Journal du reconfinement/Acte 3 ‘’C’est l’heure des avrillées champêtres’’
Avril est un mois porteur de promesses, celui des premières récoltes et de l’épanouissement exubérant du printemps. Avec Bruno Matthieu, empruntons au hasard quelques-unes des voies qu’il nous offre ou suggère pour nous régaler de ses générosités…
Les salamandres sortent doucement d’hibernation pour entamer leur saison de reproduction… Photo : Salamandre géante en résine réalisée par Deny Lavoyer (JLS) (Cliquez pour agrandir)
« L’entrée en avril » débute au 91e jour de l’année (92e pour les années bissextiles), sacrifie à la tradition des farces, puis déroule ses trente bonnes journées calendaires généralement chahutées par les caprices du temps, oscillant de contrastes extrêmes entre contre-offensives hivernales et premières chaleurs estivales. C’est aussi le quatrième mois des calendriers julien et géorgien : le premier était le calendrier solaire utilisé dans la Rome antique et introduit par Jules César, remplacé à la fin du XVIe siècle par le second pour en corriger la dérive séculaire.
Quant à l’avrillé(e), c’est un terme d’agriculture qui prend son origine dans l’expression « le blé avrillé », c’est-à-dire semé en avril. Mais l’avrillé est aussi employé comme nom singulier invariant en genre, bien que Maurice Genevoix, secrétaire perpétuel de l’Académie française, ait fait le choix de le féminiser : « La pervenche, c’est un ciel qui hésite juste au bord de l’avrillée » dans son ‘’Jardins sans murs’’ (1968).
« La jeune aurore de printemps »
Et quel meilleur augure pour emprunter les sentiers printaniers d’avril que de mettre ses pas dans ceux de Genevoix dont les connaissances naturalistes partageaient l’exactitude d’une grande rigueur scientifique et une immense sensibilité poétique. Encore un peu des ‘’Jardins sans murs’’ : « L’anémone, c’est un vol de nuagelets, blancs et roses, qui retient sous la futaie nue le sourire même et les nuances tendres de la jeune aurore de printemps. Rien de plus ravissant qu’une fleur d’anémone à demi penchée sur sa tige… ».
Quelle émotion jubilatoire que de rendre visite aux anémones du sous-bois avec la poésie de Genevoix comme viatique : une invite aux échappées champêtres multiples, toujours prodigues et à la portée de chacun.
« La Recherche… » de Proust nous prendra aussi bien par la main au spectacle des fruitiers en fleurs : « Ce fut un émerveillement de voir chaque jardinet pavoisé par les immenses reposoirs blancs des arbres fruitiers en fleurs. C’était comme une de ces fêtes singulières, poétiques, éphémères et locales qu’on vient de très loin contempler à époques fixes, mais celle-là donnée par la nature. Les fleurs des cerisiers sont si étroitement collées aux branches, comme un blanc fourreau, que de loin, parmi les arbres qui n’étaient presque ni fleuris, ni feuillus, on aurait pu croire, par ce jour de soleil encore si froid, voir la neige, fondue ailleurs, et qui était encore là, après les arbustes. »
L’éclatement soudain des pézizes cochenilles, petites coupoles vermillons enflammant le sous-bois, le vol de colibri du bombyle parmi les primevères ou du petit papillon aurore sur les cardamines, le chant puissant et flûté des premières fauvettes de retour, il y a tant de poésie et de légèreté à prendre si près de nous que refuser ou ignorer leurs valeurs essentielles est devenu un crime pour cette époque si lourde de menaces et si coupable d’abandons…
Bruno Mathieu
Petit diptère hirsute équipé d’une longue trompe, le Bombyle visite les fleurs pour y récolter le nectar. Photos : JLS (Cliquez pour agrandir)
Des étoiles bleu pastel sur un talus, dans un sous-bois : c’est la pervenche. Photos : JLS (Cliquez pour agrandir)
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