Journal du reconfinement/Acte 3 ‘’Crime contre l’animalité’’
La littérature n'est pas là seulement pour nous distraire, on le sait bien. Elle est aussi un regard neuf sur le monde, elle permet de rêver, de voyager… Elle témoigne et dénonce aussi à l’occasion. Voici un extrait du roman ‘’À la table des hommes’’ de Sylvie Germain que Martine, une amie et une fidèle de ‘’Nature d’Ici et d’Ailleurs’’ a repéré et recopié pour nous… Un petit texte qui a d'évidents relents d'actualité !
‘’ La tremblante du mouton, également appelée gratte ou scrapie (qui dérive du verbe anglais to scrape : «gratter») est une maladie animale à prions, du groupe des encéphalopathies spongieuses transmissibles (ESST, analogue à l'ESB) qui atteint les petits ruminants (ovins, caprins), chat, bovin, wapiti, cerf, élan, vison… C'est une maladie mortelle qui se caractérise par l'apparition de troubles du comportement liés à une atteinte du système nerveux central. Les prions infectieux font partie des «agents transmissibles non conventionnels (ATNC)» et sont dits «prions pathogènes»…’’ (Source : dictionnaire) Photo : JLS (Cliquez pour agrandir)
« Cette vie est mise à mal par ceux-là mêmes qui veulent se l’accaparer, en être les maîtres exclusifs. Une mise à mal en crescendo, avec des pics d’affolement, comme pendant les années de la vache dite folle et des moutons et des chèvres pris de tremblante ; des ruminants alors exécutés par dizaines de millions pour avoir été gavés de farines carnées produites à partir de chairs, d’abats, d’os et de sang récupérés dans les abattoirs, et aussi de placentas humains. Des herbivores changés traîtreusement en carnivores se nourrissant les uns des autres avant d’être à leur tour réduits en partie en farines pour alimenter ceux de leur espèce, et tous finissant dans l’estomac des humains ; Un cercle fou, une spirale broyeuse et avalante qui fait de tous, bêtes et hommes, des cannibales.
Une explosion d’autophagie qui s’est révélée fatale, et que ceux qui l’avaient provoquée, les hommes imbus de leur pouvoir, de leurs besoins, de leur science, ont fait payer à leurs victimes en les assassinant. La mort en hâte, en rage, en vrac. [...] C’est bien là l’excellente fatuité des hommes. Quand notre fortune est malade, souvent par suite des excès de notre propre conduite, nous faisons responsables de nos désastres les vaches, les moutons et les chèvres : comme si nous étions carnivores par nécessité, gloutons par compulsion céleste, empoisonneurs et tortionnaires de bêtes paisibles par obéissance forcée à l’influence planétaire, égorgeurs de ruminants par légitime défense, jamais portés au mal que contraints et forcés par la violence des dieux !
Admirable subterfuge de l’homme putassier : mettre ses crimes à la charge de ses victimes ! Les animaux exterminés par millions ont en effet été désignés comme responsables de l’épidémie survenue, coupables de l’empoisonnement même qu’ils avaient subi. Et ce sont les vaches infectées qui ont été traitées de folles, taxées de démence dangereuse, tandis que les hommes contaminés pour avoir mangé de leur viande viciée ont reçu une qualification plus noble, celle d’une maladie portant les noms des deux neurologues, Creutzfeld et Jakob. Aux bêtes l’insanité, l’abrutissement et le soupçon de dangerosité. Aux hommes l’intelligence, le savoir, la science, le sérieux. […] » Crime contre l’animalité, page 192.
À la table des hommes, Sylvie Germain, Poche, 2017
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