Une mobilisation pour dénoncer « l’impunité des chasseurs » à Laillé en Bretagne
Un automobiliste a été récemment tué par des chasseurs lors d’une battue au sanglier dans cette commune au sud de Rennes, où 150 personnes se sont réunies ce samedi. Peu avant, une meute de chiens avait pénétré dans un lotissement et tué des chats…
La candidate du Parti animaliste à l'élection présidentielle, Hélène Thouy, prend la parole à Laillé, le 13 novembre, lors de la mobilisation anti-chasse. Photo : Quentin Vernault/Libération
Une toile blanche a été tendue, sur lesquelles sont accrochées les photos de victimes. Au pied, un bouquet de fleurs et quelques bougies donnent à l’installation des airs de mausolée éphémère. Ce samedi, environ 150 personnes se sont réunies devant la mairie de Laillé, « pour dénoncer les dangers de la chasse et l’impunité des chasseurs », comme l’explique à la tribune une membre du collectif Forest Shepherd Bretagne, à l’initiative du rassemblement.
Cette petite commune de 5 000 habitants, au sud de Rennes, a été le théâtre récent d’un accident mortel : le 30 octobre, un automobiliste qui circulait sur la quatre-voies entre Rennes et Nantes a été touché par une balle de 9,3mm, lors d’une battue au sanglier. L’homme de 67 ans est mort quelques jours plus tard. Déjà, le 20 septembre, un premier événement avait créé l’émoi : une meute de chiens avait pénétré dans un lotissement, s’attaquant à des chats jusque dans les jardins et tuant deux d’entre eux.
A Laillé, 13 novembre… Photo : Quentin Vernault/Libération
« On a tous des histoires où ce n’est passé pas loin »
Ce samedi, devant la mairie, les témoins défilent sur la petite tribune improvisée, devant le mausolée, pour raconter leurs mauvaises expériences. Une militante de Forest Shepherd raconte les « agressions, intimidations, insultes, menaces… » subies lors de leurs actions anti-chasse et les plaintes souvent laissées sans suite. Une femme relate les deux tirs à « moins de 30 mètres » d’un parking fréquenté, lors d’une balade sur le sentier des douaniers. « J’ai appelé les gendarmes pour savoir si c’était autorisé, ils ont dit que les chasseurs faisaient ce qu’ils voulaient », assure-t-elle.
« On a tous des histoires où ce n’est passé pas loin : moi, c’est une balle qui a atterri dans un arbre à quelques mètres de ma fille », confie Julien, qui habite un village voisin, « au cœur de la forêt ». « Chasseurs, sauvez des vies, restez chez vous », invitent plusieurs pancartes. Les bannières de L214, du Parti animaliste flottent aussi parmi la petite foule.
Pendant ce temps, à l’intérieur de la mairie, une délégation de manifestants échange avec les élus locaux. Accusée de complaisance envers les chasseurs lors de l’épisode des chats, insultée et menacée sur les réseaux sociaux, la maire de Laillé Françoise Louapre, entourée d’une bonne partie de son conseil municipal et des maires de communes voisines, tente d’établir le dialogue. « Depuis un mois et demi, on planche sur la problématique de la chasse », explique-t-elle.
A Laillé, 13 novembre… Photo : Quentin Vernault/Libération
Arrêté interdisant toute action de chasse à moins de 150 m des habitations
Avec quatre homologues des communes voisines, Françoise Louapre rappelle avoir adressé une lettre ouverte au député, au préfet et à la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili, pour demander un meilleur encadrement de la chasse : gestion plus efficace de la surpopulation de sangliers ; encadrement de l’utilisation des carabines, bien plus puissantes que les fusils et de plus en plus utilisées ; demi-journées sans chasse le samedi et le dimanche après-midi...
Au vu de l’« absence de réaction », Françoise Louapre a pris jeudi un arrêté interdisant « toute opération de chasse » à moins de 150 mètres des habitations. Une disposition déjà en vigueur pour les 1 400 hectares gérés par l’association communale de chasse, mais qui ne concernait pas les 1 400 autres hectares relevant de chasses privées. L’arrêté prévoit aussi l’obligation de tenir les chiens en laisse dans le même périmètre et l’interdiction des carabines. Une façon de jeter « un pavé dans la mare, pour que ça rejaillisse au niveau national », expliquait cette agricultrice bio, lors d’une conférence de presse organisée dans la matinée. « Ce n’est pas un position anti-chasse. On a besoin de maintenir la chasse, au regard de la surpopulation de sangliers. Mais il faut mieux l’encadrer », ajoutait son adjointe Anne Chatelain-Le Couriaud, en charge du dossier.
Les édiles locaux pointent aussi la responsabilité de la fédération de chasse. « Les chasseurs subissent un effondrement de la biodiversité depuis les années 2000, sur le petit gibier. Leur solution pour continuer à chasser, c’est d’assurer une hausse de la population de sangliers », analyse Françoise Louapre.
L’arrêté pris à Laillé constitue certes une « avancée », mais qui reste insuffisante pour les manifestants, qui auraient aimé un périmètre d’interdiction plus étendu, un arrêté encadrant les types de tirs et même un moratoire local sur la chasse. « Les maires renvoient la responsabilité vers l’Etat, mais ils ont aussi le pouvoir d’inspirer. L’opportunité est manquée, de notre point de vue », débriefe Jimmy Nédellec, de Forest Shepherd, à la tribune. Militants et élus locaux se sont toutefois mis d’accord de poursuivre l’échange.
Elodie Auffray/Libération (13.11.2021)
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