Dauphins, la mort aux trousses !

Publié le par Jean-Louis Schmitt

Voilà près de 40 ans que des cadavres de dauphins et autres cétacés viennent s'échouer sur le littoral atlantique et de la Manche. Cette année, la « saison » entamée dès la fin 2022 semble plus meurtrière que jamais. Une solution : en finir avec la pêche meurtrière !

Il semble surfer sur la vague alors qu’il reste figé sur le sable. Pathétiquement immobile, injustement inanimé. C’est un dauphin commun, un de plus que je viens de trouver gisant sur une plage de l’Île de Ré. Tristement éloquente, sa dépouille révèle, sans aucun doute, l’origine de sa mort. Le rostre à demi brisé, accompagné de profondes marques circulaires, raconte la lutte désespérée contre un filet intraitable.

Sur le reste du corps, d’autres lésions particulièrement au niveau des nageoires en partie amputées. En observant son bas-ventre, je constate que c’est une femelle. Deux petites fentes mammaires sont visibles de chaque côté de l’orifice génital. Elle a dû souffrir le martyre. En assistant à diverses autopsies réalisées par l’équipe de « Pélagis » à l’Université de La Rochelle, les biologistes m’ont précisé qu’en pareil cas, les dauphins étaient victimes d’asphyxie. Leur agonie pouvait durer jusqu’à trente minutes avant qu’ils soient enfin délivrés par la mort.

Une multiplication des échouages

Comment ne pas revisiter le passé, imaginer le temps du bonheur? Avant le drame, cette jeune femelle qui pouvait espérer vivre trente ans dexistence, s’épanouissait dans la complicité de son clan. Étaient-ils quelques dizaines ou des centaines d’individus à partager les jeux, les sauts, les ébats sexuels? Peu importe leur nombre, cest la tribu qui compte. Avec les singes, les corbeaux et les éléphants, les dauphins font partie des rares animaux à réussir le test du miroir (identifier dans un miroir la tâche qui a été placée sur le front et donc prendre conscience de son « moi »).

Imprudente jeune femelle, elle n’a pas résisté à la manne, aux poissons frétillants dans les filets ou aux rassemblements de bars affairés à leur reproduction. Les dauphins, comme les pêcheurs, partagent le même objectif : prélever un maximum de poissons. L’ennui c’est que la cohabitation n’est pas envisageable.

Depuis la mi-décembre 2022, plus de 300 cadavres de cétacés ont été collectés sur les plages de l’arc Atlantique avec une mortalité particulièrement importante du côté de la Vendée. « Depuis une dizaine d’années, les échouages se sont multipliés », observe Jean-Roch Meslin, correspondant du Réseau National d’Échouages.

Un phénomène vieux de 40 ans

En réponse, l’exécutif s’en est tenu à un mille-feuille de mesures qui ne résout à l’évidence pas le problème. Les « pingers », par exemple, disposés sur les filets émettent des signaux sonores déplaisants pour les cétacés. Sauf que les animaux commencent à se familiariser avec cette entrave… Certains ont même compris que « pingers » signifiait présence de poissons! Autre mesure souhaitée par ladministration : embarquer des observateurs ou équiper les navires de caméras-témoins. Mais ces dispositions favorisent le constat sans endiguer la cause.

« Pourquoi tant tarder à réagir alors qu’il y a près de 40 ans que nous observons le phénomène? », déplore Dominique Chevillon au nom de Ré Nature Environnement. Effectivement, le rapport scientifique rendu par l’Observatoire « Pélagis », La Rochelle Université et le CNRS rappelle qu’en 1989 près de 700 petits cétacés furent retrouvés échoués principalement sur les côtes des Landes et de la Gironde. Or, 60 % à 90 % des animaux comptabilisés ont été victimes des engins de pêche, précise le rapport. Depuis le cimetière des dauphins endeuille, chaque année, les plages.

Si impressionnante soit elle, la mortalité enregistrée sur le littoral n’est que la partie apparente de l’iceberg. En réalité, sur les quelque 1 000 cétacés collectés, chaque année, c’est bien davantage qu’il faut comptabiliser en tenant compte des cadavres qui coulent et de ceux qui sont poussés vers le large par les courants.

Une plainte contre la France

Olivier Van Connent de Pélagis fait un état des lieux inquiétant : « Aujourd’hui la population de dauphins communs en Europe est estimée à 630 000 individus. Si 5 à 10 000 dauphins périssent chaque année, l’espèce est en grave danger car c’est au moins cinq fois plus que le seuil qui serait acceptable. L’espèce se reproduit lentement et met donc très longtemps pour faire remonter ses effectifs ».

Face à l’inaction, plus de 25 ONG portaient plainte en 2019, contre la France et les autres pays Européens (dont l’Espagne) qui n’avaient pas pris les mesures suffisantes pour enrayer le massacre. En écho le Commissaire Européen à la pêche déclarait « inacceptable » cette situation et « exhortait les pays concernés à rechercher une solution ». Las, rien n’a changé! Outrée, la Commission Européenne mettait « en demeure » la France en 2020 avant de lui adresser un « avis motivé » en 2022, dernière étape avant de lourdes sanctions.

Le 12 janvier dernier, Christophe Béchu, Ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires et Bérangère Couillard, secrétaire d’État à la Biodiversité, recevaient des pêcheurs pour faire le point sur cet interminable dossier et envisager une fermeture « spatiotemporelle » de la pêche dans le golfe de Gascogne avec, tout naturellement, une indemnité à l’égard de la profession. Aujourd’hui, il paraît évident qu’une pareille décision permettrait d’en finir avec l’hécatombe de cétacés tout en favorisant la résilience des poissons.

Une seconde réunion organisée vendredi dernier par le Ministère de la mer tempérait l’enthousiasme : l’exécutif semblait satisfait des mesurettes. Pas question de suspendre la pêche. Dans le même temps, la LPO adressait une lettre au Président de la République le conjurant d’en finir. En 48 heures, 30 000 signatures s’associaient à la demande, tandis que dimanche dernier, 15 parlementaires d’horizons politiques différents faisaient une demande analogue. Cette semaine sera décisive. L’indifférence de l’Élysée signifierait le massacre délibéré des dauphins.

Allain Bougrain-Dubourg

 

 

 

 

 

 

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B
C'est dramatique !<br /> Pauvres dauphins...<br /> Comme Zoé je suis très pessimiste...
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M
Il est à craindre que rien ne change. Notre président ne s'intéresse qu'à ce qui rapporte, le sort des dauphins et celui de la biodiversité en général il s'en fiche totalement ça ne rapporte pas de profit immédiat à ses amis financiers et autres milliardaires donc pour lui aucun intérêt.
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Z
C'est affreux ! Et je suis trés pessimiste quant aux moyens qui seront pris.
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J
Et comme toujours, on ne fait rien!
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