Bruno Manser, la voix de la forêt pluviale (3)
Sarbacanes contre bulldozers
Un beau jour, les Penans ont vu débarquer des prospecteurs qui travaillaient pour les compagnies forestières et qui ont laissé des marques de peinture sur des arbres. Puis sont venus les bûcherons, la coupe des arbres commença et les bulldozers prirent la suite en rasant indistinctement de larges zones forestières, faisant disparaître du même coup le domaine vital des Penans ainsi que celui d’innombrables animaux et plantes sauvages.
Les Penans ont tenté pacifiquement de s’y opposer mais il n’y a rien eu à faire, les compagnies forestières avaient l’autorisation du gouvernement. C’est alors qu’ils se tournèrent vers Bruno et lui demandèrent de les aider. « Les Penans ont cru que je pouvais les sauver simplement parce que j’étais blanc. J’ai dû leur expliquer que je n’étais rien et que je n’avais aucun pouvoir. »
Tiraillé entre son désir de paix et sa révolte face à cette tragique déforestation, Bruno, sur l’insistance de ses amis Penans, décida de prendre leur défense. « Je ne pouvais plus me contenter de décrire leur culture sans chercher à la sauver du déclin. Je leur ai dit que pour se faire entendre il fallait parler d’une seule voix ou plutôt d’un seul cœur « Kua Kenin » comme ils le rappellent souvent dans leurs messages qu’ils laissent dans la forêt. J’ai d’abord essayé de réunir les différentes tribus entre elles, car elles vivent de manière dispersée. Cela n’a pas été facile mais nous avons finalement réussi à le faire et à rédiger en 1986 une « déclaration du peuple des sources » que j’ai traduite en anglais. Puis nous l’avons envoyée au gouvernement et aux différentes compagnies forestières pour qu’ils cessent de détruire la forêt, mais cela ne servit à rien et l’exploitation forestière s’est poursuivie à un rythme infernal, tronçonneuses et bulldozers travaillant jour et nuit. »
Les Penans répliquèrent pacifiquement en bloquant les routes aux bulldozers et en formant des barrages humains. Mais l’armée et la police détruisirent les barricades et procédèrent à des arrestations brutales et à l’emprisonnement de nombreux Penans. Bruno a été tenu responsable de toutes ces agitations et le gouvernement offrit alors 25 000 dollars US pour sa capture. Des soldats se lancèrent à sa poursuite. Par deux fois il manquera de tomber dans des embuscades qui lui avaient été tendues et essuiera même des coups de feu ce qui obligera Bruno de vivre dorénavant caché pendant quatre ans.
Pour aller chercher les arbres commercialisables les bulldozers écrasent tout sur leur passage ; la construction de routes et le transport des troncs sont autant de cicatrices qui dégradent la forêt, laquelle sera rasée plus tard pour laisser place ici à des plantations de palmiers à huile (ou de soja en Amazonie…). Photo : Bruno Manser
L’équivalent d’un terrain de foot de forêt tropicale disparaît toutes les 6 secondes ! C’est ainsi qu’elle a déjà été supprimée sur plus de la moitié de sa surface initiale, avec comme conséquence la disparition de tout un cortège de vies humaines, animales et végétales autochtones, sans compter le risque d’émergence d’épidémies comme celle du coronavirus. En effet la déforestation met en contact les humains et la faune sauvage porteuse de nombreux virus. Les espèces animales ne sont pas malades des virus qu’elles transportent car elles ont évolué avec eux pendant des milliers d’années, ce qui n’est évidemment pas le cas de l’homme qui risque dès lors d’être dangereusement contaminé. Cette contagion, d’abord locale, s’étale avec le transport de certains animaux sauvages vers les marchés, i
Bruno Manser en compagnie de son mentor Along Sega, chef coutumier de l’un des derniers peuples nomades du Sarawak dans la région de Long Adang (nord du Sarawak). Celui-ci a été très déçu que les autorités n’aient pas respecté leur promesse de créer une réserve protégée dans laquelle les Penans auraient pu perpétuer leurs traditions. Along Sega est décédé en 2011 à l’âge d’environ 7O ans ; c’était un homme courageux et déterminé, il a été emprisonné deux fois alors qu’il conduisait des actions contre les compagnies forestières qui dévastaient les territoires ancestraux de son peuple. Il avait toujours déclaré : « Après ma mort, mon peuple continuera notre lutte car je leur ai demandé de ne pas abandonner ». Photo : Erik Pauser (Cliquez pour agrandir)
Pêcheurs au milieu d’une rivière alimentée par des pluies quasi-quotidiennes. Les Penans établissent souvent leurs campements au bord des cours d’eau et des torrents, seuls espaces ensoleillés dans le milieu forestier où ils trouvent l’eau, pratiquent la pêche et se baignent. Mais quand la forêt disparaît son sol mince et fragile est exposé au soleil et aux pluies. Il s’ensuit que cette fine couche de terre est progressivement décapée et entraînée vers les rivières dont l’eau devient boueuse et impropre à la consommation ainsi qu’à la vie des poissons. Photo : Tello Abing (Cliquez pour agrandir)
Les Penans, ici en pleine discussion avec Bruno Manser, ne possèdent aucun titre de propriété mais contestent que le gouvernement puisse affirmer que la forêt lui appartient alors qu’eux y vivent bien avant que le gouvernement n’existe... Le BMF soutient les exigences territoriales des Penans en leur apportant une assistance juridique, en trouvant des avocats susceptibles de les défendre et en réalisant une cartographie historico-culturelle très utile pour la reconnaissance de leurs droits territoriaux. Photo : Erik Pauser (Cliquez pour agrandir)
A suivre…
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