Vagabondage au pays des bêtes maltraitées

Publié le par Jean-Louis Schmitt

Quelques nouvelles, bonnes ou mauvaises, du côté des bêtes : des chasseurs sanctionnés par la justice après quelques parties de chasse pendant le confinement ; les bouquetins de Haute-Savoie en ligne de tir, malgré l'avis des scientifiques ; et un rapport complet de l’association Robin des bois sur le trafic. Après le jour d’après, les affaires reprennent.

Comment l’Etat ment pour mieux massacrer les bouquetins du Bargy…

La justice est moins rapide qu’un coup de fusil, certes, mais elle a le mérite de tirer juste. Rappelez-vous, en mars 2020 le Président Macron annonce que la France est en guerre contre la Covid-19. Le confinement s’impose. Les Français doivent apprendre à vivre sous cloche, à oublier les randonnées et les balades dans la nature, à se satisfaire de leurs 4 murs. Certains vont pourtant échapper à la contrainte grâce à une circulaire du 31 octobre 2020 initiée par le ministère de la Transition écologique. Qui sont les heureux privilégiés? Les chasseurs! À quel titre? La chasse de loisir étant fermée, on les autorise à tirer les « Esod », autrement dit les espèces animales susceptibles d’occasionner des dégâts. Comprenez les « nuisibles ». Nos valeureux nemrods viennent à notre secours contre les soi-disant envahisseurs. Sauf que la dérogation accordée n’a nullement été justifiée par les préfets, incapables de démontrer l’existence de dégâts significatifs ou de prolifération du grand gibier. En clair, alors que des millions de citoyens pouvaient, au mieux, sortir à plus d’un kilomètre de chez eux, les chasseurs étaient autorisés à courir la campagne comme bon leur semblait, pour mener leur croisade contre les « nuisibles ».

L’ASPAS et la LPO ont dénoncé ces passe-droits accordés aux chasseurs pendant le confinement et les ont contestés devant les tribunaux administratifs. À ce jour, tous les arrêtés préfectoraux jugés, à savoir six, ont été annulés notamment dans l’Aube, les Ardennes, la Marne, l’Eure, la Seine-Maritime et la Lozère. Le 12 avril dernier, celui de Chalons déclarait illégaux les passe-droits accordés. D’autres devraient suivre. Évidemment, deux ans après les faits, cela ne ressuscitera pas les animaux abattus illégalement, mais si d’aventure un nouveau confinement s’imposait, les fusils ne seront plus des prétextes pour s’en exonérer.

Du côté de la Haute-Savoie, ce sont les bouquetins du Massif du Bargy qui sont dans la ligne de mire du nouveau préfet. Lorsqu’au début des années 2010, on découvre des cas de brucellose parmi les bouquetins, la guerre est déclarée. Les 70 exploitations du Bargy et la filière reblochon s’estimant menacées, la seule solution est de tuer, encore et toujours. Sauf que 4 animaux sur 5 abattus sont constatés sains. Qu’importe. Malgré les manifestations, la contestation des associations de protection de la nature et l’avis des scientifiques, l’abattage collectif reste la seule solution envisagée par l’administration. Naturellement, on préserve la démocratie en organisant une consultation publique, lancée le 7 mars pendant 21 jours. Le résultat est sans appel avec 84 % des opinions défavorables au projet d’abattage. Droite dans ses bottes, l’administration conclut : « Les avis n’apportent pas d’élément susceptible de remettre en cause la stratégie élaborée par l’État dans le but de maitriser l’épizootie de brucellose dans le massif du Bargy ». Circulez, il n’y a rien à voir. Et ce malgré l’avis unanime contre ce projet donné par le Conseil National de Protection de la Nature (CNPN). Pire, à cette occasion les scientifiques alertent contre les conséquences des tirs : désorganisation dans les hardes qui contribue à la contamination de davantage d’individus. Même l’ANSES invite à la prudence en recommandant l’euthanasie, uniquement pour les animaux constatés positifs. Ni l’opinion publique ni la science ne déstabilisent le pouvoir suprême de l’État. Le 17 mars dernier, un arrêté préfectoral autorisait l’abattage de 170 bouquetins au cours de l’année. Puis 20, chaque année suivante jusqu’en 2030. Sans test préalable évidemment alors qu’il s’agit d’une espèce protégée par les conventions internationales. Il est avéré aujourd’hui qu’il reste 4 % d’animaux touchés par la maladie, autant dire un niveau proche de l’extinction naturelle de l’infection.

À vrai dire, lorsque l’association Robin des bois sort un rapport « À la trace » (plus de 300 pages bien documentées) je crains toujours le pire. Le dernier en date, portant sur une période du 1er janvier au 30 avril 2021 n’a rien de rassurant puisque 1 853 événements de braconnages et de contrebandes d’animaux sauvages ont été identifiés. « Du chardonneret au tigre, les animaux passent à la torture puis à la gloire posthume du commerce en ligne ou sur les marchés ou finissent en prison à perpétuité », constate Jacky Bonnemains, porte-parole de l’ONG qui refuse de baisser les bras. « Nous ne laissons aucun animal menacé d’extinction sur le bord du chemin », tient-il à préciser. Il n’empêche, à la frontière entre la Chine et le Vietnam, il a été intercepté un camion transportant, de nuit, une multitude de sacs d’écailles de pangolins (et de cheveux humains). En 4 mois, 11 tonnes d’écailles ont été saisies, ce qui correspond à au moins 30 000 spécimens. Ailleurs, ce sont les serpents, les oiseaux, les chauves-souris et autres civettes qui font les frais du juteux trafic. Du côté de la Birmanie, le WWF a identifié 173 espèces sauvages proposées à la vente sur Facebook en 2021. Le triangle d’or, à la frontière avec le Yunnan chinois, autrefois plaque tournante du trafic, s’est peu à peu effacé au profit d’Internet qui offre notamment à la vente 54 espèces figurant sur la liste rouge du l’UICN. 87 % des animaux sont arrachés à leur milieu naturel pour satisfaire la demande, les autres seraient issus de captivité. En réponse à la pandémie de Covid-19, les autorités avaient juré qu’il serait mis fin aux marchés meurtriers de la faune sauvage. Mais ça, c’était avant… le jour d’après!

Allain Bougrain-Dubourg (19.04.2022)

 

 

 

 

 

 

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J
Ces gens, qui ne pensent qu’à tuer, sont des NUISIBLES ! Ne votez pas pour eux, ils continueront !
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B
Honteux !<br /> C'est révoltant ces abattages...
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Z
C'est honteux! Et je suis tellement triste de penser à tous ces abattages , partout, comme solution!
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