Un coup de barre s’impose pour sauver l’océan
S’il existe un ministère qui a le cul entre deux marées, c’est bien celui de la mer. Doit-il servir la protection de l’océan ou les besoins croissants des pêcheurs ? C’est au fond, l’une des questions essentielles qui se pose alors qu’il doit mettre en œuvre la prochaine SNML (Stratégie Nationale pour la Mer et le Littoral 2023-2029). Les associations de protection de l’océan en appellent à des choix ambitieux…
Tout avait bien commencé. En 2019, la France annonçait son intention de protéger 30 % de ses espaces maritimes, dont 10 % en « protection forte ». En incluant les lointains et gigantesques territoires Antarctiques, l’objectif des 30 % semble désormais atteint. Il n’en va pas de même pour les 10 % de « protection forte ».
Un collectif d’organisation de protection de l’océan, comptant une trentaine de signataires, pointe les insuffisances en lançant un appel à l’urgence écologique : « Nous demandons le déploiement d’un réseau d’aires marines protégées sur 30 % de chaque façade maritime et bassin maritime ultra-marin, dont 10 % sous protection haute et intégrale d’ici 2030 ». Cette revendication fait suite à un constat inacceptable : la protection forte à la française n’est ni alignée sur la protection stricte européenne, ni sur les recommandations de l’UICN (Union Internationale pour la conservation de la nature). Pire, Hervé Berville, secrétaire d’État chargé de la Mer déclarait récemment sans pudeur : « La France et le gouvernement sont totalement opposés à la mise en œuvre de l’interdiction des engins de pêche de fonds dans les aires marines protégées ». Comme protection forte, peut mieux faire !
Dans son appel, le collectif s’attarde également, conformément aux derniers rapports du GIEC, sur la nécessité de lutter contre le changement climatique en parvenant « à la décarbonation complète des secteurs de l’économie maritime et littorale d’ici 2050 ».
Repenser la pêche
Une pêche dite durable doit évidemment s’inscrire aussi dans la future stratégie comme le recommande l’IPBES (plateforme scientifique internationale pour la biodiversité) qui souligne que ce sont les prélèvements qui ont eu le plus d’impact sur les écosystèmes marins au cours des cinquante dernières années. Dans la colonne positive, il faut noter que l’IFREMER, institut français de recherche entièrement dédié à la connaissance de l’océan, salue la bonne santé du merlu et du merlan en mer du Nord. De même que l’églefin en mer Celtique, la coquille Saint-Jacques dans la Manche ou le thon rouge en Méditerranée.
Mais l’établissement souligne aussi que seulement 44 % des poissons débarqués en France proviennent de stocks évalués en bon état. La sole du golfe de Gascogne, le cabillaud de la mer Celtique ou encore le merlu de la mer Méditerranée appartiennent désormais à des espèces gravement atteintes qui continuent d’être prélevées.
L’aquaculture serait-elle une réponse au déclin ? Le programme des Nations Unies pour l’Environnement met en garde contre cette source de pollution non négligeable. Dans le désordre, les prélèvements de petits poissons qui sont transformés en farine pour nourrir les poissons en cage, le gaspillage de nourriture non consommée par les poissons, l’usage de traitements chimiques pour lutter contre les parasites, les pathologies ou les pollutions invitent à la plus grande attention. Lucide, le collectif demande que la prochaine stratégie en finisse avec « l’usage de farines et huiles de poissons et favorise la reconquête de la qualité des eaux pour renforcer la durabilité ».
Il serait par ailleurs judicieux de faire le point sur les déchets marins. En 2018, le gouvernement s’engageait à tenir un objectif : « Mettre fin aux pollutions plastique en mer d’ici 2025. » Alors que l’échéance se rapproche, il n’est pas évident que le bilan réponde aux ambitions. Tout récemment, la revue scientifique « PLOS one » publiait une étude révélant que le poids total de la pollution plastique dans l’océan représentait 2,3 millions de tonnes. La France n’en a évidemment pas la seule responsabilité mais sa part n’est pas négligeable.
Le Ministère de la Transition Écologique confesse 640 000 tonnes de filets de pêche perdus ou abandonnés en mer, chaque année, tandis que 80 % des déchets marins proviennent des activités à terre. Un plan d’action engrangeant 35 engagements doit mettre un terme à cette pollution durable mais les signaux restent au rouge.
La France doit montrer l’exemple
Dans ce vagabondage maritime, la question des éoliennes en mer est évidemment d’actualité. Le collectif est, à ce sujet, déterminé : pas question de déployer l’éolien dans des aires marines protégées. Pourtant, initialement, le projet prévu à Oléron s’accommodait sans complexe d’une implantation dans le Parc National Marin de l’Estuaire de la Gironde et de la mer des Pertuis, toujours prévue en zone Natura 2000 Oiseaux.
La France, troisième plus grande flotte océanographique au monde, doit s’imposer comme chef de file exemplaire. Elle accueillera en 2025 la Conférence des nations Unies pour les Océans et à ce titre serait bien inspirée, selon le collectif, d’établir un moratoire sur l’exploitation des fonds marins, de ratifier le traité sur la haute mer et de négocier un traité plastique.
Sur un plan plus pragmatique, le collectif demande prioritairement « une hausse significative des moyens humains et financiers permettant aux services de l’État, collectivités territoriales et établissements publics, d’engager cette urgente accélération ».
Difficile de conclure cet inventaire non exhaustif sans une pensée complice pour tous ces dauphins qui agonisent sur nos plages. Les larmes de l’exécutif ne compensent pas les souffrances endurées. La « Stratégie Mer et Littoral » pourrait enfin mettre un terme définitif à cette pathétique maltraitance, comme l’impose le Conseil d’État.
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