Chasse : Les petits arrangements entre amis sentent le soufre !

Publié le par Jean-Louis Schmitt

Bien se comporter à l'égard de la nature, c'est payant. En tout cas quand on est chasseur. C'est le principe retenu par l’État pour financer des projets dont on peut se demander en quoi ils servent la nature. Les explications d’Allain Bougrain-Dubourg…

En temps normal, une « éco-contribution » consiste à faire payer aux entreprises ou aux citoyens des taxes qui tombent dans les caisses de l’État pour la bonne cause : gestion des déchets, de l’eau, dépollution, économies d’énergie… Quand le citoyen est chasseur, l’éco-contribution s’inverse. L’État lui donne de l’argent, beaucoup d’argent. Non content d’avoir réduit le prix du permis de chasse national de 400 € à 200 €, générant 21 millions de pertes pour la biodiversité, le président de la République a souhaité aller encore plus loin avec un cadeau supplémentaire non négligeable : 10 € pour chaque chasseur, soit 10 millions d’euros par an dans la gibecière en échange de bons et loyaux services, normalement au bénéfice de la biodiversité.

En principe, la loi chasse du 24 juillet 2019 qui permet cette aimable contribution au bénéfice des seuls chasseurs avec l’argent de tous les contribuables est extrêmement claire. L’Office Français de la Biodiversité est garant de la bonne utilisation d’« un fond dédié à la protection et à la reconquête de la biodiversité ». Or, au hasard des nombreux dossiers soumis pour décrocher la timbale, on note par exemple le financement par l’OFB d’une contre étude visant à prouver que la chasse ne dérange nullement la nidification des Gypaètes barbus dans les Pyrénées. Au passage on appréciera cette manière pour le moins étrange de faire de la protection de la nature. Mais que nous dit l’étude? « Il apparaît donc que la chasse constitue une perturbation intentionnelle uniquement si elle est perçue comme une menace pour l’espèce au même titre que l’attaque d’un prédateur qui ferait échouer sa nidification ». Et le rapport de conclure que l’« on peut donc considérer que l’activité de chasse, telle que pratiquée dans les zones étudiées, ne constitue pas une perturbation intentionnelle ».

Forte d’un bilan aussi satisfaisant, la Fédération départementale des chasseurs des Pyrénées-Atlantiques n’a pas tardé pas à adresser une belle lettre au sous-préfet d’Oloron pour lui signifier que l’étude en question révélait « une situation finalement très éloignée des discours régulièrement alarmistes que nous avons pu entendre pendant des années et qui ont trop souvent servi de caution aux services déconcentrés de l’État dans la prise de mesures règlementaires contraignantes vis-à-vis de la chasse ». Sauf que ce fameux rapport a été débouté par les études académiques franco-espagnoles. Le dérangement des Gypaètes est donc potentiellement bel et bien avéré.

Parmi les autres perles qui méritent l’admiration cynégétique, il y a toutes ces demandes de financement en faveur du petit gibier, comme s’il s’agissait de protection et reconquête de la biodiversité conformément à la définition législative de cette éco-contribution. Les nombreux financements des interventions des Nemrods dans les écoles de la République ont également de quoi laisser perplexe. S’agit-il de démontrer que sans la chasse, la biodiversité partirait à vau-l’eau? Au détour des dossiers plus sérieux les uns que les autres, on tombe en arrêt devant celui attribué par lOFB à la Fédération départementale des chasseurs du Var pour lorganisation d« un concours départemental de meutes sur les lapins sans fusils ». La joyeuse réunion est prévue en mars prochain à Carces. Là encore, on se demande en quoi un concours de lâcher de chiens sur des lapins peut servir l’avenir de la biodiversité…

Dans cette lamentable affaire, le coup de grâce est porté par le Conseil Scientifique de l’OFB lui-même qui a eu la bonne idée de s’autosaisir. Il a présenté son rapport au Conseil d’administration du 30 novembre 2021 qui, le jour même, renouvelait la convention entre l’OFB et la FNC (Fédération Nationale des Chasseurs) en la prolongeant de 5 ans, sans qu’aucun bilan ni d’exécution ni financier ne lui ait été présenté. Cinglante, l’analyse du Conseil Scientifique « fait le constat que le dispositif mis en place ne permet pas de garantir une qualité suffisante des projets sélectionnés ». Et de préciser : « Seuls 7 % des dossiers sont refusés alors que dans d’autres appels à projets, le refus correspond à 50 %, voire 70 % des dossiers présentés ». Poursuivant avec une série de jugements tout aussi accablants, accompagnés de recommandations, l’avis souligne : « Un risque systémique de difficulté de procéder à l’évaluation et de garantir ainsi l’efficience du dispositif vis-à-vis des objectifs définis par la loi ». Le Conseil Scientifique va même jusqu’à craindre : « Un risque relatif à la réputation de l’OFB qui se retrouve associée à des projets de qualité très faible, voire mauvaise ».

En résumé, les chasseurs ont proposé des projets injustifiés qui ont été financés. Sans aucun retour crédible sur leurs réalisations. En attendant de normaliser la situation, les chasseurs « premiers écologistes de France » élèvent et relâchent plus de 15 millions de gibiers chaque année devant leur fusil… en laissant dans la nature 6 tonnes de plomb. À quand des aides pour polluer davantage? 

Allain Bougrain-Dubourg

 

 

 

 

 

 

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M
En fait tous les politiques soutiennent les chasseurs sauf les écolos.Le groupe chasse est le plus important au sénat avec des sénateurs de tous bords pareil à l'assemblée nationale. Mais avec ce gvt on atteint des sommets dans la collusion avec les chasseurs. L'OFB a été créée pour être mise à leur service et n' a plus grand chose à voir avec la protection de l’environnement ce sont les chasseurs qui y font la loi. C'est à la fois triste et simplement écœurant surtout qu'une grand majorité de français n'aime pas la chasse surtout de la manière dont elle est pratiquée en France.
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Z
Absolument lamentable. Mais pourquoi ne suis je pas étonnée !
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N
Quelle honte... toutes les combines sont bonnes pour légitimer leur loisir sanguinaire, cruel et néfaste à la biodiversité. Ces gens devraient être jugés et punis, c'est écoeurant. Espérons qu'un jour le vent tourne, que la majorité des français qui veulent plus de "régulation" dans la chasse voire sa réforme de fond en comble ou suppression soit entendus. C'est pour ça qu'il est très important de diffuser largement ce type d'articles pour porter ces éléments à la connaissance du plus grand nombre. Merci beaucoup pour cet article donc, que je m'empresse de partager.
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D
Oui Pécresse et Zemmour soutiennent les chasseurs , pas étonnant le lobby chasse est puissant et leur promet des voix … enfin ils le croient car Macron dans ce domaine est le plus fort . Il a fait ce qu’il faut pour … Comme je ne voterai de toute façon pas pour eux qu’importe ! En revanche cela pourrait éventuellement leur faire perdre des voix car je suis sûre qu’à droite aussi il y a des amis des animaux, des opposants à la chasse. La canditate animaliste a vu beaucoup de ses promesses de parrainage disparaître en raison de pressions ! On peut se douter de qui elles émanent en particulier â la campagne .
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F
Ce qui est scandaleux, ce sont tous ces arrangements entre amis, ces conflits d'intérêts et cette suffisance humaine face au reste de la nature. Et ce ne sont pas dans les discours politiques des candidats à la présidence que l'on peut espérer un réel changement ! La chasse est un problème mortel !
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B
Lamentable !!!<br /> Merci à Allain Bougrain-Dubourg pour ces explications...
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J
Lamentable comme d’habitude … et la candidate républicaine à annoncé également son soutien à la chasse…
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