Fugace et furtive… la Fouine
Je ne l’avais plus vue depuis longtemps. Mais je savais qu’elle était là. Et, ô surprise ! la voici qui jaillit… preste, immatérielle ! Filant le long du trottoir, ondoyant sous les voitures en stationnement, sitôt aperçue que déjà évanouie dans l’obscurité et le silence de la nuit. Personne ne l’aura remarquée et c’est tant mieux pour elle. Je me sens complice, son évanescente et subtile présence me rend heureux…
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Une fouine prend la pose.... Photo : Vincent Rillardon
Son aléatoire et improbable rencontre nous la rend d’autant plus précieuse. Chacun de nos contacts réveille des souvenirs, souvenirs anciens, souvenirs récents. Chacun de nos contacts renoue le fil invisible qui nous unit.
Ainsi, ces œufs cachés dans le fenil de l’oncle Fernand, paysan dans l’âme et grand ami des bêtes. Œufs de poulettes fermières de la basse-cour des lieux, garantis du producteur au consommateur, agrémentés d’œufs de Faisans rapportés du dehors, en guise de réserve pour les temps de disette à venir… Œufs stockés dans le même but, découverts dans les entrailles d’un vieux canapé en attente de réfection, dans la grange de mon frère tapissier… Fouine qui, après une soirée consacrée aux Mustélidés au Théâtre de la Grange à Riedisheim, surgit de la cour de la Ruche et, d’un trait, franchit la rue du Maréchal Foch, au vu et à la barbe de quelques participants noctambules s’attardant à jouer les prolongations.
Enfin, Fouine in live, dans la grangette de nos amis Gill et François, où, à la nuit tombée, à la lueur d’une lampe-torche, selon un rituel bien rodé, Dame Fouine se voit porter provende en son antre haut perché. Beauté, élégance, perfection…
Sait-on que tout au long de l’année notre protégée chasse activement les rongeurs ? Elle s’en prend tout particulièrement aux Campagnols, aux Mulots, aux Souris domestiques et aux Surmulots autrement dit Rats d’égouts qu’elle est l’un des rares Carnivores proches de l’homme à attaquer avec succès. Rappelons qu’à l’époque romaine, on l’avait adoptée pour dératiser les habitations.
Sait-on aussi que la Fouine émarge toujours et encore à la liste des nuisibles, autrement dit que sa destruction est autorisée en tous lieux et en tous temps, par tous les moyens, et que, de surcroît, elle a le triste privilège d’être le Mustélidé le plus piégé de France ?
Sait-on enfin ce que l’on veut ? Se priver de son plus précieux auxiliaire dans la lutte contre les indésirables que l’on souhaite éliminer relève de l’irrationalité la plus parfaite. Au pays des grandes écoles, il est grand temps de redonner au bon sens ses lettres de noblesse.
Pour l’heure, cinq départements, à qui nous tirons le chapeau, ont eu la sagesse et l’intelligence de protéger l’espèce. Il s’agit de la Dordogne (24), de l’Eure-et-Loir (28), de l’Isère (38), du Rhône (69) et de la Seine-Maritime (76).
Puisse le signal donné faire office de déclencheur et susciter l’apaisement dans nos relations avec le vivant, à commencer en nos départements frontaliers du Grand Est réputés avoir la fibre naturaliste.
Par ailleurs, il nous faut reconnaître qu’en nos paisibles villages notre petit Carnassier manifeste un intérêt tout particulier pour les oiseaux de basse-cour. Comment en serait-il autrement ? Aussi convient-il de veiller à fermer poulaillers et pigeonniers en fin de journée.
Quant aux durites, gaines de câbles électriques et autres tuyauteries de nos chères autos, il serait grand temps que les constructeurs optent pour l’utilisation de matières premières non attrayantes pour les Fouines. Depuis fort longtemps déjà, nous savons que les matériaux contenant des substances organiques d’origine végétale (amidon et dérivés de maïs) ou animale (extraits de poissons) appelés biosourcés attirent nos Mustélidés. Alors qu’attend-on ?
Contraste entre la perfection naturelle d’une espèce et les incohérences de l’intelligence humaine… Entre les discours grandiloquents de nos politiques en matière de préservation de la biodiversité et la triste réalité des pratiques d’une écologie à la petite semaine, il y a bien plus qu’un fossé. Fossé voire gouffre qu’il nous faudra combler et franchir dare-dare.
Navré de vous avoir peut-être perturbé dans vos convictions en pointant ces défaillances… Mais si nous souhaitons voir changer les choses en matière de préservation de la biodiversité, il nous faut regarder les réalités en face, surtout quand celles-ci relèvent du déni de la vie que cultivent sans vergogne nos sociétés dites de progrès.
Bienvenue à la fée de nos nuits, notre amie la Fouine !
Edmond Hérold, un ami (aussi) des Fouines
Quelques ouvrages sur la Fouine :
En fouinant dans les rayons des bouquinistes, peut-être dénicherez-vous l’un ou l’autre de ces ouvrages…
- Robert Hainard ‘’Mammifères sauvages d’Europe’’ Delachaux & Niestlé © 1961 / Tome 1 : 322 pages © 1962 / Tome 2 : 354 pages Nouvelle édition en un seul volume © 1997 / 670 pages
- Roland Libois & Antoine Waechter ‘’La Fouine’’ (Martes foina Erxleben, 1777) Encyclopédie des Carnivores de France - Volume 10 Société Française pour l’Étude et la Protection des Mammifères © 1991 / 53 pages
- François Léger & François Steimer ‘’La Fouine’’ Belin / Éveil Nature © 1998 / 72 pages
- Jean-François Noblet ‘’La nature sous son toit-Hommes et bêtes : comment cohabiter ?’’ Delachaux & Niestlé © 2005 / 173 pages
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Sans oublier le magnifique article ‘’Jeu de piste avec la Fouine’’ écrit par Lucas Michelot et superbement illustré par Jean Chevalier : c’est dans le numéro 267 de La Salamandre (Décembre 2021/Janvier 2022)
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