Plébiscités pendant les confinements, les animaux de compagnie envahissent les refuges
Depuis le début de la crise sanitaire, de nombreux Français ont fait le choix d’accueillir un animal de compagnie. Mais bon nombre de ces bêtes peuplent aujourd’hui les refuges des associations, qui sont à saturation depuis début juin…
Un chat abandonné au refuge de la SPA de Strasbourg. Photo : Catherine Bronner (Cliquez pour agrandir)
L’été, le soleil, les départs en vacances, les abandons. Chaque année, l’histoire se répète : les associations de protection animale enregistrent un pic dans le nombre d’animaux qu’elles recueillent. Et cet été, les chiffres d’admission battent tous les records. Depuis le 1er mai, 10 600 animaux abandonnés ont été recueillis par la Société protectrice des animaux (SPA), soit 7 % de plus qu’en 2019 sur la même période.
Avec près de 7 500 pensionnaires, les refuges de l’association sont au maximum de leurs capacités depuis le 1er juin, alors qu’ils sont habituellement saturés à partir du dernier week-end de juillet. L’une des causes de cette augmentation : l’attrait pour les animaux de compagnie durant les confinements qui se sont succédé.
Remède à l’isolement forcé, moyen de combler un manque d’affection et de compagnie… Les confinements ont fait naître, chez certains, l’envie d’adopter un compagnon à poils ou à plumes. Une décision parfois prise sous le coup de l’émotion, sans véritable compréhension de l’investissement qu’implique l’arrivée d’un animal dans un foyer. « Certains se sont laissé aller à l’achat compulsif, notamment dans les animaleries », déplore Daniel Meyssonnier, président du refuge des Baux-de-Provence (Bouches-du-Rhône) et administrateur du Syndicat national des professions du chien et du chat :
Animaux abandonnés au refuge de la SPA de Strasbourg. Photos : Catherine Bronner (Cliquez pour agrandir)
« On passe devant un chiot, on se dit qu’il est mignon, notre enfant nous supplie de le prendre. On craque, et au bout de six mois, on s’aperçoit que c’est compliqué, que ce n’est pas l’enfant qui va s’occuper du chien mais bien les parents. Et on finit par abandonner l’animal. »
Changements comportementaux
Accueillir un animal de compagnie n’est déjà pas de tout repos en temps normal. Le confinement est venu ajouter son lot de difficultés : maîtres et animaux ont dû apprendre à vivre en étroite proximité, et ce tout au long de la journée. Elisabeth, qui souhaite rester anonyme, éducatrice comportementaliste canine diplômée d’Etat à Lyon, a suivi plusieurs chiens au cours de ces confinements successifs. « Ils étaient plus stressés, plus anxieux, détaille-t-elle. Ceux qui étaient habitués à être seuls ont dû s’adapter à la présence de leurs maîtres, aux bruits, aux enfants qui n’étaient plus à l’école… » Le déconfinement et la fin du télétravail ont, là encore, demandé un effort d’adaptation. « Pour certains, c’était vraiment très compliqué, il a parfois fallu passer par des médicaments, des thérapies comportementales… »
Jacques-Charles Fombonne, président de la SPA, confirme ces changements comportementaux. « Lorsque le confinement a pris fin et que les maîtres sont retournés au travail, les animaux, qui avaient vécu avec eux 24 heures sur 24, ont parfois développé des angoisses, une peur d’être abandonnés, résume le bénévole. Le chien va mettre l’appartement sens dessus dessous, aboyer ; le chat va uriner partout… Et ces problèmes comportementaux peuvent parfois mener à des abandons. »
Dans les refuges de la SPA, les deux tiers des animaux sont des chats. L’association en a recueilli 7 000 en moins de trois mois, soit 25 % de plus qu’en 2019. Une augmentation en partie imputable à la crise sanitaire, selon Jacques-Charles Fombonne : « Les campagnes de stérilisation des chats errants ont pris beaucoup de retard à cause des confinements. Les chats ont continué à se reproduire, et ils constituent aujourd’hui une part très importante de nos pensionnaires. » En plus des chats et des chiens, les refuges comptent désormais de nouveaux animaux de compagnie, tels que lapins, furets ou encore tortues, en augmentation de 24 % par rapport à 2019.
Un chat abandonné au refuge de la SPA de Strasbourg. Photo : Catherine Bronner (Cliquez pour agrandir)
Aucune donnée fiable
Lueur d’espoir pour les associations de protection animale, l’Assemblée nationale a voté, fin janvier, l’interdiction de la vente de chats et de chiens dans les animaleries à partir de 2024, dans le cadre d’une proposition de loi contre la maltraitance animale. Une décision saluée par le président de la SPA : « Là-bas, on vend des animaux comme on vendrait des peluches ou une console de jeu. Interdire la vente en animalerie et sur Internet, c’est orienter les acheteurs vers des éleveurs ou des refuges, des professionnels qui pourront leur donner des conseils et des informations concernant leur futur animal. Et qui pourront, aussi, vérifier si la personne est en mesure d’élever un animal de compagnie. »
Parmi les autres mesures proposées par les députés figure l’instauration d’un certificat de connaissances obligatoire avant toute nouvelle acquisition d’espèce. Cette disposition, soutenue par le gouvernement, vise à responsabiliser les propriétaires d’animaux. Elle sera mise au débat des sénateurs les 30 septembre et 1er octobre.
Aujourd’hui, aucune donnée fiable ne permet d’estimer le nombre d’animaux abandonnés chaque année. Depuis vingt ans, les associations parlent de 100 000 abandons par an. Mais pour Nicolas Biscaye, responsable du collectif Espoar, qui vise à réunir les acteurs de la protection animale pour lutter contre l’abandon et la maltraitance, le chiffre est à nuancer. « C’est une estimation pour faciliter la communication. Evaluer le nombre d’animaux abandonnés est extrêmement difficile. Mais il est bien supérieur à 100 000 abandons par an, cela ne fait aucun doute. »
Ce flou quant au nombre d’abandons et d’acquisitions d’animaux rend difficile la mise en place de politiques adaptées et efficaces. Pour tenter d’y remédier, un décret du ministère de l’agriculture a rendu obligatoire, depuis décembre 2020, l’identification des chiens et des chats, qui doivent être enregistrés dans un fichier national. Tout propriétaire qui ne se soumettrait pas à cette obligation s’expose à une amende de 750 euros.
Pauline Gensel/Le Monde (28.07.2021)
Le devenir des associations de protection animale « sans refuge » en débat
La proposition de loi contre la maltraitance animale, qui sera discutée au Sénat fin septembre, fait débat parmi les associations. Le collectif Espoar, qui vise à réunir les acteurs de la protection animale pour lutter contre l’abandon et la maltraitance, s’oppose à l’article 3 bis, qui dénie aux associations sans refuge –qui ne disposent pas de structures d’accueil des animaux– l’accès à des familles prenant en pension ces derniers. « Les refuges ne sont pas en capacité d’accueillir tous les animaux abandonnés, alerte Nicolas Biscaye, responsable du collectif. Ils sont déjà saturés, malgré le travail des associations sans refuge, qui jouent un rôle essentiel dans la protection animale. »
Ces associations sans refuge, au nombre de 3 200 en France, ont principalement recours aux familles d’accueil, pour sociabiliser de nouveau les animaux et estomper au maximum le traumatisme de l’abandon avant une adoption future. L’adoption de la proposition de loi aboutirait à leur fermeture. « Il faudra s’attendre alors à une vague massive d’euthanasies, les associations avec refuge ne pourront pas prendre en charge l’afflux massif d’animaux provenant des associations sans refuge », alerte M. Biscaye.
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