Face au rapport du Giec, ces JT qui jouent les climatosceptiques
Alerte maximale ! La planète est en feu et le pire est à venir préviennent les experts du Giec dans leur sixième rapport. Mais pour les médias mainstream, l'écologie passera toujours après le sport, l'économie et les micros-trottoirs sur le Covid. La preuve avec le JT de France 3 du dimanche 8 août…
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Froid, clair, concis. La première partie du sixième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), rendue public lundi 9 août, est des plus inquiétantes. L’accélération du changement climatique se généralise et s’intensifie partout dans le monde. Les feux de forêts toujours plus nombreux et dévastateurs, mais aussi les inondations dramatiques, les éboulements de terrains, les tempêtes furibardes… témoignent que le climat sur terre est en plein chamboulement.
Depuis des décennies, les climatosceptiques ont joué avec le feu et les mots, ricanant sans cesse sur l’expression « réchauffement climatique » dès lors qu’il pleuvait ou que les températures chutaient plus que de normale. Sauf que ce sont ces mêmes personnes qui employaient à tort et à travers l’expression « réchauffement climatique » pour évoquer tout autant la météo que le climat. Les experts eux employaient dès les années 1990 les termes de « bouleversement climatique » pour désigner, ici, des chaleurs extrêmes, ailleurs des pluies diluviennes et autres tornades dévastatrices. Autant de phénomènes complexes et différents, tous liés, il est vrai, au réchauffement climatique global qui existe bel et bien.
Or, d’année en année, ça empire précisent les experts du Giec : « Chacune des quatre dernières décennies a été successivement plus chaude que toute décennie depuis 1850. » Devant une telle évidence, les derniers climatosceptiques, ces négationnistes des responsabilités humaines sur le dérèglement du climat, se font discrets. Ils ont raison, et ce d’autant plus que les médias grand public, comme les JT, ont pris le relais au prétexte du doute journalistique.
Les JO passent avant le climat
À la discipline olympique « la maison brûle mais on parle d’abord des JO », Charlie décerne la médaille d’or au JT de France 3 du dimanche 8 août. Après douze minutes sur la fin des JO et le nombre de médailles remportées par notre glorieux pays, le conducteur du JT passe –enfin– aux incendies phénoménaux qui transforment la Grèce et la Turquie en barbecues géants et apocalyptiques.
La présentatrice, Rebecca Benbourek, après avoir rappelé que les incendies posent de manière cruciale la question du réchauffement climatique et cité le rapport du Giec demande, en se tournant vers sa collègue : « Certaines de ces catastrophes sont-elles en lien direct avec le dérèglement climatique ? » Maëva Damoy est-elle une experte de ces questions ? Une journaliste spécialisée en écologie ? Pas vraiment, la jeune femme est plutôt branchée économie mais, polyvalence oblige, elle est prête à faire office de spécialiste. Et c’est tout naturellement qu’elle répond bien droite face caméra : « Eh bien oui Rebecca, les experts le disent, certaines catastrophes seraient directement liées au réchauffement de la planète. Cette fois cela touche nos voisins européens, mais la France est aussi régulièrement en proie aux feux de forêt. 45 % des Français auraient déjà subi les conséquences du dérèglement climatique sur leur lieu d’habitation. »
Dans leur sixième rapport –sixième !– les scientifiques du Giec sont bien plus affirmatifs que Maëva-la-prudente. Exit le conditionnel, car « l’influence humaine a sans équivoque réchauffé l’atmosphère, l’océan et les terres émergées », notent ces experts du climat dans leur résumé pour les décideurs (« Summary for policymarkers »).
Notons, au passage, comment les deux journalistes évacuent la situation mondiale pour ramener le problème à l’Hexagone avec ce terrible « 45 % de Français qui auraient » subi les conséquences du dérèglement climatique.
Quelques secondes après, heureusement, retour sur la situation mondiale avec un cliché de la Nasa : un planisphère montrant, en une multitude de petits points rouges, les incendies qui ravagent le monde depuis « les six derniers jours », précise Maëva Damoy. « L’Australie, la Californie, la Turquie et plus récemment l’Italie. Pour n’en citer que quelques-uns », poursuit-elle.
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Capture d’écran (https://firms2.modaps.eosdis.nasa.gov/)
Sur cette carte, une large bande rouge saute aux yeux. L’Afrique subsaharienne –presque un quart du continent– brûle dans le silence coupable du monde. Et du JT de France 3 qui malgré cette carte n’aura pas un mot pour le continent africain.
Autant dire que s’il reste moins de vingt ans pour éviter l’aggravation du dérèglement climatique, on est plutôt mal barré avec nos comportements égoïstes et nationalistes. Avec nos journalistes qui, au nom de l’indépendance d’esprit, emploient le conditionnel pour les questions écologiques mais avalent sans broncher les discours économiques sur la nécessaire relance de la consommation, la réforme de l’assurance-chômage ou les bienfaits de la concurrence mondiale.
« C’est maintenant que tout se joue, note le très bon site Reporterre, le quotidien de l’écologie. La communauté scientifique ne cesse d’alerter sur ce désastre environnemental qui s’accélère et s’aggrave, la population est de plus en plus préoccupée, et pourtant le sujet reste secondaire dans le paysage médiatique. Ce bouleversement étant le problème fondamental de ce siècle, nous estimons qu’il doit occuper une place centrale et quotidienne dans le traitement de l’actualité. »
Une (petite) partie de la solution sans doute, mais qui pourrait changer les mentalités si les médias mainstream jouaient enfin correctement leur rôle : informer plutôt que de relativiser ou de minorer les questions écologiques.
Natacha Devanda
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