Aux « chasses de la République », lobbyistes et politiciens tirent le sanglier en secret à Chambord

Publié le par Jean-Louis Schmitt

Le député Matthieu Orphelin a réclamé dans un courrier que soient dévoilés les noms des parlementaires invités aux dites « chasses de la République » qui se déroulent en hiver au château de Chambord…

De nombreux sangliers peuplent la forêt du château de Chambord. Photo : Jean-Louis Schmitt (Cliquez pour agrandir)

De nombreux sangliers peuplent la forêt du château de Chambord. Photo : Jean-Louis Schmitt (Cliquez pour agrandir)

C’est l’histoire d’un sénateur LR, d’un député LREM et d’un patron du CAC40 qui chassaient ensemble à Chambord. Ce n’est pas le début d’une petite blague inscrite au dos d’un papier de bonbon, mais le scénario assez classique d’un froid vendredi d’hiver au château. Vous ne le saviez peut-être pas, mais presque chaque semaine entre novembre et février, une battue est organisée sur les quelque 4.400 hectares appartenant au domaine. C’est la « chasse de la République ». Vous ne pouviez d’ailleurs pas forcément le savoir, car ces battues comme le terrain où elles se pratiquent ne sont pas accessibles au public, ou du moins pas à n’importe quel public. Les participants, au nombre de 36 par battue, sont soigneusement sélectionnés. Des parlementaires, patrons d’entreprises, sénateurs, ambassadeurs ou encore sportifs de hauts niveaux, aux identités gardées secrètes.

Le mystère ne plaît pas à tout le monde puisque selon une information du Parisien, le député Matthieu Orphelin aurait demandé par courrier au déontologue de l’Assemblée nationale d’enquêter et publier les noms des parlementaires participant à ces chasses. L’argument avancé : les députés doivent déclarer « les dons, avantages et invitations à un événement sportif ou culturel d’une valeur qu’ils estiment supérieure à 150 euros », or l’élu écologiste relève que les chasses n’y figurent jamais. Une missive qui remet sous le feu des projecteurs ces fameuses chasses que participants comme organisateurs voudraient justement garder un peu plus dans l’ombre, à l’heure où le sujet de la chasse fait régulièrement polémique.

Une pratique qui remonte à De Gaulle

Les chasses de la République ne sont pourtant pas secrètes. Créées en 1965 par le Général de Gaulle, elles s’appelaient alors « chasses présidentielles ». Les participants étaient choisis par le Président et ce, jusqu’en 1995 : date du début de mandat de Jacques Chirac qui souhaite y mettre un terme. C’est finalement en 2010, sous Nicolas Sarkozy que leur cessation est confirmée. Ces battues deviennent alors les « chasses de la République ». La différence, c’est que les participants, qui s’acquittent d’une somme de 120 euros pour y participer, ne sont plus choisis par l’Elysée, mais par le directeur de Chambord : Jean d’Haussonville.

« L’Elysée n’invite plus les personnes, on ne reçoit pas d’instructions de sa part, il n’y a pas plus de lien organique entre l’Elysée et Chambord pour les battues », martèle le directeur général du domaine national de Chambord. Et s’il insiste sur ce point, c’est parce que la fameuse liste de participants qu’il rédige de sa main fait régulièrement l’objet de critiques et d’enquêtes. Pour le journaliste Marcelo Wesfreid, qui a sorti un livre sur le sujet en 2020, Le jardin secret de la République, le patron de Chambord « choisit des relais politiques et des mécènes pour défendre les intérêts de Chambord, mais aussi des noms que l’on peut lui souffler ».

Un levier diplomatique ?

En 2018 déjà, l’écrivain Gaspard Dhellemmes assurait dans une longue enquête parue dans le JDD qu’Emmanuel Macron cherchait à faire de ces chasses un instrument diplomatique en invitant des ambassadeurs étrangers, des diplomates et autres personnalités triées sur le volet… « Avec ces chasses, on dénoue des tensions, rapproche des gens, on en fait connaître, on fait monter des hauts fonctionnaires qui veulent entrer en politiques, on remercie des préfets », décrypte le journaliste Marcelo Wesfreid.

Une version qui ne colle évidemment pas tout à fait avec celle de Jean d’Haussonville qui assure que sur une même ligne de battue « le smicard peut voisiner avec une personne qui gagne un million par an ». Il nous a expliqué comment il procédait à cette fameuse sélection. « La douzaine de battues annuelles s’organise par catégories d’invités, définies au préalable par un conseil d’administration. » Celui-ci affirme qu’il y a ainsi des battues offertes aux présidents des fédérations départementales de chasseurs, une aux maires de France, aux habitants de Chambord, ou encore depuis 2011 aux mécènes qui auraient fait un don de plus de 10.000 euros au domaine. Dons qui permettent d’ailleurs au château de ne plus dépendre des subventions de l’Etat.

« C’est un entre-soi quasi exclusivement masculin »

Dans la liste des invités que le patron du château de Chambord nous décrit, il n’oublie pas non plus les fameux parlementaires que Matthieu Orphelin aimerait bien (faire) connaître. « Ils peuvent être invités à toutes les battues, quel que soit leur bord politique. Il n’y a pas de distinction entre majorité et opposition », lance Jean d’Haussonville en insistant sur le fait que le principal critère, c’est que chacun respecte les instructions de sécurité et soit courtois. C’est ainsi que « des personnalités qui s’opposent politiquement passent des vendredis après-midi ensemble dans un moment d’amitié. C’est un entre-soi quasi exclusivement masculin. Tout le monde est lié par cette passion secrète qui n’est plus vraiment à la mode », contrebalance Marcelo Wesfreid qui a lui-même participé à une de ces chasses.

Dans son livre, il révèle ainsi qu’en décembre 2019, François Baroin a passé sa journée à chasser avec Marc Fesneau, ministre chargé des Relations avec le Parlement, mais aussi avec le Sénateur LR Pierre Charon, Thierry Coste, le fameux lobbyiste de la chasse, avec Jérôme Peyrat qui à l’époque est conseiller politique d’Emmanuel Macron, mais aussi un ancien ministre UDI… Jean d’Haussonville préfère comparer ces parties de chasse mêlant tous les bords politiques à la « buvette de l’Assemblée nationale » où tout le monde peut se parler. « Chambord est un domaine de l’Etat. Les parlementaires qui se rendent à une invitation sont dans une situation de même nature que ceux qui acceptent une invitation à déjeuner ou dîner dans un ministère ou une préfecture ou dans un musée de l’Etat », justifie-t-il.

Un secret gênant ?

Néanmoins, imaginer deux députés se hurler dessus le lundi dans l’hémicycle et se donner des petits conseils sur la meilleure façon de lever un sanglier en forêt le samedi, reste une étrange vision. Et d’un point de vue politique, on comprend que certains parlementaires ne souhaitent pas que cela s’ébruite. Cela tombe bien, Jean d’Haussonville a un argument tout trouvé pour ne rien dévoiler. « Il s’agit d’informations relevant de la vie privée, notamment la détention du permis de chasser. C’est ce qu’a jugé récemment le tribunal administratif », prône-t-il.

Il ajoute également que si certains invités sont « des chasseurs assumés », d’autres sont « plus discrets » sur cette pratique pas toujours très en vogue. « Certains ne viendraient plus parce que la simple détention du permis de chasser peut vous soumettre à la vindicte de certains réseaux », lance-t-il. Quelques noms ont pourtant déjà fuité. Marcelo Wesfreid nous aura bien lâché quelques noms découverts au fil de son enquête : le judoka David Douillet, le directeur général du groupe Suez, François Patriat (LREM), Christian Jacob (président des Républicains), Eric Ciotti (député LR) ou encore le président du Sénat Gérard Larcher et Claude Bartolone (PS). Pour le reste, seul le patron de Chambord connaît les listes et là, c’est chasse gardée.

Marie De Fournas/20 Minutes (10.02.2022)

 

Sur le même sujet, lisez ‘’Le jardin secret de la république’’ !

 

 

 

 

 

 

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Publié dans Chasse, Animaux, Humeur

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G
même aujourd'hui, en "démocratie", les privilégiés perpétuent les passe-droits issus de la royauté. Un certain Louis XVI avait été guillotiné pour éradiquer cette salle espèce de nantis… Pauvre Louis XVI, qui semblait être un brave homme, puni pour l'exemple… Ce qui a valu, à l'époque, une grande considération européenne aux révolutionnaires français qui avaient osé se débarrasser définitivement d'un représentant direct d'un Dieu ! Nous en sommes bien loin aujourd'hui et de mini chefaillons s'octroient un droit exorbitant, comme d'ailleurs de créer des préfectures dispendieuses au sein de départements qui pourraient autrement utiliser ces sommes avec des projets dignes d'une époque qui devrait être autrement préoccupée d'un réchauffement climatique inéluctable que de "poudre aux yeux" puérile face à des gamins irresponsables qui ont été élus pour d'autres raisons, espérons-le, que de s'afficher au sein d'une secte de "fricards".
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G
Même aujourd'hui, en démocratie (?) les passe-droits sont coutumiers et s'adressent à une oligarchie... La
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B
Oui c'est lamentable et écœurant...
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J
Une bonne , très bonne probablement, partie des politiques de la planète sont des prédateurs, non seulement pour arriver au pouvoir mais ensuite pour y rester, pour y progresser. Ils sont aussi prédateurs dans leur manière de faire, d’imposer, de légiférer, de favoriser, de parler. Comme on l’a vu avec le covid, leurs décisions peuvent arriver à mettre en danger des citoyens, masques inutiles, épidémie qui resterait en Asie, exposition de certaines professions aux risques avec large insuffisance de moyens de protection alors que ce genre d’épidémie était déjà envisagée depuis longtemps , encore une prédation, …pas étonnant qu’ils tuent à la chasse pour assouvir leur penchants, pas étonnant qu’ils ne bougent pas pour la planète, pas étonnant que leurs besoin de parader reste un besoin pour eux. Ils se veulent dominants et font tout pour et effectivement, je ne parviens pas à comprendre cette admiration pour ces pouvoirs absurdes qui capitalisent essentiellement pour leurs castes, je ne comprends pas que l’on se dirige vers le maintien de ces systèmes à chaque élection alors que l’on voit bien leurs passifs.…écœurant et pas surprenant, malheureusement.
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D
Écœurant mais pas surprenant . Nous avons et depuis bien avant Macron , un président monarque dans un palais avec des dizaines de serviteurs, de gens aux cuisines, des voitures et des chauffeurs etc etc etc . Idem en un peu moins grandiose pour le président de l’assemblée, les ministres etc. Et nous l’acceptons . Un seul programme envisage de revenir à une vraie république, à donner plus de pouvoir au peuple en changeant la constitution . Je ne dirai pas ici lequel …d’ailleurs le peuple aime les monarques et les milliardaires puisqu’il s’apprête à voter pour le plus monarque de tous .
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M
Un des nombreux privilèges aristocratiques de nos élus et gouvernants tous complices quand il s'agit de s'octroyer de petits avantages. <br /> Quant à l'indépendance du directeur de Chambord vis a vis du gvt qui peut y croire ??<br /> Et si par hasard il y a un smicard dans ces chasses il faut le chercher dans les rangs des rabatteurs et surement pas chez les tireurs ...<br /> On ne chasse pas seulement le sanglier à Chambord mais aussi les cervidés dont les plus beaux sont réservés aux amis du pouvoir mais on est encore plus discret sur les invités et sur les modalités du massacre ....
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Z
Lamentable et odieux! Et ces gens-là représentent La République !
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