Publié au lendemain de Noël, un décret «cadeau pour les chasseurs» hérisse les défenseurs des animaux
Un décret publié dimanche réduit le délai entre la publication de l’arrêté annuel d’ouverture de la chasse à tir et son entrée en vigueur. Une entrave aux recours en justice, dénoncent les associations de défense des animaux…
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Illustration. Photo : Hans Berggren/Getty Images/Johner RF
Il est paru discrètement, dans ses petits souliers, au lendemain de Noël. Un décret, publié au Journal officiel dimanche 26 décembre, est passé quasiment inaperçu… avant de faire bondir du lit écologistes et défenseurs des animaux. Le texte en question s’intéresse aux arrêtés annuels, pris par les préfets, qui lancent chaque année officiellement la saison de la chasse. Ils fixent le calendrier, les horaires et jours de chasse, les règles de sécurité, les «prélèvements» d’animaux autorisés, etc. Le texte paru au «JO» prévoit de réduire «le délai entre la publication de l’arrêté préfectoral annuel d’ouverture de la chasse à tir et sa prise d’effet de 20 jours à sept jours». Pour le nombre d’animaux à prélever, le délai passe «d’un mois ou trois semaines à sept jours». Un changement loin d’être anodin.
Car durant ces délais que le gouvernement a décidé d’écourter, les associations de défense des espèces saisissent régulièrement la justice pour limiter les pratiques. «Le but, très clairement, c’est de nous empêcher de faire des référés, grince Muriel Arnal, présidente de l’association One Voice. En sept jours, le temps de prendre connaissance de l’arrêté, de monter un dossier, de le déposer devant la justice, ce sera trop tard… La chasse aura lieu.»
«Méthode désolante»
Plusieurs associations de protection des animaux, comme la Ligue de protection des oiseaux (LPO) ou 30 millions d’amis ont fustigé ce décret gouvernemental, publié entre Noël et le Nouvel an. «Quand on voit que la justice est déjà lente à réagir, grince auprès de Libération Allain Bougrain-Dubourg, président de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO). Ils ont pris l’habitude… Quand ils voulaient prolonger la chasse aux oies en février, l’arrêté a été pris pour laisser le minimum de temps aux associations pour réagir. C’est une méthode désolante et peu glorieuse. Et un cadeau de plus pour les chasseurs…» Le directeur général de la LPO, Yves Vérilhac, a également critiqué auprès de l’AFP «un travail de détricotage environnemental» depuis 2017.
Macron l’ami des gâchettes ? «Un chasseur, il aime son chien, il aime les animaux, sinon il ne ferait pas de la chasse», avait lâché le chef de l’Etat lors d’un déplacement en Haute-Saône, à la SPA de Gray, début octobre. Depuis son élection, il a multiplié les gestes envers les chasseurs : en 2018, le président actait la diminution par deux du prix du permis de chasse. Une décision qui poussera l’ancien ministre de la transition écologique, Nicolas Hulot, à claquer la porte du gouvernement, dénonçant la «présence des lobbys dans les cercles du pouvoir». La chronique des arrêtés publiés en douce, autorisant les chasses traditionnelles particulièrement décriées par les associations, a également alimenté le quinquennat.
«Fluidifier le processus administratif»
«Ce décret vise à améliorer la qualité des décisions tout en garantissant la participation du public», répond à Libération, de manière alambiquée, l’entourage de Bérangère Abba, la secrétaire d’Etat chargée de la biodiversité. Le texte publié dimanche serait ainsi la «pérennisation d’une expérimentation» à laquelle les associations ne se sont jusqu’alors jamais opposées. Le gouvernement met également en avant les consultations publiques, en vigueur depuis 2016 et obligatoires avant chaque publication d’arrêté préfectoral lié à l’ouverture et à la fermeture de la chasse. Une consultation ne pouvant être inférieure à 21 jours, «délai auquel s’ajoutent a minima 4 jours pour l’élaboration de la synthèse de la consultation du public par l’administration avant publication de l’arrêté», précise-t-on au ministère. Conclusion en guise de justification : «Les arrêtés préfectoraux sont donc connus au moins 25 jours avant leur publication auxquels s’ajoutent désormais 7 jours avant prise d’effet […] ce qui fluidifie le processus administratif tout en garantissant l’information et la participation du public».
Pas sûr que l’argument ne convainque les associations de défense de la biodiversité. D’autant que, à moins de quatre mois de la présidentielle, beaucoup y voient une manœuvre électorale. A Gray, début octobre, Macron avait tenté de jouer du «en même temps» sur la question : «On oppose trop souvent d’un côté les associations qui se battent pour la cause animale et de l’autre les éleveurs et chasseurs, qui sont des acteurs de la ruralité. On n’avancera qu’en réconciliant». C’est mal parti…
Victor Boiteau/Libération (29.12.2021)
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