À Aubervilliers, les écolos font plier les JO

Publié le par Jean-Louis Schmitt

La ville d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) renonce à construire un solarium pour les Jeux olympiques et dit qu’elle va « remettre en état » les jardins ouvriers déjà détruits par les travaux.

« C’est une vraie victoire pour la cause environnementale et la démocratie citoyenne. » Claire [*], la trentaine, savoure son plaisir. Quelques heures plus tôt, le 14 mars, un communiqué a été publié : la ville d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) renonce à construire l’extension de la nouvelle piscine, censée servir de lieu d’entraînement aux athlètes des Jeux olympiques de Paris 2024.

La piscine en elle-même était contestée : certains locaux y voyaient un intérêt, la ville d’Aubervilliers n’en possédant qu’une pour près de 90 000 habitants. D’autres estimaient que le projet était démesuré, et qu’il n’y avait pas besoin de bassins olympiques pour apprendre aux enfants à nager. Mais c’est surtout l’extension qui cristallisait le débat. Alors que la piscine doit être bâtie sur un parking, les équipements extérieurs (solarium, espace de musculation, de restauration…) étaient censés être construits sur dix-neuf parcelles de jardins. Soit 4 000 m² de végétation, écrin de verdure dans cette zone très urbanisée.

La décision avait provoqué des levées de boucliers. Propriétaires de parcelles, jardiniers amateurs et habitants s’étaient constitué en collectif, et avaient occupé les jardins pendant plusieurs semaines. En vain. En septembre 2021, les pelleteuses avaient commencé à détruire les cabanes et les récoltes. Après un an et demi de bataille juridique, la cour administrative d’appel de Paris a finalement ordonné, le 9 mars, l’arrêt des travaux [1]. Ce qui a conduit la mairie d’Aubervilliers et la communauté d’agglomérations Plaine commune à faire machine arrière.

À la place d’une partie de ces jardins ouvriers quasi centenaires (ici en juin 2021) devait être construite une extension à une piscine olympique. Photo : Mathieu Génon/Reporterre

« Nous prenons acte de la décision de justice du 9 mars dernier qui demande de suspendre les travaux sur la zone où sont situés les jardins des vertus, pour ne conserver du projet de centre nautique que ce "qui est en lien nécessaire avec les bassins olympiques" », ont écrit Karine Franclet, maire d’Aubervilliers (UDI) et Mathieu Hanotin, président de Plaine commune (Parti socialiste), dans un communiqué commun. Contactée par Reporterre, la municipalité d’Aubervilliers n’a pas donné de précisions sur ce nouveau projet. Mais tout laisse à croire que seule la piscine olympique sera construite. Les jardins détruits par les travaux, eux, devraient être « [remis] en état » d’après le communiqué. Là encore, sans davantage de détails.

« On reste méfiants »

« Le message envoyé aux décideurs politiques, c’est qu’aujourd’hui le droit est du côté de celles et ceux qui se mobilisent pour défendre l’intérêt général et un avenir durable », se réjouit Claire, qui possédait une parcelle des jardins.

Les promoteurs du projet vont devoir plancher sur un nouveau permis de construire. « C’est une vraie victoire, mais on reste méfiants, tempère Ivan Fouquet, un autre membre du collectif de défense des jardins. On attend de voir à quoi ressemblera le nouveau projet de piscine, et s’il n’a pas d’impact sur les jardins. » « On veut aussi savoir précisément ce que ça veut dire "remettre la zone en état", ajoute Dolorès Mijatovic, une autre militante active. On a d’ores et déjà demandé un rendez-vous avec la maire d’Aubervilliers et le président de Plaine commune. »

Ce rebondissement judiciaire ne ramènera pas les terres saccagées par les travaux, mais elle pourrait en protéger d’autres. Dans le cadre de la ligne 15 du Grand Paris Express, un projet de gare est envisagé à Aubervilliers. « Ce méga-équipement empiéterait sur une autre partie des jardins », dénonce Claire. La décision du 9 mars pourrait donc faire jurisprudence. Claire prévient : « On sait déjà qui est le prochain adversaire. »

Justine Guitton-Boussion/Reporterre 16 mars 2022 

Notes :

[*Le prénom a été modifié.

[1En février 2022, la cour administrative d’appel de Paris a estimé que le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) de Plaine commune n’était pas compatible avec le schéma directeur de la région Île-de-France (Sdrif). En effet, le PLUi permettait la suppression d’un hectare de jardins, alors que ces derniers étaient censés être préservés par le Sdrif. Devant cette irrégularité, la cour a ordonné l’arrêt des travaux. Les élus ont refusé, estimant que le permis de construire restait valable. Le collectif de défense des jardins a donc saisi le juge des référés pour réclamer la suspension du chantier, et la cour administrative d’appel de Paris a confirmé le 9 mars l’obligation d’arrêter immédiatement les travaux.

 

 

 

 

 

 

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J
Il est certain que les budgets des JO sont minimisés au départ avec la, les, promesses de retombées économiques … et puis ça doit drôlement mal fonctionner ensuite puisque les dépenses explosent et les retombées … quelles retombées … ah oui celles qui sont retombées !<br /> Donc tant mieux pour ces jardins si toutefois ils sont restaurés.
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B
Oui bravo à ceux qui ont combattu...
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Z
Bravo à ceux qui ont combattu et fait plier ce projet! <br /> Amitiés Jean-Louis
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C
Bravo à ces militants ! Je suis contente pour eux car rien de plus déprimant que de se battre et n'avoir aucun résultat ! Ici, ils ont gagné et ce n'est que justice : si seulement l'issue pouvait être plus souvent du côté des défenseurs de l'environnement et du vivant...<br /> Bonne fin de semaine à tous !
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C
C'est bien de se battre pour ce que l'on croit. C'est une victoire! À suivre! Bises et bon week-end à vous deux!
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M
C'est triste de voir détruit sans pitié le peu de verdure qui reste en ville . Tout cela pour des jeux qui vont couter une fortune au contribuable et durer 1 mois au plus, juste de quoi flatter l'ego surdimensionné de quelques élus. Et après on viendra nous parler d'écologie et de production locale ...
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