maison, et des grenouilles qui faisaient un boucan d’enfer les nuits d’été. Enfant, je m’amusais à les observer, et à ma connaissance, aucun riverain ne se plaignait de leur existence. Mais petit à petit, la biophonie, c’est-à-dire le son de la nature, s’efface au profit de l’antropophonie, le bruit produit par l’humain. C’est l’un des signes les plus flagrants de l’effondrement du vivant.
Dans ce monde-là, on devrait être heureux d’entendre les chouettes hululer, les grillons striduler, et les grenouilles coasser. Que sommes-nous devenus si le son d’une grenouille nous est plus insupportable que celui d’une voiture ou d’un avion ? Alors je ne vais pas me faire des amis parmi les riverains anti-crapauds, mais j’ai appelé plusieurs herpétologues, ce sont les spécialistes des amphibiens, pour leur demander comment aider ces animaux à survivre. Ils m’ont tous répondu qu’il fallait absolument préserver les mares, et en créer de nouvelles partout où c’est possible. Les grenouilles ont besoin de ces étendues d’eau pour se reproduire.
Et plutôt que de se plaindre des coassements, on devrait se réjouir des services que nous rendent ces animaux, qui mangent énormément d’insectes, et qui nous aident par exemple à réguler le nombre de moustiques, qui peuvent pour le coup vraiment perturber nos nuits.
Je conclus donc par un message adressé à Colette : tenez bon et merci d’être un rempart qui protège ces animaux méconnus, malaimés, parfois bruyants, mais tellement importants…
Hugo Clément
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