Face au rapport du Giec, ces JT qui jouent les climatosceptiques

Publié le par Jean-Louis Schmitt

Alerte maximale ! La planète est en feu et le pire est à venir préviennent les experts du Giec dans leur sixième rapport. Mais pour les médias mainstream, l'écologie passera toujours après le sport, l'économie et les micros-trottoirs sur le Covid. La preuve avec le JT de France 3 du dimanche 8 août…

Froid, clair, concis. La première partie du sixième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), rendue public lundi 9 août, est des plus inquiétantes. L’accélération du changement climatique se généralise et s’intensifie partout dans le monde. Les feux de forêts toujours plus nombreux et dévastateurs, mais aussi les inondations dramatiques, les éboulements de terrains, les tempêtes furibardes… témoignent que le climat sur terre est en plein chamboulement.

Depuis des décennies, les climatosceptiques ont joué avec le feu et les mots, ricanant sans cesse sur l’expression « réchauffement climatique » dès lors qu’il pleuvait ou que les températures chutaient plus que de normale. Sauf que ce sont ces mêmes personnes qui employaient à tort et à travers l’expression « réchauffement climatique » pour évoquer tout autant la météo que le climat. Les experts eux employaient dès les années 1990 les termes de « bouleversement climatique » pour désigner, ici, des chaleurs extrêmes, ailleurs des pluies diluviennes et autres tornades dévastatrices. Autant de phénomènes complexes et différents, tous liés, il est vrai, au réchauffement climatique global qui existe bel et bien.

Or, d’année en année, ça empire précisent les experts du Giec : « Chacune des quatre dernières décennies a été successivement plus chaude que toute décennie depuis 1850. » Devant une telle évidence, les derniers climatosceptiques, ces négationnistes des responsabilités humaines sur le dérèglement du climat, se font discrets. Ils ont raison, et ce d’autant plus que les médias grand public, comme les JT, ont pris le relais au prétexte du doute journalistique.

Les JO passent avant le climat

À la discipline olympique « la maison brûle mais on parle d’abord des JO », Charlie décerne la médaille d’or au JT de France 3 du dimanche 8 août. Après douze minutes sur la fin des JO et le nombre de médailles remportées par notre glorieux pays, le conducteur du JT passe –enfin– aux incendies phénoménaux qui transforment la Grèce et la Turquie en barbecues géants et apocalyptiques.

La présentatrice, Rebecca Benbourek, après avoir rappelé que les incendies posent de manière cruciale la question du réchauffement climatique et cité le rapport du Giec demande, en se tournant vers sa collègue : « Certaines de ces catastrophes sont-elles en lien direct avec le dérèglement climatique? » Maëva Damoy est-elle une experte de ces questions? Une journaliste spécialisée en écologie? Pas vraiment, la jeune femme est plutôt branchée économie mais, polyvalence oblige, elle est prête à faire office de spécialiste. Et cest tout naturellement quelle répond bien droite face caméra : « Eh bien oui Rebecca, les experts le disent, certaines catastrophes seraient directement liées au réchauffement de la planète. Cette fois cela touche nos voisins européens, mais la France est aussi régulièrement en proie aux feux de forêt. 45 % des Français auraient déjà subi les conséquences du dérèglement climatique sur leur lieu d’habitation. »

Dans leur sixième rapport –sixième! les scientifiques du Giec sont bien plus affirmatifs que Maëva-la-prudente. Exit le conditionnel, car « l’influence humaine a sans équivoque réchauffé l’atmosphère, l’océan et les terres émergées », notent ces experts du climat dans leur résumé pour les décideurs (« Summary for policymarkers »).

Notons, au passage, comment les deux journalistes évacuent la situation mondiale pour ramener le problème à l’Hexagone avec ce terrible « 45 % de Français qui auraient » subi les conséquences du dérèglement climatique.

Quelques secondes après, heureusement, retour sur la situation mondiale avec un cliché de la Nasa : un planisphère montrant, en une multitude de petits points rouges, les incendies qui ravagent le monde depuis « les six derniers jours », précise Maëva Damoy. « L’Australie, la Californie, la Turquie et plus récemment l’Italie. Pour n’en citer que quelques-uns », poursuit-elle.

Capture d’écran (https://firms2.modaps.eosdis.nasa.gov/)

Sur cette carte, une large bande rouge saute aux yeux. L’Afrique subsaharienne –presque un quart du continent– brûle dans le silence coupable du monde. Et du JT de France 3 qui malgré cette carte n’aura pas un mot pour le continent africain.

Autant dire que s’il reste moins de vingt ans pour éviter l’aggravation du dérèglement climatique, on est plutôt mal barré avec nos comportements égoïstes et nationalistes. Avec nos journalistes qui, au nom de l’indépendance d’esprit, emploient le conditionnel pour les questions écologiques mais avalent sans broncher les discours économiques sur la nécessaire relance de la consommation, la réforme de l’assurance-chômage ou les bienfaits de la concurrence mondiale.

« C’est maintenant que tout se joue, note le très bon site Reporterre, le quotidien de l’écologie. La communauté scientifique ne cesse d’alerter sur ce désastre environnemental qui s’accélère et s’aggrave, la population est de plus en plus préoccupée, et pourtant le sujet reste secondaire dans le paysage médiatique. Ce bouleversement étant le problème fondamental de ce siècle, nous estimons qu’il doit occuper une place centrale et quotidienne dans le traitement de l’actualité. »

Une (petite) partie de la solution sans doute, mais qui pourrait changer les mentalités si les médias mainstream jouaient enfin correctement leur rôle : informer plutôt que de relativiser ou de minorer les questions écologiques.

Natacha Devanda

 

 

 

 

 

 

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D
Correction: je pense que c'est "ces avions que nous avons cru remis en question" ; j'ai raisonné comme si avions cru était suivi d'un infinitif or ce n'est pas le cas . Désolée; mais si qq'un est sûr accord ou pas accord, je prends
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M
Au moins, je me sens moins seule, moi qui me pensais toujours critique... Oui, j'ai été (et je suis toujours) abasourdie par l'absence d'échos sur ce désastre tant dans la presse que chez les politiques mais aussi chez le citoyen lambda, trop occupé à ce que surtout "rien ne change dans son quotidien". Certes les médias ne font plus leur boulot et ça tombe bien, puisque nous n'avons pas envie d'envisager la manière dont on pourrait aussi participer au changement... Nous sommes tous concernés! Arrêtons de reporter la faute sur "l'autre" car le problème c'est que c'est l'affaire de tous!
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D
Tout à fait d'accord, les médias sont complices du pouvoir, des pouvoirs, pour nous laisser croire que le crise est une parenthèse, que le réchauffement n'est pas si grave alors qu'il y a urgence à transformer la société, mettre en place une civilisation qui change complètement ses modes de vie pour sauver ce qui peut l'être encore ! Il s'agit essentiellement des JT et des grands médias; forcément là-haut on parle toujours relance et PIB !!!! Effarant ! Mais j'ai été agréablement surprise par deux billets d'un éditorialiste du Courrier Picard , journal local , le seul qui pense et dit à l'identique de ce que je pense ; son dernier article est surtout consacré aux irresponsables qui veulent encore sillonner la Planète en avion (et au système qui encourage) et portent nos virus dans les pays lointains qui ne sont pas encore complètement impactés; s'ajoute à ça la pollution énorme par les avions que nous avons crus remis en question en mars 2021 ; il termine son billet en disant "effarant" ; je l'envoie à Jean-Louis
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F
Bref, les médias, les infos n'informent plus de rien. Ils sont payés pour endormir la population et c'est d'autant plus inquiétant qu'ils atteignent leur but. Si l'on veut vraiment savoir ce qui se passe, on peut le rechercher soi-même, pour peu qu'un état des lieux existe, comme le rapport du GIEC. Mais cet effort ne fera guère évoluer la situation puisque les "endormis", qui sont très nombreux, préfèrent rester "endormis".
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B
Tout est dit dans ce bel article alarmant de Natacha Devanda...<br /> C'est très très inquiétant... <br /> C'est minimisé... On en parle au JT entre 2. On nous bassine avec des choses bien moins préoccupantes. Des infos sur les milliardaires dont on a que faire... Bientôt on va nous seriner avec les candidats aux Présidentielles. <br /> On va droit au mur dans ce monde individualiste et égoïste.<br /> Cela me rend triste et comment ne pas se faire du souci pour les années à venir. <br /> Tout ce chamboulement climatique fait craindre le pire...<br /> Bon dimanche Jean-Louis
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J
Et en plus de cette minimisation coupable, j’ai de gros doutes sur les échéances qui, depuis 30 ans et pour les médias, sont toujours données pour la fin du siècle .
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M
Les grand médias disent ce que leurs patrons et les politiques qui les soutiennent les autorise à dire Or à leur tête se trouve des personnes pour qui seul compte le profit immédiat et donc vive la consommation à outrance pas question de saboter le moral des consommateurs avec des questions comme le déréglement climatique. On s'occupera de ce problème quand il rapportera de l'argent pas avant. Beaucoup de gens n'ont pas envie de savoir et encore beaucoup moins de faire un effort pour que les choses changent, c'est toujours "l'autre" qui pollue plus et qui doit commencer à changer ses habitudes ...
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D
mainstream ? si on commençait par parler français...
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J
D’autant plus que ce mot là n’est ni très compréhensible ni indispensable, mais difficile de résister à l’attrait de l’anglais pour les prescripteurs. Et j’ai peur que le phénomène ne continue.