Dans le scintillement des yeux de la nuit...
On les a accusés d’annoncer la mort mais leurs hululements ne sont que chants d’amour. Pensant conjurer le sort, on les a cloués aux portes des granges tels des malfaisants. Ils sont en réalité les plus précieux alliés du paysan, débarrassant ses champs de leurs indésirables rongeurs, ravageurs de récoltes…
Le Hibou grand-duc d'Europe est l'oiseau de proie nocturne le plus grand… Photo : Jean-Louis Schmitt
Nos ancêtres ne savaient pas…
L’ignorance et les fantasmes des nuits noires sans éclairage expliquent semblables exactions. Dorénavant l’on sait et les barbaries à l’encontre de nos oiseaux de nuit se sont estompées. Tant mieux, mais pour eux, la partie n’est pas pour autant gagnée. Bien au contraire, de puissants poisons, invisibles et bien plus insidieux, ont pris le relais. Poisons sous forme de pesticides agricoles à large diffusion, contaminant les chaînes alimentaires et anéantissant les populations d’insectes, irremplaçable source de nourriture pour les rapaces nocturnes de petit gabarit tels Chevêche ou Petit-duc.
Poisons aussi sous forme d’anticoagulants - bromadiolone entre autres - contenus dans les raticides. Le rongeur absorbant pareille substance devient une proie toxique pour le prédateur ou le charognard qui l’ingère et c’est lui qui est éliminé. Cela ne saurait être autrement. Sauf à les rechercher tout spécialement, on ne croise que très rarement une Chouette ou un Hibou, ce qui nous les rend que plus précieux encore. Avec un peu d’expérience en la matière, on apprendra à rechercher chaque espèce en son milieu de vie propre. Ainsi de la Chouette chevêche devenue Chevêche d’Athéna en son verger traditionnel à hautes tiges, de la Dame blanche devenue Chouette effraie et dorénavant Effraie des clochers au village des hommes, de la Chouette hulotte anciennement Chat-huant en sa forêt originelle ou dans les grands parcs urbains, du Hibou grand-duc ou Grand-duc d’Europe sur les parois rocheuses du piémont des montagnes…
Au cœur de la nuit de l’hiver scintillent leurs yeux fascinants.
Au cœur de la nuit de l’hiver, aussi, résonnent leurs énigmatiques appels, ceux vibrants de la Hulotte au fond des bois et ceux, graves et profonds, du Grand-duc à l’à-pic des falaises jurassiennes et vosgiennes. Tenter leur approche et les écouter est garant d’émotions fortes. Merci à notre regretté ami, le docteur Michel Fernex (Genève 1929 - Biederthal 2021), de nous avoir initiés au monde de la nuit et de nous avoir permis de vivre semblable expérience par une nuit glaciale passée à la Rittimatt, sur les pentes enneigées de la chaîne du Remel, aux confins du Jura Alsacien. Nos premiers Grands-ducs nouvellement réintroduits en Alsace venaient de prendre leur envol…
La Chouette hulotte (Strix aluco) -également appelée chat-huant- est la chouette la plus répandue en France… Photo : Jean-Louis Schmitt
Saluons ici nos amis de la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO), grâce à qui la Chevêche et l’Effraie auront repris du poil de la bête, pour ne pas dire du duvet de l’oiseau, notamment pour ce qui concerne la première citée, qui revient de loin, de très loin même... Merci à vous tous, Bernard, Bertrand, Daniel, Georges, Marc, Michel, René ainsi que tous ceux que je ne nomme pas ici mais que j’associe par la pensée au sauvetage réalisé ! Puissent votre engagement et votre persévérance faire des émules et inciter nos jeunes cocheurs à se métamorphoser en vrais protecteurs. La survie de nos espèces est à ce prix. Sans l’action, la connaissance, aussi raffinée soit-elle, est stérile et sa diffusion reste lettre morte.
Envers et contre tout, garder le cap et poursuivre le combat pour la vie, afin qu’entre autres, chante à nouveau, en nos vergers fleuris, notre petite Chouette aux yeux d’or, Chouette d’Athéna ou Chouette de Minerve, selon votre préférence… Cela, sous les auspices et avec les bonnes grâces de notre antique et vénérable déesse de la Sagesse.
Edmond Herold
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