« On peut être ruraux et ne pas aimer la chasse »

Publié le par Jean-Louis Schmitt

Lors de leurs grandes manifestations le 18 septembre dernier, des chasseurs ont mis en avant le fait qu’ils défendaient la ruralité. Des habitants des campagnes, eux aussi ruraux, ont réagi pour rappeler que la cohabitation est parfois difficile.

Manifestation pour la défense de la ruralité à Redon qui a réuni plus de 9 000 chasseurs le 18 septembre 2021. Photo : Marc Ollivier/Ouest France

Damien ne part plus à la cueillette aux champignons, à la suite d’un incident « malheureusement pas exceptionnel », « mais assez impressionnant ». Un jour, « je suis simplement sorti en début de matinée dans une forêt proche de chez moi pour partir à la recherche de champignons », raconte cet habitant des Vosges de 38 ans. Comme toujours, il est vêtu d’un gilet jaune et a mis la radio sur son smartphone avec les haut-parleurs à fond, « pour bien signaler [sa] présence ».

Il pénètre sous les bois, près d’un parcours sportif. « Je n’ai pas vu de panneau d’affichage de chasse en cours. J’étais bien enfoncé en forêt lorsque j’ai entendu deux coups de feu partir plus bas et j’ai entendu siffler une balle (ou du plomb ?) assez près de moi. Je ne pense pas avoir été la cible du tir, trop loin, mais à quelques mètres près, ça aurait pu être une balle perdue, se souvient-il. J’ai aussi entendu aboyer plusieurs chiens peu après le tir. Au jugé, je me suis abrité derrière un arbre. » Avant de déguerpir le plus vite possible pour retrouver sa voiture. Il en a été quitte pour une grosse frayeur et ne va plus aux champignons.

« Arrêtez d’emmerder les ruraux »

Alors, comme d’autres, le discours des chasseurs, qui ont manifesté en nombre le 18 septembre dans plusieurs villes de France, l’a fait réagir. « Pour une ruralité respectée », pouvait-on lire à Redon. « Arrêtez d’emmerder les ruraux », proclamait une banderole de chasseurs brandie à Amiens. L’image a entraîné des réactions sur les réseaux sociaux. Lui qui habite un petit village des Vosges de moins de 200 habitants. Après avoir passé son enfance et son adolescence à la campagne, il a vécu quelques années dans des grandes villes, avant de « ressentir le besoin » de revenir à la campagne. Il rappelle ainsi la cohabitation parfois difficile entre certains ruraux et certains chasseurs. D’après un sondage Ifop réalisé pour la Fédération nationale des Chasseurs, 8 % des Français sont ou ont été chasseurs. Et tous les ruraux ne se reconnaissent pas dans le discours qui consiste à assimiler ruraux et chasseurs.

« Mon grand-père que j’aimais énormément était un chasseur, qui pratiquait la chasse en solitaire, raconte Damien. Je n’ai jamais été attiré par ça, je n’aime pas les armes à feu, mais ça a aussi fait partie de mon enfance, cela explique peut-être pourquoi je peux comprendre que certaines personnes aient envie de pratiquer la chasse. » N’empêche que « la saison de chasse commençant, on sait que les sorties en famille seront plus limitées », déplore-t-il, en ce mois de septembre.

Certains craignent pour leurs animaux domestiques. La semaine dernière, un chat siamois est mort après avoir reçu un tir de chevrotine. La propriétaire du chat, une habitante d’une petite commune du Nord, a pris une avocate pour déposer plainte. Quelques jours plus tard, une meute de chiens de chasse a tué deux autres félins, à Laillé, en Ille-et-Vilaine. Ils étaient arrivés dans un lotissement alors qu’ils participaient à une battue privée.

« Des altercations »

Guillaume, lui, regrette que le débat soit orienté autour d’une opposition entre ruraux et urbains. « On peut être ruraux et ne pas aimer particulièrement la chasse. Car les ruraux sont les premiers embêtés par la chasse », estime ce jeune homme de 23 ans. Lui, qui habite depuis peu à Nantes, vient de l’Aude. La maison familiale est en bordure d’une commune d’un millier d’habitants, où son père est agriculteur – viticulteur.

« Il y a des tensions avec les chasseurs depuis toujours, des petites tensions du quotidien. On a peur quand on va dans les bois. Il peut y avoir des altercations, se faire refuser l’accès ou on peut tomber sur des chasseurs qui nous demandent de ne pas faire de bruit », décrit Guillaume.

« Faire dans les règles »

Des chasseurs passent parfois près de la maison, bordée par les vignes. « Il y a des risques. Ils n’ont pas toujours le fusil cassé. » Une précaution pendant les déplacements pour éviter les accidents (même si les armes semi-automatiques ne « cassent » pas). « Quand ils sont près de la clôture mon père leur a déjà demandé de partir, mais ça ne se passe pas toujours bien. Il y a régulièrement des altercations entre les chasseurs et les agriculteurs ou les particuliers. Et il est assez difficile d’aller voir des gens armés pour leur dire quelque chose ou leur faire des reproches. Ce n’est pas évident », estime Guillaume.

Il ajoute : « Mon père est tout ce qu’il y a d’agriculteur, à la campagne, mais il n’aime pas la chasse. Pas dans l’idée de protéger des animaux mais en raison des risques et des relations conflictuelles. D’ailleurs, les chasseurs ne sont pas tous des ruraux. On connaît ceux du village, mais d’autres arrivent de ville en voiture et se comportent comme s’ils possédaient les lieux. » Tous les chasseurs ne sont pas ruraux, comme le confirmait une enquête (Bipe 2) de la Fédération nationale des chasseurs : « Les urbains et les ruraux ont l’occasion de se côtoyer dans un groupe de chasse sur deux. »

Des formations

« Je ne dis pas qu’il faut interdire la chasse, mais les gens qui ont des permis doivent être davantage formés et contrôlés », ajoute-t-il. Damien va dans le même sens : « Pour moi, c’est juste une question de le faire dans les règles de l’art et sans hypocrisie. » Pendant la saison 2019-2020, onze personnes sont mortes lors d’accidents en chasse, dont une n’était pas chasseur. Au total, en vingt ans, le nombre d’accidents de chasse impliquant des personnes a toutefois globalement diminué. La FNC insiste, elle, régulièrement sur le nécessaire respect des règles de sécurité. Des « formations vont être généralisées par la mise en place d’une remise à niveau obligatoire tous les 10 ans », précise le site de la FNC.

Marie Toumit/Ouest-France (28.09.2021)

 

 

 

 

 

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Publié dans Chasse

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Z
Ruraux , écologistes... ils ne sont pas à une usurpation des appelletions et des sites prés!
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J
Je confirme : je vis à la campagne et, contrairement à ce que l'on aimerait nous faire croire, je déteste la chasse ! Je ne connais d'ailleurs pas grand-monde qui apprécie... Tout au plus les gens sont-ils résignés mais, de toute manière, personne de mon entourage, n'apprécie cette activité...
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B
Une évidence...
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