L’arche des vétérinaires

Publié le par Jean-Louis Schmitt

Alors que les vétérinaires soignant les animaux de compagnie tiennent leur congrès annuel du 25 au 27 novembre à Bordeaux, Allain Bougrain Dubourg fait le point sur une profession sans cesse en mouvement…

Ce billet d’Allain Bougrain-Dubourg est, pour moi, l’occasion de rendre un vibrant hommage à Jean-Pierre Kieffer, vétérinaire et président de l’OABA (Œuvre d’Assistance aux Bêtes d’Abattoirs) durant de nombreuses années. Jean-Pierre fut aussi un pilier de la lutte contre la corrida et un fervent dans la lutte contre l’abattage rituel sans étourdissement… Jean-Pierre Kieffer est décédé dans la nuit du 25 au 26 octobre dernier… Photo : OABA

Des étoiles dans les yeux, beaucoup d’enfants répondent « vétérinaire » lorsqu’on leur demande ce qu’ils souhaitent faire plus tard. Cette profession se situe même en 5e position des métiers les plus demandés (4e pour les filles) après pilote d’avion, médecin ou enseignant.

La passion n’y suffit pas, les candidats sont beaucoup plus nombreux que les places limitées à 640 nouveaux étudiants. Alors dans les quatre écoles françaises, on se bouscule pendant près de 5 ans en espérant décrocher le fameux diplôme d’État. En première ligne, les femmes représentent 75 % de la population étudiante. Elles restent majoritaires parmi les quelque 18 874 vétérinaires actifs. Malgré l’augmentation des effectifs dans les 4 écoles nationales vétérinaires –plus de 35 % durant ces huit dernières années–, les vétérinaires en zones rurales mais aussi urbaines, rencontrent de réelles difficultés pour trouver des remplaçants, des collaborateurs, des associés ou des successeurs.

Désormais plus de 50 % des vétérinaires sont diplômés d’une école ou faculté étrangère. L’État a fini par écouter les revendications de la profession afin de passer les promotions françaises à 200 élèves par école. Par ailleurs depuis la rentrée 2021, il est possible de commencer la formation dès le bac, sans passer par la classe prépa.

Le charlatanisme existe aussi pour nos animaux

Pour maintenir une qualité thérapeutique, l’Ordre National des Vétérinaires veille au grain. Il est, par exemple, tentant de se livrer à des activités « bord cadre » qui s’inscrivent dans la sensibilité de la société. Des appellations du type « vétérinaire homéopathique » ou « vétérinaire naturopathe » ont fleuri ici et là au point que l’Ordre a dû remettre les pendules à l’heure il y a quelques jours en soulignant qu’elles sont interdites. Cette mise au point est clairement justifiée : « considérant que l’information aux détenteurs d’animaux doit être loyale, honnête et scientifiquement étayée, et qu’elle ne doit pas induire le public en erreur, abuser sa confiance ou exploiter sa crédulité ». L’Académie Vétérinaire de France, à l’identique des Académies de médecine et de pharmacie a récemment rendu un avis sur l’homéopathie vétérinaire préconisant que l’homéopathie, à l’instar de ce qui prévaut en médecine humaine, n’est pas reconnue ni ne peut être revendiquée actuellement comme une activité médicale vétérinaire exclusive et rappelle la démarche scientifique de la médecine fondée sur les preuves.

Ailleurs, on découvre que des médecins ophtalmologistes en humain contactent des vétérinaires pour obtenir l’Optimmune ND, une pommade ophtalmique destinée notamment à la kératite chez les chiens. La spécialité humaine n’étant pas remboursée depuis le 1er octobre 2021, les médecins ophtalmologistes seraient à la recherche d’une alternative moins coûteuse. L’Ordre a tapé sur la table en rappelant qu’il est interdit à un médecin de prescrire un médicament vétérinaire à un patient ou à un vétérinaire de prescrire un médicament à un patient.

La France, précurseur du soin animal

Si l’Ordre des Vétérinaires, garant de l’éthique de la profession, a été créé au lendemain de la dernière guerre, le métier est beaucoup plus ancien. La France peut, sans rougir de la crête, faire cocorico. C’est elle qui sous le règne de Louis XV créait la première école vétérinaire du monde en 1761. Cinq ans plus tard, une seconde école ouvrait au château d’Alfort. Et puisque nous revisitons le passé, notons que Marie Kapsevitch, passionnée par les lévriers, fut la première femme diplômée de la profession en 1897. Le métier, initialement essentiellement masculin, a changé de genre. Aujourd’hui, plus de 54 % des vétérinaires sont des femmes. Cela dit, elles restent peu nombreuses dans « la rurale ». La Dépêche vétérinaire a tenté de savoir si les femmes et le monde rural s’apparentaient à « je t’aime moi non plus ». Sans surprise, Christine Fontanini, professeur en sciences de l’éducation, constate que les femmes s’estiment « plus faibles » physiquement que les hommes et qu’elles manquent de force et de résistance. Pourtant, l’enseignante réfute ce jugement passéiste : « Les femmes s’en sortent très bien en rural grâce aux outils comme les vêleuses, avec l’aide des éleveurs ou… tout simplement en pratiquant la musculation! ».

Il n’empêche, on enregistre une baisse très nette des vétérinaires ruraux. La désertification à la campagne n’est pas due au genre mais peut-être à l’éducation, suggère Christine Fontanini qui constate que l’offre de jouets s’adresse prioritairement aux filles et qu’elle est essentiellement représentée par les soins aux chiens, chats, chevaux et faune sauvage. Pas un Play mobil vétérinaire rural, se désole la chercheuse. Même chose pour les jeux vidéo ou la littérature jeunesse. En attendant de réorienter la sensibilisation des enfants, le constat reste effectivement sans appel : 80 % des praticiens soignent des animaux de compagnie, 34 % se consacrent aux animaux de rente et 15 % aux chevaux, certains pouvant pratiquer plusieurs disciplines, ce qui explique le cumul des chiffres.

La protection animale, pas une priorité pour les vétos

Les vétérinaires sont les médecins historiques du monde animal mais furent-ils pour autant des protecteurs précurseurs? Curieusement, on ne les retrouve pas en première ligne du combat pour la protection animale. Au milieu du 19e siècle, cest le comte de Grammont qui initie la SPA. À ses côtés, Victor Hugo et d’autres penseurs. Tandis que les vétérinaires progressent dans les capacités d’interventions préventives et curatives liées aux pathologies, les associations tentent d’imposer des relations plus respectueuses des bêtes en faisant évoluer les réglementations.

Aujourd’hui encore, les vétérinaires lèvent rarement le voile sur certains épisodes tragiques des abattoirs, du transport du bétail ou de son élevage. Ce sont des associations comme L214, la SPA, la Fondation 30 Millions d’amis, l’IFAW, l’OABA et quelques autres qui font office de sentinelles. Grâce à elles, il a pu être mis fin à l’interminable débat sur le statut de l’animal dans le Code civil. Elles remettent en question la tauromachie, les maltraitances du déterrage des blaireaux, voire la surconsommation de viande. Cela dit, les vétérinaires ont une compétence inestimable pour accompagner la transition à laquelle nous assistons et ils l’ont bien compris.

Sortant de leur cabinet ou de leur labo, gagnant les marches de l’Assemblée Nationale, ils sont de plus en plus nombreux à relever le défi. L’Ordre National des Vétérinaires en a fait la preuve de manière historique lorsqu’il s’est publiquement prononcé contre la corrida, en condamnant les indéniables souffrances générées. De même la profession vétérinaire dans sa grande majorité veut en finir avec l’abattage rituel Halal ou Kascher ou, a minima, informer clairement le consommateur par la traçabilité de ces viandes. Les vétérinaires demandent aussi l’étourdissement avant la saignée à l’abattoir.

Jean-Yves Gauchot, président de la Fédération des Syndicats Vétérinaires de France n’hésite pas à s’engager : « Nous venons de prendre l’initiative de créer un comité de liaisons des associations de protection animale avec la profession vétérinaire (CLAPAV), c’est dire que nous voulons tous nous investir ».

Les animaux pourraient enfin bénéficier de cette union salutaire.

Allain Bougrain-Dubourg

 

 

 

 

 

 

Si vous avez apprécié cette publication,

partagez-là avec vos amis et connaissances !

Si vous souhaitez être informé dès la parution d’un nouvel article,

Abonnez-vous !

C’est simple et, naturellement, gratuit !

 

 

 

 

 

Publié dans Animaux, Point de vue

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
Z
Oui, j'aimerais aussi les voir davantage s'impliquer dans les combats que mènent des associations contre l'élevage industriel, la chasse à courre, la tauromachie , etc... <br /> Toutes mes condoléances pour ton ami, c'était une belle personne .
Répondre
C
Toutes mes sympathies pour ton ami, qui semblait être un bien bel humain!...
Répondre
D
Personnellement, je trouve que les vétérinaires en France ne sont pas très impliqués dans le combat du bien-être animal alors qu'ils sont à la source, les mieux placés pour constater toutes ces souffrances qu'endurent les animaux que ce soit dans les abattoirs, les transports, les jeux traditionnels corrida et autres, la pêche, etc....<br /> Ont-ils peur ? Est ce l'argent qui prédomine ?
Répondre