Les engrais verts au secours des émissions de gaz à effet de serre de l'agriculture

Publié le par Jean-Louis Schmitt

Les pratiques intensives et non durables de l'agriculture conventionnelle laissent les sols à nu et nécessitent d'importantes quantités d'engrais azotés synthétiques. Ceci contribue significativement au réchauffement climatique via l'albédo et les émissions de protoxyde d'azote, un puissant gaz à effet de serre.

Un sol à nu contribue au réchauffement climatique

En Europe, les surfaces cultivées représentent environ 20 % des terres et connaissent de longues périodes de sol nu entre deux cultures.

Les pratiques agricoles conventionnelles et donc intensives se caractérisent par la persistance d'un sol nu entre deux cultures, une pratique aberrante et antinomique avec le fonctionnement naturel du cycle végétatif qui a de nombreuses conséquences : lessivage et tassement des sols, très faible biodiversité et activité organique.

Une étude publiée en avril 2018 dans Environmental Research Letters montre que laisser un sol à nu augmente les émissions de gaz à effet de serre. Comment ? Tout simplement parce qu'un sol couvert (de végétation) réduit la quantité d'énergie solaire reçue par les sols, à cause de l'albédo, le pouvoir réfléchissant d'une surface. "Un sol couvert de végétation réfléchit en général plus la lumière qu'un sol laissé nu. En outre, les cultures intermédiaires étant enfouies - notamment pour servir d'engrais vert - après s'être développées pendant des mois, elles permettent de favoriser le stockage de carbone dans le sol", indique le communiqué du CNRS et de Méteo-France.

Ainsi, en utilisant des cultures intermédiaires, comme des engrais verts (phacélie, sarrasin, moutarde blanche, luzerne...) cela pourrait compenser chaque année jusqu'à 7% des émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole en Europe, via l'augmentation de l'albédo et la fixation du carbone atmosphérique.

Pour aboutir à ces chiffres, les chercheurs se sont appuyés sur les données satellitaires des surfaces agricoles et de l'albédo. Les pays européens qui ont le plus fort potentiel d'atténuation via l'effet albédo sont dans l'ordre la France, la Bulgarie, la Roumanie et l'Allemagne.

Les engrais synthétiques contribuent aux émissions de gaz à effet de serre

Epandage d'engrais azoté dans la Beauce (France) en 2013. Photo : Emile Loreaux /Greenpeace

Selon une estimation réalisée par les laboratoires de recherche de Greenpeace de l'Université d'Exeter et l'Université de Turin et publiée en septembre 2022, les engrais synthétiques - massivement utilisés dans l'agriculture conventionnelle - contribuent à 2,1 % aux émissions planétaires de gaz à effet de serre ce qui correspond à 1,13 gigatonnes de CO en 2018. Cela représente plus de 10 % des émissions mondiales de l'agriculture et est supérieur aux émissions de l'aviation commerciale cette année-là.

Contrairement aux engrais organiques qui proviennent des végétaux ou des animaux, les engrais synthétiques sont fabriqués par des procédés chimiques. Si ces derniers profitent à la croissance des cultures, ils n'améliorent pas la qualité et la vie du sol, polluent l'eau, l'air et peuvent être à l'origine d'accidents industriels.

La production et le transport de ces engrais synthétiques génèrent des émissions de carbone, tandis que leur épandage émet du protoxyde d'azote (N₂O) - un gaz à effet de serre 265 fois plus puissant que le dioxyde de carbone (CO). Lorsqu'un engrais synthétique ou azoté est épandu sur le sol, une partie est absorbée par les plantes et une partie est utilisée par les micro-organismes du sol, qui produisent du NO comme sous-produit de leur métabolisme.

Les quatre principaux émetteurs – la Chine, l'Inde, les États-Unis et l'UE28 (pays de l'Union européenne plus le Royaume-Uni) – représentaient 62 % du total.

"Il ne fait aucun doute que les émissions d'engrais azotés synthétiques doivent être réduites - au lieu d'augmenter, comme on le prévoit actuellement", a déclaré le Dr Reyes Tirado, des laboratoires de recherche de Greenpeace, qui ajoute : "à un moment où les prix des engrais synthétiques montent en flèche, reflétant la crise énergétique, la réduction de leur utilisation pourrait à la fois profiter aux agriculteurs et nous aider à faire face à la crise climatique".

Les chercheurs proposent plusieurs pistes pour réduire l'utilisation des engrais synthétiques : "Les trois quarts des engrais pour les cultures (exprimé en termes de protéines y compris les sous-produits de la bioénergie) sont actuellement consacrés à la production d'aliments pour le bétail dans le monde" précise Reyes Tirado. Il faudrait donc diminuer significativement la production de viande et de lait.

En 2018, l'Amérique du Nord avait la plus forte utilisation annuelle d'engrais azotés par personne (40 kg), suivie de l'Europe (25-30 kg). L'Afrique avait la plus faible utilisation (2-3 kg). Autre piste : l'utilisation d'engrais verts qui enrichissent naturellement le sol en azote et qui ont bien d'autres bénéfices : vertus nématicides (tuent les vers parasites des cultures), étouffent les "mauvaises herbes" et bénéficient aux pollinisateurs, dont nous avons tant besoin, face à l'effondrement des populations d'abeilles.

Notre Planète info (25.09.2022)

 

 

 

 

 

 

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Z
"Il faudrait donc diminuer significativement la production de viande et de lait." C'est bien mon avis!
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B
Bonne idée ces engrais verts...
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