A Munster, l’œil scientifique du maraîcher aux Jardins du Wiedenthal
Il y a cinq ans, Thiébaud Schaffhauser, chercheur en géochimie, s’est installé comme maraîcher sur sol vivant à Munster. Au fil des années, il a fait analyser les sols de son exploitation pour documenter les données scientifiques. Il a organisé des portes ouvertes, le dimanche 21 mai. Nature d’Ici et d’Ailleurs vous a présenté Thiébaud il y a quelques années déjà (voir ICI)
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Docteur en sciences de la terre, Thiébaud Schaffhauser, ici avec sa compagne Jennifer Bato, fait du maraîchage sur sol vivant depuis cinq ans. Il a analysé ses sols pour documenter les données scientifiques sur cette technique agro-écologique. Photo : Antonin Utz
Lorsque Thiébaud Schaffhauser s’est installé en 2017, le maraîchage sur sol vivant était encore relativement peu connu en dehors d’un cercle de convaincus, et les données agronomiques et scientifiques peu nombreuses.
Or, avant de transformer les prairies familiales en terrain maraîcher, le jeune homme était docteur en sciences de la terre, plus précisément en géochimie. On pouvait difficilement trouver quelqu’un de mieux placé pour analyser l’évolution d’un sol vivant sur une exploitation maraîchère.
D’une terre brun clair à une riche terre noire
Au fil de ces cinq ans, il a donc prélevé des échantillons de son terrain et les a fait analyser par Celestat lab, un laboratoire d’études et de conseils en biologie des sols.
Un simple coup d’œil sur des photos montrant le sol des « Jardins du Wiedenthal » - du nom du vallon où se trouve la ferme - est révélateur. La terre de la prairie initiale - pourtant elle-même déjà riche en microfaune - est brun clair, tandis que celle du terrain maraîcher cultivé en sol vivant est noire, de ce noir qui signe une terre fertile, riche en vers de terre et mycélium.
Pourtant au départ, ce n‘était pas gagné : le sol de la ferme est acide (pH 5,2), peu propice au maraîchage. « Les gens me disaient que j’étais malade de m’installer ici », se souvient Thiébaud. Or, au bout de trois ans d’amendement organique, le sol allait jusqu’à un pH 7.
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Alliées du maraîcher sur sol vivant, les poules mangent les larves et insectes, préparent le sol au gré des déplacements de leur poulailler mobile et le fertilisent avec leurs fientes. Photo : Antonin Utz
Huit tonnes de CO² stockées par an dans la ferme
La teneur en biomasse microbienne a triplé par rapport à un sol cultivé en maraîchage traditionnel, la capacité du sol à retenir les éléments nutritifs a augmenté et il est devenu naturellement riche en azote.
Par ailleurs, Planète Légumes, à Sainte-Croix-en-Plaine, a fait un bilan carbone complet de la production de la ferme. Entre les émissions de CO² (carburant, plastique, etc.) d’un côté et son stockage dans le sol et la biomasse de l’autre, le bilan carbone est négatif : la ferme stocke huit tonnes de CO² par an, soit l’équivalent de ce que produit un Français.
« Un cercle vertueux »
À noter que l’amendement organique vient de la tonte des paysagistes du coin et de la commune de Munster, du fumier de la ferme équestre non loin et du fumier bovin de la ferme voisine : une matière première à deux pas pour l’un et un débouché tout trouvé pour les autres. « C’est un cercle vertueux », sourit Jennifer Bato, la compagne de Thiébaud et salariée de la ferme.
S’ajoute la vingtaine de poules qui débarrassent des larves et limaces, préparent le sol en le grattant et l’engraissent avec leurs fientes. Membre du conseil d’administration de l’association MSV (maraîchage sol vivant), Thiébaud Schaffhauser intervient au centre de formation professionnel agricole de Rouffach (là où il a passé son brevet agricole), reçoit des stagiaires et devrait prochainement faire des cours pour Ver de Terre Production, une plateforme de formations en ligne à l’agroécologie.
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Autres alliés précieux pour le maraîcher, les chats -ici Max la chatte- qui débarrassent les lieux des rongeurs. Photo : Antonin Utz
Les clefs du sol vivant
Le maraîchage sur sol vivant repose sur le postulat qu’un sol n’est pas uniquement un support pour les plantes mais un écosystème à part entière ; il est donc naturellement fertile pour peu qu’on le laisse tranquille.
Pour cela, quelques règles simples sont à respecter : pas de travail du sol ; un couvert végétal permanent pour garder et réguler l’humidité, limiter l’évaporation, protéger du soleil et de l’érosion ; les associations de plantes ; des amendements organiques (fumier, compost..) qui permettent de nourrir le sol pour qu’il se transforme en humus.
Autant un sol cultivé et labouré en agriculture intensive est quasiment mort, obligeant à employer des engrais chimiques pour nourrir les plantes, autant le sol vivant fourmille d’une microfaune -champignons, bactéries et surtout vers de terre- qui le laboure, l’aère, lui permet de recueillir l’eau, le nourrit en décomposant les matières organiques. Les plantes n’ont plus qu’à puiser dedans. Les premiers scientifiques en France à se pencher sur les sols vivants sont les agronomes Claude et Lydia Bourguignon…
Françoise Marissal
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