Le bien-être animal renvoyé à la niche
Adoptée à la quasi-unanimité en janvier dernier par l'Assemblée nationale, la proposition de loi visant à lutter contre la maltraitance animale a été validée en première lecture au Sénat, jeudi 30 septembre. Quelques modifications ont toutefois été apportées au texte…
Allain Bougrain-Dubourg, grand défenseur de la cause animale, président de la Ligue pour la protection des oiseaux. Photo : Xavier Leoty/AFP
A 23h58, l'affaire était bouclée. Les sénateurs, encore présents dans un hémicycle quasi vide, sont partis se coucher. Les autres dormaient déjà ? Avant de fermer l'œil, le Sénat a pourtant trouvé la force d'édulcorer un texte visant à faire reculer la maltraitance animale.
Tout s'annonçait pourtant sous de bons auspices. En janvier dernier, la proposition de loi avait été adoptée à la quasi-unanimité par l'Assemblée nationale qui, sous l’impulsion du député Loïc Dombreval, proposait une série de mesures ne déméritant pas. La Fondation Droit Animal Ethique et Sciences s'est réjouie que l'enseignement de l’éthique animale, l'interdiction des animaux dans les discothèques, le contrôle des NAC (nouveaux animaux de compagnie) ou encore l'interdiction de l'élevage des animaux sauvages pour la production de fourrure aient été votés dans les deux chambres.
Mais une série d'autres mesures passent aujourd'hui à la trappe. Un rendez-vous raté avec l'histoire. Ainsi les sénateurs maintiennent les cétacés dans les delphinariums. Au mieux, il pourrait être décidé de les interdire par un décret sur avis d’un "conseil du bien-être des cétacés". Une belle manière de passer la patate chaude à un nouveau "comité Théodule", comme disait le général De Gaulle en 1963 qui précisait : "L'essentiel n'est pas ce que pense le comité Théodule, c'est ce que pense la France".
Marche arrière sur plusieurs mesures
Or la France, en l'occurrence, elle est clairement opposée à ce qui convient bien aux sénateurs. Elle ne veut plus de spectacles de cirques présentant des animaux sauvages dénaturés, non conformes à leurs besoins naturels. Les sénateurs n'y voient aucun inconvénient. À croire qu'ils sont restés de grands enfants qui rigolent avec les clowns et s'émerveillent avec les cerceaux de feu.
Dans un autre genre, le Sénat n'est pas favorable à l'interdiction de vente d'animaux en vitrine. L’aimable commerce, avec son cortège de malentendus et de misère animale, va donc pouvoir garder pignon sur rue. Rien d'étonnant à ce que l'on continue d'enregistrer quelques 100 000 animaux abandonnés chaque année (au passage, la SPA en a recueillis près de 16 900 durant l'été).
Autre rejet, l'idée de stériliser les chats errants sous responsabilités des communes. Trop cher ! Là encore, on ne mesure pas le coût, les souffrances et les conséquences pour les félins vagabonds. La page est-elle une nouvelle fois tournée ? L'espoir de mesures salutaires pour les animaux est-il enterré ? La balle est désormais dans le camp de la commission mixte paritaire.
En clair, une ultime négociation entre députés et sénateurs. Il y a tout à penser qu'ils s'affronteront comme chien et chat lors de cette rencontre dont la date n'est même pas fixée. En principe, l'Assemblée nationale a le dernier mot à condition que l'honorable chambre ait le temps de rediscuter l'affaire d'ici la fin de la mandature. Or, rien n'est moins sûr...
Cet épisode renvoie aux premiers débats sur ce thème. Au milieu du XIXème siècle, Victor Hugo plaide la cause des bêtes. Dans l’hémicycle, ses propos, couverts par des hennissements, des aboiements, des miaulements et autres roucoulades, subissent le mépris des parlementaires. À part cela, on aime tous les bêtes, n'est-ce pas ?
Allain Bougrain-Dubourg (05.10.2021)
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