Chasse : la mort de trop ?

Publié le par Jean-Louis Schmitt

Samedi 19 février, le tir d'une chasseuse de 17 ans a été fatal à une randonneuse de 25 ans qui se baladait avec son compagnon sur les sentiers de randonnées du Cantal, entre Aveyron et Auvergne. Depuis, le débat sur la légitimité de la chasse le week-end est relancé et va s'inviter, disent déjà les médias, dans la campagne présidentielle. L'émoi que provoque ce drame permet aussi de dénoncer les armes utilisées pour tirer sur la maman de Bambi ou le cousin sauvage de Babe le cochon. Des armes de guerre que ne renieraient pas Poutine et autres bienfaiteurs de l'humanité…

Un chasseur installe un panneau pour signaler une battue en cours. Photo : Vincent Voegtlin/MAXPPP

C’est « un drame », « une balle perdue », « un accident comme il ne devrait plus en avoir ». Les commentaires sont unanimes, à Almont-les-Junies le village aveyronnais où vivait la jeune randonneuse, comme à la Fédération départementale des chasseurs. Décrite par ses proches comme une amoureuse de la nature, elle se baladait samedi 19 février sur les chemins balisés autour de Cassaniouze, un hameau du Cantal limitrophe de l’Aveyron. Selon les premiers éléments de l’enquête, comme on dit dans la presse quotidienne régionale, la jeune femme aurait été victime d’une balle perdue lors d’une battue aux sangliers. Touchée « en haut du corps et à gauche », pour ne pas dire au cœur sans doute, la jeune femme serait morte sur le coup.

Thierry Coste, conseiller politique de la Fédération des chasseurs, pour ne pas dire lobbyiste, estime que la formation des chasseurs dans la maîtrise des armes est suffisamment « stricte » car « délivrée par l’État ». « Donc ne nous trompons pas, ce n’est pas un problème d’âge, c’est un problème de réactions », disait-il sur France Inter, ce lundi 21 février.

Des propos quasi similaires chez Bérangère Abba, secrétaire d’État chargée de la biodiversité : « Il y a la question de l’expérience », a-t-elle déclaré à l’AFP, en précisant que la chasseuse avait obtenu son permis à 16 ans. Autant dire que de telles déclarations ne règlent rien à la dangerosité intrinsèque du « sport » favori de ceux qui se définissent comme les premiers écologistes de France. Car, « la chasse se pratique avec des armes à feu puissantes, dans des espaces ouverts à tous : aucune autre activité de plein air que la chasse ne pose un tel problème de sécurité publique. C’est le seul loisir qui mette en danger des non-pratiquants : chaque année, 10 à 20 % des personnes blessées ou tuées à la chasse sont non-chasseurs! », notait dès 2016, l’Association de protection des animaux sauvages (Aspas) qui milite pour la fin de la chasse le week-end et une autre réglementation autrement plus restrictive de la pratique cynégétique. Malgré l’opposition croissante des citoyens à la chasse, malgré les pétitions pour en limiter l’usage, les chasseurs demeurent toujours les maîtres des campagnes de l’automne au printemps.

Sur le site chassons.com, « seul site internet à couvrir de manière globale l’information du monde de la chasse » et à proposer « un panorama complet de l’univers cynégétique et de son art de vivre », on s’inquiète de la temporalité du drame. « Dans le contexte sénatorial et présidentiel que nous connaissons, [la mort de la randonneuse] est une véritable catastrophe », note la rédaction de chassons.com qui adresse ses « plus sincères condoléances à la famille de la victime ».

On ne peut plus sauver Willy (Schraen)

Le journal en ligne publie d’ailleurs juste en dessous la réaction de Willy Schraen, le président de la Fédération nationale des chasseurs (FNC), qui évoque sa « tristesse » avant d’expliquer que « toutes les fédérations de chasseurs » sont en train d’être contactées « pour qu’il soit rappelé l’ensemble des règles de sécurité ». Le voir faire profil bas est le signe que la situation est grave au regard de l’opinion publique. La mort de la jeune randonneuse pourrait bien être la mort de trop, à l’instar de ce qui s’est passé avec la sécurité routière lorsque les faits divers impliquant des chauffards sont devenus des faits de société puis des politiques publiques.

Aujourd’hui donc, devant les dégâts faits par les fans de la gâchette, le fort en gueule Schraen fait profil bas. Ça nous change un peu de ses déclarations tonitruantes, comme lorsqu’il pérorait sur France 3, en décembre 2020. La chaîne venait pourtant de diffuser un reportage à charge contre les pratiques de nombreux chasseurs. Intitulé Les sangliers de la discorde, la face cachée d’une invasion, le documentaire était un implacable réquisitoire contre la co-responsabilité des chasseurs dans l’expansion démographique des sangliers (nourrissage des animaux sauvages, élevages clandestins, parc clos pas si imperméables que ça…). Qu’importe, le patron des chasseurs martelait qu’il fallait « donner les moyens » de régulation aux chasseurs, quitte à « ouvrir la chasse (aux sangliers) du 1er janvier au 31 décembre ». Même grand discours pro domo quand, en novembre 2021, il se vantait sur RMC de « n’en avoir rien à foutre de réguler », autrement dit, rien à foutre non plus de la biodiversité. Et ce, alors que cet argument est pourtant le cache-sexe favori des chasseurs pour passer pour des bienfaiteurs de la nature. Avec le drame de samedi, fini les envolées imagées de Willy le tirailleur. Place à la compréhension, la peine immense, la compassion. Et au rappel des règles élémentaires mais trop peu respectées de la chasse. « Ne pas tirer dans une situation où le moindre doute ou le moindre risque persistent doit être l’unique conduite à tenir lors d’une action de chasse. Enfin, je vous demande d’exclure de vos chasses toute personne qui n’aurait pas une conduite sécuritaire parfaite lors de la pratique de notre passion. Il en va de notre avenir collectif. » Dame, l’heure est grave.

Chasse aux voix et armes de guerre

À une semaine de la fin de la période de chasse 2022, mais à quelques autres d’une chasse électorale aux voix des indécis, le drame de samedi a donné aussi lieu à toutes sortes de déclarations politiques et notamment l’arrêt de la chasse le week-end et en période scolaire. Mais, excepté Jean-Luc Mélenchon, rares sont ceux qui ont ciblé le gros, l’énorme problème de la chasse d’aujourd’hui : l’arsenal quasi militaire utilisé pour tuer au mieux un sanglier, au pire un lapin. D’ailleurs, il suffit de feuilleter l’inénarrable magazine Le chasseur français ou bien de cliquer sur les onglets de chassons.com pour voir avec quelle délectation les chasseurs ont troqué la chevrotine pour des balles capables de pulvériser un éléphant.

L’Association de protection des animaux sauvages qui milite notamment pour une réglementation bien plus sévère de la chasse alerte sur la dangerosité des armes de chasse. « Globalement, deux types d’armes sont autorisés pour la chasse : les fusils à canons lisses sont utilisés pour le petit gibier avec des cartouches à balles ou à grenaille (plombs de chasse). Ils sont dangereux jusqu’à 1,5 km. Les carabines à canons rayés servent au tir à balles du gros gibier. Elles restent dangereuses dans un rayon de 3 km autour du tireur, alors qu’elles ne sont précises qu’à 300 mètres en moyenne ». Des armes de plus en plus perfectionnées et puissantes. Sous la présidence Macron, les chasseurs ont obtenu l’intégration de silencieux à leurs armes. L’actuel président n’aura eu de cesse durant son mandat de bichonner les chasseurs comme rarement auparavant. Il faut sans doute remonter jusqu’à VGE tireur de fauves et d’éléphants en Afrique pour voir tant de faveurs accordées au lobby de la chasse. Notons encore en vrac : le pouvoir renforcé des fédérations de chasse, la division par deux du prix du permis national, les dérogations au droit commun durant les confinements et la fort judicieuse prolongation de la chasse aux sangliers jusqu’au 31 mars. Randonneurs, vous voilà prévenus…

Natacha Devanda (21.02.2022)

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Publié dans chasse, Point de vue

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Commenter cet article
J
/C’est le seul loisir qui mette en danger des non-pratiquants /:ceci est faux plusieurs morts en tant que spectateurs au cours de rallye automobile en l’occurrence l’année dernière,morts en non pratiquants car c’était des spectateurs; mensonge ou non connaissance de l’actualité ce qui est bizarre en tant que journaliste.<br /> / les fusils à canons lisses sont utilisés pour le petit gibier avec des cartouches à balles ou à grenaille (plombs de chasse). Ils sont dangereux jusqu’à 1,5 km/ceci est faux les plombs de chasse vont a une distance jusqu’à 240 mètres environ suivant leurs numéros et ils ne sont plus létal, elle ferait bien de consulter des ouvrages de balistique.<br /> des balles qui pulvérise un éléphant il faudrait indiquer de quoi il s'agit, j'avoue ne pas connaitre, pourrait- elle me renseigner,de toute façon les balles pour le gibier africain ne sont pas utiliser en battues en France. <br /> /les chasseurs ont obtenu l’intégration de silencieux à leurs armes/:le silencieux n'existe pas, cela s'appelle un modérateur de son, il faudrait utiliser les bons mots aucune armes a détonation n'est silencieuses.
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B
Tellement triste...
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J
Tant que l’on dira qu’il s’agit d’un « accident « collatéral, que le risque zéro n’est pas possible ou pire, que les promeneurs, randonneurs et autres n’ont rien à faire sur le terrain de « jeu » des chasseurs, cela signifiera que la mort d’une personne par accident de chasse n’est pas considérée à sa vraie valeur. C’est odieux d’hypocrisie comme le sont de ce fait tous ceux qui soutiennent cette activité délétère et basée en grande partie sur un élevage intensif de futures cibles pour les acharnés de la gâchette et eux seuls. <br /> La mort ne peux être minimisée ainsi, comme elle l’est malheureusement toujours lorsqu’il s’agit d’actes de chasse, loisir mortel.
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Z
Il ne faut pas se faire d'illusion, les chasseurs sont et resteront bien soutenus par les politiques , ceux qui parlent d'abolotion, sont minoritaires et pas en position d'être élus , les autre s, pudiquement parlent "d'encadrement" . <br /> Avec ce drame , outre la mort injuste et terrible de cette jeune femme , on découvre le jeune âge de la "tueuse" 17 ans , et on apprend que c'est déjà une pro du massacre animal , fière de son tableau de chasse depuis 2 ans. Nous sommes donc dans un pays où tu ne peux pas passer ton permis de conduire avant 18 ans mais où tu peux chasser à partir de 15ans !!! <br /> Sur FB, sous les articles de Hugo Clément ou de Pierre Rigaux , j'ai lu des réactions à vomir de la part de chasseurs .
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M
A voir les réactions alambiquées des politiques les chasseurs ont encore de beaux jours devant eux Contrairement à ce qui est écrit la formation des chasseurs à la sécurité est minimaliste en plus les vieux chasseurs et ils sont nombreux n'ont jamais eut à passer le permis de chasser et les premières années ce permis n'était qu'une formalité de niveau maternelle 1ere année ...<br /> Le problème de la puissance des armes est un faux problème soulevé par des personnes qui ne connaissent rien aux armes à feu. On est passé de la chevrotines au tir à balles car les chevrotines sont très peu efficaces sauf à très courte distance et font énormément de bêtes (et de personnes) blessées ,de plus elles sont dangereuses car elles ricochent beaucoup et dans tous les sens.<br /> Pour tuer une bête aussi solide qu'un sanglier à fortiori un cerf il faut une munition puissante pour être efficace.<br /> A noter que même une carabine de petit calibre a une portée supérieure à 1 kms donc la apuissande de l'arme ne cha<br /> La seule manière de limiter les risques au maximum c'est une formation poussée des tireurs avec examen à la clef ,des consignes de tir strictes et respectés avec sanctions sévères pour tout manquement comme cela se pratique en Allemagne où en Suisse par exemple.<br /> En Allemagne il faut en moyenne 2 à 3 ans d'apprentissage sous la houlette d'une chasseur expérimenté pour avoir une chance de décrocher son permis.
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