Bouquetins du Bargy : des abattages massifs et inutiles à nouveau prévus

Publié le par Jean-Louis Schmitt

Contre l'avis des scientifiques, les pouvoirs publics entendent abattre sans contrôle sanitaire préalable un grand nombre de bouquetins en Haute-Savoie au prétexte de lutter contre la brucellose, alors que plus de 9 individus sur 10 sont sains…

Bouquetin des Alpes. Photo : Jérémy Calvo

Suite à l’apparition d’un nouveau cas de contamination d’un bovin diagnostiqué en novembre 2021, et sous la pression des producteurs locaux de reblochon, la préfecture de Haute-Savoie a déposé le 14 février 2022 un projet d’arrêté préfectoral pour autoriser l’abattage indiscriminé d’un maximum de 170 bouquetins dans le massif du Bargy au cours de l’année 2022. Jusque 2030, 20 bouquetins pourront ensuite être tués annuellement comme c’est déjà le cas depuis plusieurs années en dépit des contestations de la LPO et d’autres associations de protection de la nature.

La consultation publique réglementaire de 21 jours est ouverte jusqu’au 7 mars pour recueillir l’avis des citoyens. Vous pouvez exprimer votre profond désaccord avec cet arrêté préfectoral en envoyant un mail à cette adresse : ddt-consultations-publiques@haute-savoie.gouv.fr , ou un courrier à l’adresse de la DDT (service eau et environnement) : 15 rue Henry Bordeaux – 74998 Annecy cedex 9.

Le Bouquetin des Alpes (Capra ibex) est une espèce protégée au niveau international, dont moins de 400 individus vivent dans le massif du Bargy. S’il est concevable que l'euthanasie d’animaux séropositifs avérés contribue de manière dérogatoire à réduire un foyer infectieux pour des impératifs sanitaires, la destruction d’individus sains n’est pas acceptable. Le statut d’espèce protégée impose en outre une exigence de garantie sur l’efficacité des actions permises par la dérogation.

Contre l'avis des scientifiques

Les scientifiques du Conseil National de Protection de la Nature (CNPN), instance consultative du Ministère de la Transition Écologique, ont rendu le 27 janvier 2022 un avis défavorable à l’unanimité, ce qui est rare. Selon ces experts :

  • Le cas révélé en 2021 ne semble pas dû à une transmission directe entre bouquetin et bovin et il apparaît indispensable et prioritaire d’élucider le mode de contamination qui a prévalu.
  • Le taux de prévalence de la brucellose est désormais évalué à environ 4% de la population des bouquetins dans le cœur du massif, après avoir été divisé par 10 en 5 ans. Il est même considéré comme nul en zones périphériques. L’infection devrait s’éteindre naturellement, à conditions de respecter un certain nombre de mesures de prudence au cours des années à venir.
  • L'abattage indiscriminé, de plus ciblé sur les femelles en âge de procréer, désorganise la hiérarchie sociale dans les hardes et contribue à la contamination de davantage d'individus, comme cela a déjà été constaté à la suite des abattages massifs de 2013 et 2015.

Ils soutiennent également la mise en œuvre de mesures alternatives recommandées par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) sur la base d’études réalisées entre 2015 et 2021. Des captures assorties de contrôles avec euthanasie des bouquetins séropositifs, effectuées par les agents de l’Office Français de la Biodiversité (OFB), alliées à des mesures de biosécurité (séparation stricte des zones de pâturage, parcages de qualité, élimination des pierres à sel et réduction de la divagation des chiens) doivent permettre d’éradiquer le foyer épidémique.

Le fromage qui dessert…

L’inquiétude des éleveurs et des producteurs de reblochon exposés est compréhensible mais comme sur la question du loup ou de l’ours des Pyrénées, la cohabitation en montagne entre les activités humaines et la faune sauvage ne peut en aucun cas se régler à coups de fusils.

LPO (17 février 2022)

 

 

 

 

 

 

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D
ça commence à bien faire ou plutôt ça continue de mal faire . A chaque fois qu'une épidémie ou même un début d'épidémie se détecte dans un élevage on s'en prend aux animaux domestiques ou sauvages , on abat, même si c'est l'humain le fautif au départ ! On peut faire autrement mais c'est si facile ..tant que ça ne sait pas partout; sans ce blog le saurions-nous ou que la population accepte. Il nous faut stopper ça pour les bouquetins déjà; je vais voir le lien des consultations , nous serons nombreux à donner un avis de respect de la vie et puisque le CNPN a donné un avis défavorable , on peut espérer l'annulation ce ce projet !
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B
C'est inadmissible !!!!!!!!!!!!!!
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Z
Encore , encore et toujours! Je n'en peux plus de ces exterminations programmées!
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C
Merci de partager cet article pour défendre les bouquetins du Bargy qui sont souvent dans le collimateur de certains éleveurs laitiers locaux et de la Préfecture. Les Savoyards sont également de plus en plus nombreux à s'y opposer, sans être forcément des bobos "écolos-des-villes". Gardons l'espoir que les bonnes décisions soient prises avant qu'il n'y ait plus de bouquetins au Bargy et que les futures générations ne doivent les ré-introduire en nous maudissant de n'avoir rien fait 😣...
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J
Régulièrement, les bouquetins du Bargy sont visés -c'est le cas de le dire- par de stupides arrêtés de ce genre ! <br /> On oublie un peu vite que l'humain ne laisse guère de place au ''sauvage'' qui finit par représenter une gêne pour les activités en général... Pessimiste, je crois hélas, que cela ne finira jamais sauf quand le dernier bouquetin aura été exterminé !
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C
Je ne comprends pas pourquoi les scientifiques ne sont pas écoutés? La solution évoquée dans ce billet serait la bonne, il me semble... Dommage... Bonne journée.